Avec Enel et Iberdrola, les renouvelables tiennent leurs "supermajors" - Plus Europe
30 Novembre 2020 - 10:08AM
Dow Jones News
Rochelle Toplensky,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Le déclin des "supermajors" gazières et
pétrolières au cours des deux dernières années s'est accompagné
d'une montée en puissance de groupes de services collectifs qui
étaient jusqu'alors restés dans l'ombre. En Europe, Enel et
Iberdrola sont devenus des poids lourds du secteur des énergies
renouvelables en s'écartant des stratégies habituelles des grandes
compagnies pétrolières.
Comme Shell et BP avant elles, ces entreprises se sont constituées
des portefeuilles mondiaux pour répondre à l'augmentation de la
demande d'énergie, en remplaçant simplement les carburants fossiles
par des sources d'énergie éolienne et solaire. Cette stratégie a
payé puisque le groupe italien et son concurrent espagnol sont
devenus les deux premiers producteurs mondiaux d'énergie
renouvelable en termes de capacités. Leur ambition ne s'arrête pas
là pour autant.
Enel a annoncé mardi qu'il comptait porter sa capacité à 120
gigawatts d'ici à 2030, soit près du triple de sa capacité
actuelle. Auparavant, Iberdrola avait indiqué qu'il prévoyait de
doubler sa capacité à 60 gigawatts d'ici à 2025. Les deux
entreprises présentent des similarités avec leur concurrent
américain NextEra, qui s'échange sur des multiples de résultat bien
plus élevés, mais leur activité est bien plus tournée vers
l'international.
Un bon rapport coût-performance
Les trois groupes se préparent à une croissance exponentielle de la
demande d'énergies propres, à mesure que les marchés émergents
s'enrichissent et que les économies développées se concentrent sur
la réduction de leurs émissions carbone. Les énergies renouvelables
offrent maintenant un bon rapport coût-performance par rapport aux
énergies fossiles, et les gouvernements accélèrent leurs objectifs
de décarbonation.
Enel et Iberdrola présentent certains points communs avec les
supermajors pétrolières. Les deux compagnies sont verticalement
intégrées : elles obtiennent des concessions auprès des Etats pour
de multiples sites d'énergie solaire et éolienne, développent les
projets puis exploitent les centrales et les réseaux de
distribution. Leurs grandes activités internationales leur
permettent de réaliser suffisamment d'économies d'échelle pour être
rentables, et de bénéficier en outre de savoir-faire et de
relations au niveau local.
A l'instar des compagnies pétrolières qui entretiennent une banque
de droits de forage, Enel et Iberdrola disposent d'un vaste
portefeuille de permis pour développer leurs projets à travers le
monde : celui d'Enel porte sur 141 gigawatts tandis que celui
d'Iberdrola porte sur 70 gigawatts. Et les deux géants énergétiques
continuent de prospecter.
Les centrales électriques, plus sûres mais moins rentables
Il existe aussi d'importantes différences avec les majors gazières
et pétrolières. Les investissements dans les projets pétroliers
sont généralement très risqués et très rentables, alors que les
nouvelles centrales électriques sont plus sûres et génèrent des
bénéfices moins élevés.
L'or noir est une matière première de dimension internationale et
ses prix sont volatils. Les énergies plus difficilement
transportables sont des produits bien plus localisés qui présentent
des prix souvent réglementés ou fixés par des contrats de long
terme. Cette visibilité permet aux groupes de services aux
collectivités d'emprunter pour augmenter leurs rendements, alors
que les compagnies pétrolières doivent conserver de faibles niveaux
d'endettement pour pouvoir supporter la cyclicité du prix des
matières premières.
Basé à Rome, Enel est surtout présent en Europe, aux Etats-Unis et
en Amérique latine. Son projet de tripler ses capacités d'énergie
renouvelable s'inscrit dans un plan d'investissement de 160
milliards d'euros consacré aux centrales photovoltaïques et aux
parcs éoliens terrestres, aux infrastructures énergétiques, au
stockage et à l'hydrogène. Le groupe compte également dix centrales
au charbon qu'il prévoit de fermer d'ici à 2027.
Iberdrola prévoit quant à lui d'investir 75 milliards d'euros d'ici
à 2025 pour doubler ses capacités. Le groupe construit des
centrales solaires et des parcs éoliens, aussi bien terrestres que
maritimes, principalement aux Etats-Unis et en Europe. Le groupe
énergétique espagnol a fait l'acquisition le mois dernier de
l'américain PNM Resources, présent au Nouveau-Mexique et au Texas,
le propulsant ainsi parmi les plus grands acteurs du marché
américain.
Pour autant, l'activité n'est pas sans risque. La demande d'énergie
verte devrait encore grimper en flèche, mais les rendements
pourraient pâtir de l'arrivée massive sur ce segment d'acteurs
comme BP et Shell. Le retour sur investissement de ces projets de
plusieurs décennies pourrait au final souffrir d'une hausse des
taux d'intérêt, de prix plus bas sur le long terme (à l'expiration
des contrats à prix fixes) et d'une évolution de la réglementation.
Paradoxalement, le changement climatique pourrait en outre, en
modifiant les conditions d'ensoleillement ou la configuration des
vents, affecter l'efficacité des centrales.
Les énergies renouvelables sont néanmoins appelées à prendre une
place de plus en plus importante et, en tant que chefs de file du
secteur, Enel et Iberdrola méritent une attention plus
soutenue.
-Rochelle Toplensky, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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November 30, 2020 03:48 ET (08:48 GMT)
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