Dimitri Delmond



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'évolution de son cours de Bourse depuis trois ans ne constitue pas une publicité rêvée. Au sein de l'indice CAC 40, Publicis est la seule action à avoir cédé du terrain en 2017 (-13,6%), en 2018 (-11,6%) et à continuer à s'inscrire en baisse depuis le début de cette année (-2,2%). Les investisseurs ont sanctionné un groupe dont la croissance organique a calé. Elle est ressortie à 0,8% en 2017, avant de ralentir à 0,1% l'an passé au point de se transformer en un repli du chiffre d'affaires de 1,8% au premier trimestre 2019.



Ces mauvaises performances enregistrées par le numéro trois mondial de la publicité traduisent une douloureuse métamorphose de son secteur : l'incursion des cabinets de conseil et des sociétés technologiques américaines telles Facebook ou Google dans les métiers du marketing engage les annonceurs à se détourner des agences traditionnelles au moment de confier leurs budgets publicitaires.



La situation est préoccupante et les dirigeants de Publicis ont préféré tirer un trait sur leur repos dominical. Dimanche, le groupe publicitaire a annoncé proposer 4,4 milliards de dollars en numéraire, soit 3,9 milliards d'euros, pour racheter sur son endettement l'agence marketing spécialiste des données Epsilon à l'entreprise américaine Alliance Data Systems. Inférieur aux 5 milliards de dollars évoqués depuis quelques semaines par la presse et même ramené à 3,95 milliards de dollars après prise en compte d'un effet fiscal favorable, ce montant est toutefois le plus important jamais dépensé par Publicis pour sa croissance externe.



Accélération aux Etats-Unis



Un tel investissement dans les données signale un brutal revirement stratégique. En intégrant Epsilon, Publicis accélère son développement aux Etats-Unis et réduit sa dépendance à son métier historique d'achat d'espaces publicitaires. En se donnant accès à 250 millions de profils de consommateurs américains, le groupe espère aussi pouvoir améliorer son ciblage publicitaire. L'acquisition de telles compétences dans la technologie et le numérique paraît essentielle, alors que le cadre réglementaire relatif à l'utilisation et à la circulation des données ne cesse de se durcir.



L'intégration réussie d'Acxiom par Interpublic a aussi pu convaincre les dirigeants de Publicis de s'intéresser à ce segment de marché. D'autant que le prix d'Epsilon n'est pas déraisonnable. La transaction que réglera Publicis au troisième trimestre de cette année fait ressortir un ratio valeur d'entreprise sur excédent brut d'exploitation de 8,2, contre un multiple de 11,5 retenu l'an dernier pour le rachat d'Axciom par Interpublic, a fait remarquer Berenberg. Le risque de perte de valeur sur Epsilon parait alors relativement faible, alors que les comptes 2016 avaient été plombés par de lourdes dépréciations concernant Sapient, racheté au prix fort en 2014.



Selon le groupe publicitaire, l'intégration d'Epsilon entraînera une amélioration d'au moins 10% de son bénéfice net et de son flux de trésorerie disponible par action, dès 2020. Ces deux indicateurs auraient respectivement augmenté de 12,5% et 18,3% l'an passé sur la base des comptes 2018 des deux entités, avant prise en compte d'éventuelles synergies liées à la transaction.



La direction rassure sur les perspectives



Arthur Sadoun, président du directoire du groupe publicitaire, a su rassurer les investisseurs les plus inquiets face au recul de 4% du chiffre d'affaires d'Epsilon l'an passé, en données organiques.



Lors d'une conférence téléphonique, le dirigeant a déclaré qu'il estimait pouvoir aider Epsilon à retrouver le chemin de la croissance organique, indicateur clé pour tout le secteur. "Le chiffre d'affaires d'Epsilon a reculé l'an passé à cause d'éléments exceptionnels" et, à terme, "nous pensons pouvoir ramener sa croissance entre 5% et 10%", a-t-il affirmé. Avant même d'avoir absorbé Epsilon, Arthur Sadoun a promis un retour à la croissance organique pour Publicis dès ce deuxième trimestre.



Tous ces éléments permettent à l'action Publicis de progresser de 1% lundi après-midi, à 47,66 euros. Les investisseurs resteront toutefois attentifs à la maîtrise des risques d'intégration d'Epsilon.



Selon les calculs d'Oddo BHF, les synergies de coûts liées à cette opération pourraient atteindre 88 millions d'euros en tenant compte du plan d'économie lancé par Epsilon, ce qui pourrait conduire à des charges de restructuration d'environ 75 millions d'euros. "En tout état de cause, ces économies devraient permettre de compenser une éventuelle pression sur l'activité en cas d'intégration plus difficile qu'attendu", estime Oddo BHF.



En marge de l'annonce du rachat d'Epsilon, Publicis a confirmé maintenir son taux de distribution de 45% de ses résultats. Mais le groupe a suspendu son programme de rachat d'actions pour financer le rachat de la société américaine. De fait, après la laborieuse intégration de Sapient, ses actionnaires ne sauraient tolérer l'échec.



-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH



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(END) Dow Jones Newswires



April 15, 2019 10:16 ET (14:16 GMT)




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