AccorHotels devrait s'allier à Air France-KLM mais pas entrer à son capital - DJ Plus
04 Juin 2018 - 5:20PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Pour surprenante qu'elle apparaisse, une
entrée d'AccorHotels au capital d'Air France-KLM est une idée
ancienne. Dès l'introduction en Bourse de la compagnie aérienne, en
1999, la rumeur courait. Ce serpent de mer refait surface. Le
groupe hôtelier a confirmé envisager une prise une participation
minoritaire dans le capital d'Air France-KLM. Plusieurs médias
indiquent qu'il pourrait reprendre les 14,3% détenus par l'Etat
français, possiblement via un échange de titres. Ni Bercy, ni
Air-France KLM , ni AccorHotels n'ont souhaité commenter cette
dernière information auprès de l'agence Agefi-Dow Jones.
Au contraire d'Air France-KLM, qui s'envolait de 7% en début
d'après-midi, le titre Accor plongeait de 6%. Le marché a raison de
s'inquiéter. Si un rapprochement stratégique entre les deux
vaisseaux amiraux du tourisme tricolore s'avère pertinent, y
ajouter des liens capitalistiques fait beaucoup moins sens.
Des millions de voyageurs à conquérir
Certes, renforcer ses partenariats avec Air France-KLM présenterait
de nombreux avantages pour AccorHotels, notamment une fusion des
programmes de fidélité des deux groupes. Ces programmes procurent
de réels leviers de croissance, un adhérent consommant
proportionnellement davantage qu'un client lambda. Ce pourquoi
l'hôtelier français met les bouchées doubles, avec plus de 20.000
recrutements par jour pour son programme qui comptait 41 millions
de membres fin 2017.
En ajoutant ceux de Raffles, Fairmont, Swissôtel, et celui de
Huazhu, AccorHotels possède actuellement de la visibilité sur près
de 145 millions de voyageurs. Un partenariat avec Air France-KLM
lui permettrait de passer la vitesse supérieure. Outre les 15
millions de membres de Flying Blue, le programme de fidélité d'Air
France-KLM, le groupe hôtelier s'offrirait un accès aux quelque 220
millions de membres des programmes de fidélité de l'alliance
Skyteam, dont la compagnie franco-néerlandaise est membre
fondateur.
Air France-KLM pourrait aussi faire profiter à AccorHotels de ses
compétences dans l'e-commerce et dans le "yield management" -
c'est-à-dire la tarification en temps réelle de sorte à optimiser
les revenus - soulignent les analyses d'Oddo BHF.
Une garantie d'indépendance
Il n'en reste pas moins qu'un simple accord stratégique suffirait
pour bénéficier de ces synergies commerciales, comme le remarque
Képler Cheuvreux. A contrario, acquérir une participation directe
n'offre que peu d'intérêt en soi. A supposer que la piste de
l'échange de titres se concrétise, l'Etat valoriserait aujourd'hui
sa participation dans Air France-KLM à 430 millions d'euros, ce qui
lui permettrait d'acquérir 3,5% d'AccorHotels. Dans ce cas de
figure, la présence de l'Etat donnerait une garantie d'indépendance
supplémentaire au groupe hôtelier face aux éventuelles velléités
chinoises.
"L'entrée de l'Etat au capital d'AccorHotels serait un moyen de
renforcer l'ancrage français du groupe face à ses actionnaires
chinois, Jin Jiang et Huazhu. Avec respectivement 12,3% et 4,5% du
capital, ces actionnaires pèsent déjà lourd dans la gouvernance.
Huazhu a en outre indiqué vouloir renforcer sa participation",
développe Jie Zhang, analyste chez Alpha Value.
Des résultats plus volatils
En contrepartie de cet avantage peu tangible pour l'actionnaire
individuel, la liste des inconvénients s'avère longue. Avec
l'ouverture du capital d'AccorInvest et ses récentes acquisitions,
AccorHotels dispose encore d'environ 600 millions d'euros
disponibles, soit assez pour acquérir les 14,3% de l'Etat dans Air
France--KLM, calcule Najet El Kassir, de Berenberg. Mais "l'argent
que déploierait AccorHotels pour racheter cette participation
serait bien mieux utilisé par le groupe pour procéder à d'autres
acquisitions dans l'hôtellerie", objecte l'analyste. La direction
du groupe hôtelier a plusieurs fois assuré que le produit de la
vente d'AccorInvest devait avant tout lui permettre de se renforcer
dans l'hôtellerie en procédant à des acquisitions ciblées. Entrer
au capital d'Air France--KLM ne ferait dès lors que détourner le
groupe de ses priorités, remarque Barclays.
Une telle décision renforcerait en outre la volatilité des
résultats d'AccorHotels. A fortiori chez Air France-KLM, groupe qui
en plus d'être exposé aux prix du pétrole et à la pression
concurrentielle, reste actuellement sans pilote et sans plan de vol
pour sortir de la crise sociale de sa compagnie Air France. Cette
prise de participation "apporterait davantage de risques pour très
peu de récompenses", résument les analystes de Bernstein.
Un timing compliqué
Pour l'actionnaire, l'entrée au capital d'Air France--KLM
compliquerait l'appréciation du potentiel d'AccorHotels. D'autant
plus que le groupe français doit mener à bien l'intégration de
nombreuses acquisitions dont Mövenpick, Mantra ou encore les 50% du
sud-africain Mantis. "Le moment n'est pas le mieux choisi pour
prendre une participation dans un groupe comme Air France-KLM",
abonde Najet El Kassir de Berenberg.
Pour le moment, l'entrée d'AccorHotel au capital d'Air France-KLM
demeure "une réflexion" à laquelle l'Etat s'est déclaré "ouvert".
L'actionnaire du groupe hôtelier à tout intérêt à ce que cette
piste reste lettre morte.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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