Julien Marion,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Pour surprenante qu'elle apparaisse, une entrée d'AccorHotels au capital d'Air France-KLM est une idée ancienne. Dès l'introduction en Bourse de la compagnie aérienne, en 1999, la rumeur courait. Ce serpent de mer refait surface. Le groupe hôtelier a confirmé envisager une prise une participation minoritaire dans le capital d'Air France-KLM. Plusieurs médias indiquent qu'il pourrait reprendre les 14,3% détenus par l'Etat français, possiblement via un échange de titres. Ni Bercy, ni Air-France KLM , ni AccorHotels n'ont souhaité commenter cette dernière information auprès de l'agence Agefi-Dow Jones.



Au contraire d'Air France-KLM, qui s'envolait de 7% en début d'après-midi, le titre Accor plongeait de 6%. Le marché a raison de s'inquiéter. Si un rapprochement stratégique entre les deux vaisseaux amiraux du tourisme tricolore s'avère pertinent, y ajouter des liens capitalistiques fait beaucoup moins sens.



Des millions de voyageurs à conquérir



Certes, renforcer ses partenariats avec Air France-KLM présenterait de nombreux avantages pour AccorHotels, notamment une fusion des programmes de fidélité des deux groupes. Ces programmes procurent de réels leviers de croissance, un adhérent consommant proportionnellement davantage qu'un client lambda. Ce pourquoi l'hôtelier français met les bouchées doubles, avec plus de 20.000 recrutements par jour pour son programme qui comptait 41 millions de membres fin 2017.



En ajoutant ceux de Raffles, Fairmont, Swissôtel, et celui de Huazhu, AccorHotels possède actuellement de la visibilité sur près de 145 millions de voyageurs. Un partenariat avec Air France-KLM lui permettrait de passer la vitesse supérieure. Outre les 15 millions de membres de Flying Blue, le programme de fidélité d'Air France-KLM, le groupe hôtelier s'offrirait un accès aux quelque 220 millions de membres des programmes de fidélité de l'alliance Skyteam, dont la compagnie franco-néerlandaise est membre fondateur.



Air France-KLM pourrait aussi faire profiter à AccorHotels de ses compétences dans l'e-commerce et dans le "yield management" - c'est-à-dire la tarification en temps réelle de sorte à optimiser les revenus - soulignent les analyses d'Oddo BHF.



Une garantie d'indépendance



Il n'en reste pas moins qu'un simple accord stratégique suffirait pour bénéficier de ces synergies commerciales, comme le remarque Képler Cheuvreux. A contrario, acquérir une participation directe n'offre que peu d'intérêt en soi. A supposer que la piste de l'échange de titres se concrétise, l'Etat valoriserait aujourd'hui sa participation dans Air France-KLM à 430 millions d'euros, ce qui lui permettrait d'acquérir 3,5% d'AccorHotels. Dans ce cas de figure, la présence de l'Etat donnerait une garantie d'indépendance supplémentaire au groupe hôtelier face aux éventuelles velléités chinoises.



"L'entrée de l'Etat au capital d'AccorHotels serait un moyen de renforcer l'ancrage français du groupe face à ses actionnaires chinois, Jin Jiang et Huazhu. Avec respectivement 12,3% et 4,5% du capital, ces actionnaires pèsent déjà lourd dans la gouvernance. Huazhu a en outre indiqué vouloir renforcer sa participation", développe Jie Zhang, analyste chez Alpha Value.



Des résultats plus volatils



En contrepartie de cet avantage peu tangible pour l'actionnaire individuel, la liste des inconvénients s'avère longue. Avec l'ouverture du capital d'AccorInvest et ses récentes acquisitions, AccorHotels dispose encore d'environ 600 millions d'euros disponibles, soit assez pour acquérir les 14,3% de l'Etat dans Air France--KLM, calcule Najet El Kassir, de Berenberg. Mais "l'argent que déploierait AccorHotels pour racheter cette participation serait bien mieux utilisé par le groupe pour procéder à d'autres acquisitions dans l'hôtellerie", objecte l'analyste. La direction du groupe hôtelier a plusieurs fois assuré que le produit de la vente d'AccorInvest devait avant tout lui permettre de se renforcer dans l'hôtellerie en procédant à des acquisitions ciblées. Entrer au capital d'Air France--KLM ne ferait dès lors que détourner le groupe de ses priorités, remarque Barclays.



Une telle décision renforcerait en outre la volatilité des résultats d'AccorHotels. A fortiori chez Air France-KLM, groupe qui en plus d'être exposé aux prix du pétrole et à la pression concurrentielle, reste actuellement sans pilote et sans plan de vol pour sortir de la crise sociale de sa compagnie Air France. Cette prise de participation "apporterait davantage de risques pour très peu de récompenses", résument les analystes de Bernstein.



Un timing compliqué



Pour l'actionnaire, l'entrée au capital d'Air France--KLM compliquerait l'appréciation du potentiel d'AccorHotels. D'autant plus que le groupe français doit mener à bien l'intégration de nombreuses acquisitions dont Mövenpick, Mantra ou encore les 50% du sud-africain Mantis. "Le moment n'est pas le mieux choisi pour prendre une participation dans un groupe comme Air France-KLM", abonde Najet El Kassir de Berenberg.



Pour le moment, l'entrée d'AccorHotel au capital d'Air France-KLM demeure "une réflexion" à laquelle l'Etat s'est déclaré "ouvert". L'actionnaire du groupe hôtelier à tout intérêt à ce que cette piste reste lettre morte.



-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH



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(END) Dow Jones Newswires



June 04, 2018 11:00 ET (15:00 GMT)




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