Boeing doit savoir maîtriser ses coûts sans renier ses enjeux techniques - Plus USA
17 Juillet 2019 - 09:59AM
Dow Jones News
Jon Sindreu,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Depuis le fiasco du 737 MAX, Boeing a vu
sa valeur boursière fondre de 36 milliards de dollars, un montant
bien supérieur à ce que l'avionneur devra sans doute débourser en
dédommagements, réparations et amendes. Cette chute peut en partie
s'expliquer par les doutes que nourrissent désormais les
investisseurs à l'égard de la politique actionnariale avantageuse
menée par le groupe depuis vingt ans.
Alors qu'il travaille à la remise en service de son 737 MAX, Boeing
doit apporter la preuve que ses engagements sur les plans
techniques et financiers restent compatibles.
L'irlandaise Ryanair, première compagnie low-cost européenne et
fidèle cliente de Boeing, a annoncé mardi qu'elle se verrait
contrainte de réduire ses projets de développement, après avoir
reporté à décembre la date prévue de livraison de ses 737 MAX. Le
Wall Street Journal avait précédemment indiqué que l'appareil ne
recevrait sans doute pas d'autorisation de vol avant 2020.
Une nouvelle réduction du rythme de production des MAX qui, en
raison du gel des livraisons, commencent même à déborder sur les
places de parking des salariés, n'est pas à exclure. Elle pourrait
passer de 42 par mois à un nombre plus proche de 30. Cette
perspective ne constitue pas pour autant une menace à long terme.
De manière révélatrice, Ryanair a déclaré qu'il ne comptait pas
renoncer à ce modèle, et Boeing a de fait enregistré très peu
d'annulations de commandes.
La crise du 737 MAX fait en revanche planer une ombre
particulièrement menaçante sur la culture d'entreprise de
Boeing.
De la construction de son premier appareil commercial à la fin des
années 1950 jusqu'à la fin du vingtième siècle, l'avionneur
américain a confié ses postes de direction à des ingénieurs. Mais
en 1997, le groupe a fusionné avec son concurrent McDonnell
Douglas, se pliant à un style managérial donnant priorité aux
résultats. En 2001, le siège du groupe a quitté son site technique
de Seattle pour Chicago.
La nécessité de se recentrer sur les coûts s'est renforcée entre
2001 et 2010, période pendant laquelle tous les constructeurs
aéronautiques ont vu leurs marges se réduire. Les problèmes de
Boeing ont culminé en 2011 avec la première livraison de son 787
Dreamliner, après des années de dépassements de coûts et de
difficultés avec ses fournisseurs.
Depuis 2012, l'action Boeing a offert un rendement de 490%, contre
180% pour le S&P 500. Cette envolée repose en grande partie sur
une croissance sans précédent de la demande de voyages, mais elle
est sans doute également liée au fait que Boeing ait pris moins de
risques. Comme dans d'autres entreprises, les managers du groupe
ont commencé être davantage récompensés pour l'atteinte d'objectifs
financiers de court terme. La tendance est la même chez Airbus.
Il est possible que ce court-termisme ait poussé Boeing à accélérer
la certification du MAX, au prix de conséquences tragiques.
Par ailleurs, en raison d'une approche moins centrée sur la
technologie, Boeing et Airbus se sont en priorité attachés à
réactualiser d'anciens modèles au lieu d'en concevoir de nouveaux.
Cette stratégie a souvent permis d'éliminer des programmes
superflus et de mieux répondre aux besoins des compagnies
aériennes. Ses détracteurs soulignent en revanche que le système de
contrôle de vol défectueux du MAX n'a été installé que parce que le
modèle, dont la conception n'avait pas été retouchée depuis 53 ans,
présentait une moindre stabilité aérodynamique une fois équipé de
moteurs plus imposants et plus économiques en carburant.
Ces arguments légitimes ont leurs limites. De nombreux avions
modernes utilisent des logiciels pour résoudre leurs problèmes
d'aérodynamie, et la sécurité des appareils ne fait que se
renforcer. Des modèles entièrement redessinés n'élimineraient pas
non plus le risque lié au fait que les régulateurs délèguent une
partie du processus de certification aux avionneurs eux-mêmes.
Reste que Boeing devra quand même s'efforcer de trouver un meilleur
équilibre entre technologie et contrôle des coûts. Par exemple, le
fameux système anti-décrochage du MAX disposait de paramètres de
sécurité supplémentaires qui n'auraient jamais dû être optionnels.
La direction n'a pas non plus pris de mesures suffisantes pour
rassurer ses clients et voyageurs après les catastrophes.
Les investisseurs doivent accepter un léger retour de balancier
s'ils veulent s'épargner des répercussions bien plus coûteuses sur
le long terme.
-Jon Sindreu, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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July 17, 2019 03:39 ET (07:39 GMT)
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