Jon Sindreu,



The Wall Street Journal



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Depuis le fiasco du 737 MAX, Boeing a vu sa valeur boursière fondre de 36 milliards de dollars, un montant bien supérieur à ce que l'avionneur devra sans doute débourser en dédommagements, réparations et amendes. Cette chute peut en partie s'expliquer par les doutes que nourrissent désormais les investisseurs à l'égard de la politique actionnariale avantageuse menée par le groupe depuis vingt ans.



Alors qu'il travaille à la remise en service de son 737 MAX, Boeing doit apporter la preuve que ses engagements sur les plans techniques et financiers restent compatibles.



L'irlandaise Ryanair, première compagnie low-cost européenne et fidèle cliente de Boeing, a annoncé mardi qu'elle se verrait contrainte de réduire ses projets de développement, après avoir reporté à décembre la date prévue de livraison de ses 737 MAX. Le Wall Street Journal avait précédemment indiqué que l'appareil ne recevrait sans doute pas d'autorisation de vol avant 2020.



Une nouvelle réduction du rythme de production des MAX qui, en raison du gel des livraisons, commencent même à déborder sur les places de parking des salariés, n'est pas à exclure. Elle pourrait passer de 42 par mois à un nombre plus proche de 30. Cette perspective ne constitue pas pour autant une menace à long terme. De manière révélatrice, Ryanair a déclaré qu'il ne comptait pas renoncer à ce modèle, et Boeing a de fait enregistré très peu d'annulations de commandes.



La crise du 737 MAX fait en revanche planer une ombre particulièrement menaçante sur la culture d'entreprise de Boeing.



De la construction de son premier appareil commercial à la fin des années 1950 jusqu'à la fin du vingtième siècle, l'avionneur américain a confié ses postes de direction à des ingénieurs. Mais en 1997, le groupe a fusionné avec son concurrent McDonnell Douglas, se pliant à un style managérial donnant priorité aux résultats. En 2001, le siège du groupe a quitté son site technique de Seattle pour Chicago.



La nécessité de se recentrer sur les coûts s'est renforcée entre 2001 et 2010, période pendant laquelle tous les constructeurs aéronautiques ont vu leurs marges se réduire. Les problèmes de Boeing ont culminé en 2011 avec la première livraison de son 787 Dreamliner, après des années de dépassements de coûts et de difficultés avec ses fournisseurs.



Depuis 2012, l'action Boeing a offert un rendement de 490%, contre 180% pour le S&P 500. Cette envolée repose en grande partie sur une croissance sans précédent de la demande de voyages, mais elle est sans doute également liée au fait que Boeing ait pris moins de risques. Comme dans d'autres entreprises, les managers du groupe ont commencé être davantage récompensés pour l'atteinte d'objectifs financiers de court terme. La tendance est la même chez Airbus.



Il est possible que ce court-termisme ait poussé Boeing à accélérer la certification du MAX, au prix de conséquences tragiques.



Par ailleurs, en raison d'une approche moins centrée sur la technologie, Boeing et Airbus se sont en priorité attachés à réactualiser d'anciens modèles au lieu d'en concevoir de nouveaux. Cette stratégie a souvent permis d'éliminer des programmes superflus et de mieux répondre aux besoins des compagnies aériennes. Ses détracteurs soulignent en revanche que le système de contrôle de vol défectueux du MAX n'a été installé que parce que le modèle, dont la conception n'avait pas été retouchée depuis 53 ans, présentait une moindre stabilité aérodynamique une fois équipé de moteurs plus imposants et plus économiques en carburant.



Ces arguments légitimes ont leurs limites. De nombreux avions modernes utilisent des logiciels pour résoudre leurs problèmes d'aérodynamie, et la sécurité des appareils ne fait que se renforcer. Des modèles entièrement redessinés n'élimineraient pas non plus le risque lié au fait que les régulateurs délèguent une partie du processus de certification aux avionneurs eux-mêmes.



Reste que Boeing devra quand même s'efforcer de trouver un meilleur équilibre entre technologie et contrôle des coûts. Par exemple, le fameux système anti-décrochage du MAX disposait de paramètres de sécurité supplémentaires qui n'auraient jamais dû être optionnels. La direction n'a pas non plus pris de mesures suffisantes pour rassurer ses clients et voyageurs après les catastrophes.



Les investisseurs doivent accepter un léger retour de balancier s'ils veulent s'épargner des répercussions bien plus coûteuses sur le long terme.



-Jon Sindreu, The Wall Street Journal



(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH



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July 17, 2019 03:39 ET (07:39 GMT)




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