Re-Actualisé: Arbitrage: le parquet demande un procès pour Tapie, Richard et quatre autres personnes
08 Mars 2017 - 6:15PM
Dow Jones News
Le calendrier judiciaire s'accélère pour Bernard Tapie: le
parquet de Paris a demandé un procès pour l'homme d'affaires et
cinq autres protagonistes dans l'enquête sur l'arbitrage de 2008
qui lui a permis de toucher 404 millions d'euros pour régler son
litige avec le Crédit lyonnais.
Si les juges d'instruction suivent ces réquisitions, l'ex-patron de
l'Olympique de Marseille, 74 ans, sera renvoyé devant le tribunal
correctionnel pour "escroquerie en bande organisée" et
"détournement de fonds publics", a-t-on appris mercredi de source
judiciaire.
"Je ne suis pas candidat à l'élection présidentielle. Il n'y a
aucune raison de s'acharner sur moi", a réagi Bernard Tapie auprès
de l'AFP.
Dans son réquisitoire, signé le 6 mars, le parquet requiert aussi
un procès pour son avocat Maurice Lantourne, le PDG d'Orange
Stéphane Richard, à l'époque directeur de cabinet de la ministre de
l'Economie Christine Lagarde, et l'un des trois arbitres chargés de
rendre la sentence contestée, Pierre Estoup. Il demande enfin le
renvoi de Jean-François Rocchi et Bernard Scemama, alors présidents
du CDR et de l'EPFR, entités chargées de solder le passif du Crédit
lyonnais.
Au civil, la Cour de cassation a définitivement annulé en juin
l'arbitrage, estimant qu'il était entaché de "fraude". La haute
juridiction doit aussi examiner le 17 avril l'arrêt de décembre
2015 de la cour d'appel de Paris, condamnant l'ex-ministre de
François Mitterrand à rembourser les sommes perçues.
"La justice marche à l'envers dans cette affaire", a estimé Bernard
Tapie. "La Cour de cassation nous parle de fraude alors que le
procès pénal n'a toujours pas eu lieu", a-t-il relevé.
C'est dans ce dossier que Christine Lagarde, aujourd'hui directrice
générale du Fonds monétaire international, a été reconnue coupable
de "négligence" par la Cour de justice de la République, mais
dispensée de peine et d'inscription au casier judiciaire, une
décision qui a suscité de vives critiques.
- 'Concert frauduleux' -
L'information judiciaire, ouverte en 2012, porte sur la sentence
arbitrale qui, en 2008, a octroyé 404 millions d'euros à Bernard
Tapie, dont 45 au seul titre du préjudice moral, pour trancher le
litige, vieux de plus de 20 ans, avec le Crédit lyonnais sur la
vente d'Adidas en 1994.
Les investigations ont mis en lumière "une faveur outrancière et
systématique des protagonistes de l'affaire aux intérêts de Bernard
Tapie" dans "une mise en scène destinée à faire croire que cette
orientation était favorable aux intérêts de l'Etat", note le
parquet dans ses réquisitions, d'après une source proche du
dossier.
Ce "concert frauduleux" s'est notamment manifesté, aux yeux du
ministère public, à travers "le montant proprement extraordinaire
octroyé à titre de réparation du préjudice moral des époux
Tapie".
Le réquisitoire est "bourré d'insuffisances, de contradictions et
d'incohérences", a estimé Hervé Temime, avocat de l'homme
d'affaires, "l'hypothèse d'un procès va nous donner la possibilité
de tout mettre sur la table".
Dans ce scandale politico-financier, le parquet reproche à Bernard
Tapie, Maurice Lantourne et Pierre Estoup d'avoir joué les premiers
rôles, en dissimulant "les liens anciens et réguliers" qu'ils
entretenaient. Élément troublant, cette dédicace de Bernard Tapie à
l'ex-magistrat dans un livre de 1998, témoignant de son "infinie
reconnaissance", mais avec une faute à son patronyme, écrit
"Estoupe".
Pierre Estoup est soupçonné d'avoir pris en main l'écriture de la
sentence et relégué au rang de figurants les deux autres
arbitres.
"Faux", a réagi son avocat, Renaud Bertin. "La décision a été prise
à l'unanimité des trois juges-arbitres et mon client n'avait pas de
voix déterminante."
Le parquet met aussi en avant le rôle joué par le pouvoir de
l'époque, soulignant que le choix de l'arbitrage est "le résultat
d'une volonté ancienne et devenue efficace après l'élection de
Nicolas Sarkozy". L'enquête a ainsi mis en lumière les nombreuses
visites à l'Elysée de Bernard Tapie, qui avait appelé à voter pour
le candidat de la droite en 2007.
Ainsi, cette réunion de fin juillet 2007, moment crucial avant le
choix de l'arbitrage. Selon des protagonistes, l'homme d'affaires
avait plaidé sa cause notamment en présence du secrétaire général
de l'Elysée Claude Guéant et de Stéphane Richard. Entendu par les
juges, Claude Guéant avait été placé sous le statut de témoin
assisté.
(END) Dow Jones Newswires
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