ENTRETIEN: Genfit veut maintenir deux années de visibilité financière
15 Janvier 2018 - 3:07PM
Dow Jones News
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Genfit (GNFT.FR) est l'un des pionniers
mondiaux du traitement de la stéatohépatite non-alcoolique, plus
communément appelée NASH. Cette maladie du foie au départ
asymptomatique survient chez des patients sans antécédent
alcoolique et peut conduire à la cirrhose et au cancer. Liée au
diabète et à l'obésité, sa prévalence est en forte progression y
compris dans les pays émergents. En l'absence de traitement à ce
jour, la maladie ouvre selon les analystes un potentiel de marché
de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
S'il estime que le rapport bénéfice/risque d'élafibranor se
démarque favorablement de ses concurrents les plus avancés,
Jean-François Mouney, président du conseil d'administration et
directeur général, souligne dans une interview à l'agence Agefi-Dow
Jones que pour percer réellement Genfit doit aussi travailler sur
le diagnostic de la maladie, sur d'éventuelles combinaisons avec
d'autres entités thérapeutiques et sur le volet pédiatrique. Après
avoir levé 180 millions d'euros l'an dernier, le dirigeant explique
que l'entreprise doit conserver deux années de visibilité
financière devant elle pour avancer dans de bonnes conditions.
La sécurité d'emploi est un facteur clé pour le succès d'un
traitement de la NASH, estime le patron de la société
biopharmaceutique lilloise. "Maladie chronique, la NASH nécessite
un traitement chronique. Les praticiens ne peuvent pas se permettre
d'exposer les patients à des effets secondaires qu'on pourrait
tolérer dans le cas d'un traitement passager. D'autant que le
moindre inconvénient à la prise du traitement va diminuer
l'observance et augmenter les risques pathologiques pour des
personnes qui ont déjà un passif sur le plan cardiaque et
métabolique". En ce sens, Jean-François Mouney estime que la
molécule élafibranor bénéficie d'un important avantage
concurrentiel.
Résultats en demi-teinte de l'étude GOLDEN-505
Le groupe américain Intercept, également en phase 3, a vu sa
capitalisation retomber quasiment à un plancher depuis fin 2013 en
raison d'inquiétudes relatives à la sécurité d'Ocaliva, un autre
candidat dans la NASH. La Food and Drug Administration a indiqué
que depuis l'homologation de la molécule dans une indication de
niche, la cholangite biliaire primitive, plusieurs cas d'atteinte
grave du foie dont 19 décès avaient été relevés chez des patients.
Si certains décès résultent de la maladie elle-même ou de
l'absorption de doses excessives, l'agence n'exclut pas que la
molécule puisse en tant que telle accroître les dommages causés au
foie chez des patients modérément malades.
De son côté Genfit a mené entre 2012 et 2015 la première étude
clinique internationale visant la résolution de la NASH. Réalisé
sur la base de critères de guérison moins contraignants, l'étude
GOLDEN-505 n'avait pas montré de façon statistiquement
significative une efficacité supérieure au placebo. L'état de santé
de certains patients encore peu atteints s'était amélioré du fait
d'un meilleur suivi nutritionnel, même sans la molécule. En
revanche, l'essai avait fait apparaître une efficacité
significative sur la base des critères plus sévères fixés
ultérieurement par l'agence sanitaire américaine et sur les
patients les plus atteints. Par ailleurs, le profil de sécurité du
médicament est apparu très favorable sur le plan cardiaque ou
hépatique.
2020, un horizon "réaliste" pour la demande d'homologation
Pour la phase 3 RESOLVE-IT en cours, conformément aux
préconisations actuelles de la FDA, la molécule est testée
seulement chez des patients souffrant d'un degré déjà avancé de la
maladie. "En médecine, personne n'a le droit de dire que ça va
marcher à 100%, mais au vu de l'ensemble des données recueillies
jusqu'à présent, je dirais qu'élafibranor a une bonne probabilité
de réussite", avance le dirigeant dans la mesure où le traitement
de Genfit a déjà montré "sa capacité à faire disparaître
complètement le ballooning et à réduire fortement l'inflammation,
les critères qui s'appliquent désormais à tout essai, sur des
patients d'un score NAS supérieur ou égal à 4". En outre, alors que
l'essai précédent comprenait un an de traitement, la phase 3
prévoit 18 mois. Or, plus le patient est traité sur une longue
période, plus cela favorise la mise en évidence d'un effet
histologique sur les cellules du foie, souligne le PDG.
Le recrutement des 1000 premiers patients, mené dans 260 à 265
centres dans 25 pays différents, devrait être terminé vers la fin
du premier trimestre 2018, espère-t-il, ce qui devrait permettre
d'obtenir les résultats au deuxième semestre 2019. "2020 nous
semble un horizon réaliste pour la demande d'homologation auprès
des agences américaine et européenne", estime Jean-François
Mouney.
Tandis que cet ultime essai sur la molécule phare de Genfit,
conditionnant sa mise sur le marché, focalise l'attention des
investisseurs, la société biopharmaceutique mène plusieurs
chantiers afin de structurer le futur marché de la NASH.
En complément du traitement, Genfit a développé un algorithme,
validé sur les 500 premiers patients de l'étude de phase 3. "Si un
industriel spécialisé met d'ici là au point un moyen d'éviter la
biopsie, tant mieux, mais sinon nous devons faire en sorte de
disposer d'un outil peu invasif pour faciliter le développement du
marché". S'il ne souhaite pas commercialiser directement un tel
outil, le dirigeant juge indispensable de pouvoir disposer d'un
diagnostic in vitro homologué à horizon 2020-2021.
D'autres applications à l'étude, dont la pédiatrie
Affirmant que le potentiel d'élafibranor permet d'envisager une
administration de première intention en monothérapie, Jean-François
Mouney estime "évident qu'au regard de la grande diversité des
profils des malades, on peut rajouter des combinaisons au produit
de base pour générer des mécanismes d'action additionnels". Genfit
teste ainsi différentes hypothèses de combinaison, tant avec des
molécules tierces qu'avec des molécules repérées en interne comme
le NTZ, un médicament repositionné étant donné ses capacités
anti-fibrotiques.
La biotech travaille également à des applications dans le domaine
pédiatrique, après avoir obtenu de l'Agence Européenne des
Médicaments (EMA) l'approbation d'un Plan d'Investigation
Pédiatrique (PIP) d'élafibranor. Genfit présentera cette année ses
avancées dans ce domaine.
Pour poursuivre l'ensemble de ces chantiers, le PDG juge que la
société doit disposer à tout moment de deux ans visibilité
financière. "Avoir un horizon solide ne peut que profiter aux
investisseurs et faciliter nos discussions avec nos partenaires",
indique-t-il. S'il juge qu'être coté aux Etats-Unis fait sens à
mesure que se rapproche l'horizon de mise sur le marché,
Jean-François Mouney ne voit cependant "pas d'urgence" à
s'introduire en Bourse outre-Atlantique.
-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones ; 01 41 27 47 93 ;
gbayre@agefi.fr ; ed : ECH
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