Après sa sortie de route, Renault doit renforcer son tandem avec Nissan - DJ Plus
18 Octobre 2019 - 4:00PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Renault a très mal négocié le virage du
troisième trimestre. Vendredi, le titre du constructeur chute de
12,2%, accusant la plus forte baisse du CAC 40, à la suite d'un
avertissement sur résultats retentissant.
Le groupe présidé par Jean-Dominique Senard a annoncé jeudi soir
tabler désormais sur un recul de son chiffre d'affaires de 3% à 4%
pour 2019, alors que le constructeur comptait auparavant atteindre
des revenus proches de ceux de 2018, hors effet de changes et de
périmètre. La marge opérationnelle de l'ensemble de l'exercice est
désormais attendue autour de 5% contre environ 6% précédemment. Par
ailleurs, Renault ne garantit plus que son flux de trésorerie libre
soit positif sur l'ensemble de l'année, même s'il devrait être dans
le vert au second semestre.
L'ampleur de ces révisions stupéfie les analystes. Jefferies se dit
ainsi surpris non pas par l'avertissement sur résultats mais par sa
"magnitude". Oddo BHF, qui est passé de "achat" à "neutre" sur la
valeur, évoque un "profit warning déroutant par son timing et son
ampleur" et dont le bureau d'études a du mal à cerner les
raisons.
Directrice générale par intérim depuis l'éviction de Thierry
Bolloré vendredi dernier, la directrice financière, Clotilde
Delbos, a imputé cet avertissement à la faiblesse de plusieurs
marchés du groupe au troisième trimestre, particulièrement la
Turquie et l'Argentine. L'industriel peine également à réduire ses
dépenses de recherche et développement autant qu'il le souhaite. La
dirigeante a aussi expliqué que des "soucis techniques" avaient
empêché Renault de bénéficier à plein régime des lancements de ses
nouveaux modèles. Ces problèmes sont toutefois en cours de
résolution, a assuré Clotilde Delbos.
Le fait que cette annonce survienne seulement une semaine après la
révocation de Thierry Bolloré suscite des interrogations légitimes
dans la communauté financière. Le président de Renault,
Jean-Dominique Senard, avait assuré lors du limogeage de l'ancien
directeur général que ce départ n'était pas lié à la performance du
constructeur.
Une opportunité pour l'Alliance
Cet impair doit en tout cas pousser Renault à intensifier la
coopération de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, en particulier
avec Nissan, dont il détient 43,4% du capital. Renault souffre mais
le groupe japonais se trouve dans une pire situation. Au premier
trimestre de son exercice 2019-2020, soit d'avril à juin, son
bénéfice a fondu de 94,5% tandis que sa marge opérationnelle a
chuté de 4% à 0,1% en un an. Or, selon Deutsche Bank, la
participation de Renault dans Nissan pèse pour 65% de la
valorisation boursière du groupe au losange. "Si le coeur de métier
de Renault est important, l'avenir de l'action repose sur ce qui se
passe avec Nissan et Fiat", écrit de son côté Royal Bank of Canada,
qui maintient Renault dans la liste de ses valeurs préférées malgré
son alerte.
Renault doit donc, outre ses propres performances, remettre en
piste son allié japonais et resserrer leurs liens. L'arrivée d'une
nouvelle direction chez Nissan, dont Jean-Dominique Senard a vanté
le caractère "extraordinairement pro-alliance" doit permettre au
tandem de redémarrer. Cette nouvelle gouvernance "est un très bon
signe montrant que nous allons être capables de continuer à
renforcer les synergies entre Renault et Nissan" ce dont les deux
groupes, ainsi que Mitsubishi, "ont désespérément besoin", a appuyé
Clotilde Delbos, jeudi. "Senard a une belle carte à jouer en
démontrant que les choses à l'heure actuelle ne fonctionnent pas et
qu'il faut mettre en place une autre structure, plus performante",
glisse un analyste.
La bonne entente avec Nissan s'avère d'autant plus primordiale que
le groupe japonais constitue un rouage essentiel pour pouvoir
éventuellement relancer les discussions avec Fiat Chrysler
Automobiles (FCA). En août, le Wall Street Journal avait révélé des
discussions entre Renault et Nissan pour remodeler leur alliance
dans l'espoir de pouvoir ensuite rouvrir les négociations avec le
groupe italo-américain, abandonnées au printemps dernier.
Jean-Dominique Senard a assuré, la semaine dernière, que le sujet
"n'était pas sur la table". Néanmoins, Clotilde Delbos a affirmé
jeudi à des analystes que, sur le papier, une telle opération
restait "toujours aussi attrayante".
Renault a toutefois plusieurs fers au feu alors que le groupe au
losange cherche un nouveau directeur général. En l'absence
d'avancées avec Nissan ou FCA, l'industriel fait face à de
nombreuses incertitudes qui n'incitent guère à considérer la chute
boursière de ce vendredi comme un point d'entrée intéressant. Les
analystes de Citigroup affirment ne pas voir "beaucoup de raisons
de rechercher le titre". Plus que jamais, Renault et Nissan doivent
unir leur destin afin d'accélérer dans un contexte économique
adverse.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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