Alstom sur les rails pour racheter le pôle ferroviaire de Bombardier, le marché apprécie
17 Février 2020 - 4:49PM
Dow Jones News
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un an après l'échec de son projet de
fusion avec Siemens Mobility, Alstom reprend le train des
fusion-acquisitions. L'équipementier ferroviaire a confirmé lundi
matin être en discussions avec le groupe canadien Bombardier pour
un potentiel rachat de son pôle ferroviaire, Bombardier Transport.
"Aucune décision finale n'a été prise", a ajouté Alstom.
Le Wall Street Journal avait auparavant rapporté qu'Alstom et
Bombardier avaient signé un accord préliminaire sur une telle
transaction pour plus de 7 milliards de dollars, soit environ 6,5
milliards d'euros. L'acquisition devrait essentiellement être
libellée en numéraire, avec une partie en actions, selon les
sources du Wall Street Journal. La Caisse de dépôt et placement du
Québec, qui détient 32,5% du capital de la branche ferroviaire de
Bombardier, a accepté de céder cette participation à Alstom et
d'acquérir une participation minoritaire dans le nouvel ensemble,
ont précisé ces sources.
Un acteur mieux armé face au chinois CRRC
La perspective de cette union ravit le marché. En milieu
d'après-midi, le titre Alstom gagnait 4%, à 50,54 euros, soit la
troisième plus forte hausse du SBF 120. UBS juge que le rachat de
Bombardier par l'équipementier français pourrait être "fortement
créateur de valeur" pour le groupe français. Sur la base des
chiffres parus dans la presse, la banque suisse calcule un impact
positif sur le bénéfice net par action de 43,6% pour l'exercice
2021-2022. JPMorgan Cazenove estimait la semaine dernière que
l'opération pourrait augmenter de plus de 25% le bénéfice par
action pour l'exercice 2021-2022, hors éventuelles cessions.
Dans un secteur où la taille permet de mieux absorber des coûts
fixes importants et de lisser les aléas des commandes, Alstom
s'armerait face à la concurrence potentielle du mastodonte China
Railway Rolling Stock Corporation (CRRC). Le groupe chinois pose
peu à peu ses pions en Europe et a par exemple racheté en août la
division locomotives de l'allemand Vossloh. "La présence de CRRC
est aujourd'hui marginale en Europe mais son marché national
commence à saturer et il pourrait ainsi monter en puissance en
Europe", explique Arnaud Aymé, consultant au cabinet Sia Conseil.
Selon Morgan Stanley, le chiffre d'affaires total de Bombardier
Transport et Alstom représenterait 15,8 milliards d'euros en
données pro forma, soit environ 60% des revenus de CRRC, de près de
30 milliards d'euros.
Ce rachat risque toutefois de peser sur les marges d'Alstom. Dans
ses prévisions, UBS retient une marge d'exploitation ajustée de
8,1% pour le nouvel ensemble en 2021-2022, contre 8,9% pour Alstom
seul. "Il faudra qu'Alstom montre des synergies de nature à
contrebalancer la dilution de cette acquisition sur les marges, la
rentabilité de Bombardier Transport étant inférieure de 4 points à
celle d'Alstom, avec une marge d'exploitation de l'ordre de 3% à
4%", prévient un analyste parisien.
Une opération qui serait dans le collimateur de Bruxelles
Un potentiel rachat de Bombardier Transport par Alstom devra
surtout obtenir l'aval de la Commission européenne, qui avait mis
son veto l'an dernier à la fusion Alstom-Siemens Mobility, inquiète
des conséquences de l'opération pour la concurrence sur le marché
des systèmes de signalisation et celui des trains à très grande
vitesse.
La branche ferroviaire de Bombardier dispose d'une importante
présence en Europe, avec un siège social en Allemagne, à Berlin.
D'après UBS, 63% des 40.600 salariés de Bombardier Transport sont
présents en Europe. La banque suisse estime toutefois qu'un
rapprochement Alstom-Bombardier Transport devrait se heurter à
moins d'obstacles de la part de Bruxelles que la fusion
Alstom-Siemens Mobility.
"Les risques sont réels, mais ils sont peut-être moins importants
que dans le cas de la fusion avec Siemens Mobility", confirme
Arnaud Aymé. Le consultant de Sia Conseil rappelle que la France et
l'Allemagne ont demandé à la nouvelle Commission européenne de ne
plus seulement assurer "une concurrence pure et parfaite", mais
aussi de "permettre l'existence de champions européens capables de
conquérir des marchés internationaux". De plus "Bombardier et
Alstom devraient avoir des parts de marché moindres que
Siemens-Alstom dans les infrastructures ferroviaires, ce qui
devrait faire moins peur à leurs clients", ajoute le
consultant.
La réalisation de l'opération pourrait par ailleurs prendre un
certain temps. JPMorgan Cazenove estime que Bombardier et Alstom
pourraient avoir besoin de 12 à 18 mois pour obtenir le feu vert de
l'ensemble des autorités de régulation.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: LBO
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