Une vente par Vivendi de ses parts dans Ubisoft est probable et souhaitable - DJ Plus
17 Novembre 2017 - 3:48PM
Dow Jones News
Ambroise Ecorcheville,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les jours de Vivendi (VIV.FR) chez Ubisoft
(UBI.FR) pourraient être comptés.
De prime abord, le groupe de médias et télécoms contrôlé par
Vincent Bolloré conserve toutes ses options ouvertes sur sa
participation de 26,63% dans l'éditeur de jeux vidéo de la famille
Guillemot.
Mais l'éventualité la plus probable paraît bien être celle d'une
sortie. C'est en tout cas celle qui est le plus dans ses intérêts.
Même s'il reste à définir selon quelles modalités.
Certes, la déclaration d'intention faite par Vivendi jeudi soir,
lors de la publication de ses résultats du troisième trimestre, est
ambiguë.
Le groupe a déclaré qu'il ne tenterait pas de prendre le contrôle
d'Ubisoft, mais souligné que cette déclaration ne valait que pour
six mois.
Il a réaffirmé sa volonté de continuer à se développer dans les
jeux vidéo, tout en relevant que sa plus-value latente dans le
groupe dépassait désormais le milliard d'euros.
Dans les faits, Vivendi a intérêt à ne pas manifester trop
ouvertement son intention de vendre pour éviter toute pression
excessive sur le cours d'Ubisoft et maximiser sa plus-value dans le
groupe.
Une acquisition indigeste pour Vivendi
Car il est bien dans l'intérêt de Vivendi de céder ses parts dans
Ubisoft.
L'éditeur de jeux vidéo est sans doute devenu trop cher pour le
groupe de médias et télécoms. Depuis l'entrée du groupe de Vincent
Bolloré au capital de la société de la famille Guillemot, le cours
d'Ubisoft a explosé et Vivendi s'est endetté.
Au cours actuel d'Ubisoft, Vivendi devrait débourser 5,7 milliards
d'euros pour acquérir le solde de son capital, selon Kepler
Cheuvreux. "Cela ferait gonfler sa dette nette à plus de 7
milliards d'euros et son ratio dette nette sur excédent brut
d'exploitation (Ebitda) au-dessus de 3, c'est-à-dire au-dessus de
la limite de 2,5 requise pour conserver sa note de crédit", a
souligné la société de Bourse.
Risquée sur le plan financier, l'opération le serait tout
particulièrement sur le plan opérationnel. La valeur d'Ubisoft
réside avant tout dans son capital humain. Une OPA hostile pourrait
faire fuir non seulement les membres de la famille Guillemot mais
également des développeurs et créatifs clefs du groupe. Le risque
de se retrouver à la tête d'une coquille vide ne peut être
écarté.
L'éditeur de jeux vidéo et sa famille fondatrice ont constamment
manifesté leur opposition à une tentative de prise de contrôle.
"Nous resterons vigilants sur leurs intentions à long terme", a
d'ailleurs déclaré Ubisoft en réaction au communiqué de Vivendi
jeudi soir.
Enfin, la vente d'une participation actuellement valorisée environ
2 milliards d'euros permettrait à Vivendi de se dégager de nouveaux
moyens financiers, par exemple pour renforcer sa filiale Gameloft
dans les jeux vidéo mobiles à travers des acquisitions.
Dans le passé, Vincent Bolloré a toujours fait preuve de
pragmatisme. Vendre ses parts dans Ubisoft avec une plus-value de
plus de 1 milliard d'euros lui permettrait de sortir par le
haut.
Les modalités d'une probable sortie à définir
Bien sûr, céder plus du quart du capital d'une entreprise cotée en
Bourse de la taille d'Ubisoft n'est pas chose aisée. Réalisée au
fil de l'eau, l'opération ne manquerait pas de peser sur son cours
de Bourse.
Toutefois, les circonstances actuelles lui sont particulièrement
favorables. Publication après publication, Ubisoft prouve qu'il est
en train de réussir sa transformation stratégique, notamment sa
montée en puissance sur Internet. Cette transformation a au moins
autant contribué à l'essor du titre en Bourse que la dimension
spéculative liée à l'offensive de Vivendi. Les perspectives
offertes par la transformation en cours d'Ubisoft devraient l'aider
à séduire de nouveaux investisseurs.
Une collaboration entre Vivendi et Ubisoft pour organiser une
sortie coordonnée faciliterait également les choses. Elle pourrait
permettre à Ubisoft de reprendre une partie des titres de Vivendi
et de se concerter sur les éventuels repreneurs du solde de sa
participation.
Contactés, ni Ubisoft ni Vivendi n'étaient disponibles pour un
commentaire. Mais en un sens, le fait que Vivendi ait renoncé jeudi
à toute représentation au conseil d'administration d'Ubisoft
constitue une façon de jouer l'apaisement avec le groupe de la
fratrie Guillemot.
Ubisoft ne devra pas relâcher la garde
Pourvu que Vivendi cède bien ses parts dans Ubisoft, l'éditeur
indépendant pourra se targuer d'un bel exploit. Celui d'avoir
repoussé les offensives hostiles de deux géants, après l'échec de
celle de l'éditeur américain Electronic Arts (EA) pendant la
première décennie des années 2000. Et cela sans recours à une
pilule empoisonnée ou à un chevalier blanc.
Toutefois, l'irruption en octobre 2015 de Vivendi au capital
d'Ubisoft a eu le mérite de mettre l'entreprise sous tension. La
menace d'une OPA hostile a poussé l'éditeur à donner le meilleur de
lui-même. Si Vivendi vend ses parts dans le groupe, il faut espérer
qu'Ubisoft ne relâchera pas ses efforts.
- Ambroise Ecorcheville, Agefi-Dow Jones; 01 41 27 47 90;
aecorcheville@agefi.fr ed: ECH
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