Stephanie Yang,



The Wall Street Journal





TAIPEI (Agefi-Dow Jones)--Alors qu'ils déversent des milliards de dollars dans des usines destinées à étancher la soif mondiale de semi-conducteurs, les géants du secteur peinent à recruter.



Le manque de travailleurs qualifiés inquiète les patrons depuis des années, des craintes aujourd'hui amplifiées par la pénurie générale de main-d'œuvre, la pandémie - qui a fait exploser la demande pour tout ce qui touche de près ou de loin au numérique - et la bataille à laquelle se livrent les Etats pour aider leurs champions nationaux, racontent des responsables.



Nombreux sont les secteurs dans lesquels les salariés manquent. Si les fabricants de semi-conducteurs sont avantagés par leur très haut degré d'automatisation, ils ont besoin de collaborateurs qualifiés pour faire fonctionner leurs machines high-tech. En outre, en raison de l'incroyable essor actuel du secteur, ils ont besoin de plus en plus de personnel, souvent dans des domaines très pointus.



"C'est une guerre des talents, tout simplement", résume Jim Koonmen, vice-président exécutif d'ASML, un fabricant d'outils de production de semi-conducteurs.



Pour fonctionner, ces nouvelles usines, parfois appelées "fabs" (pour "fabrication plants"), ont besoin de centaines d'ingénieurs, de techniciens qui supervisent le processus et de chercheurs qui planchent sur de nouvelles puces ou de nouvelles manières de les produire.



"Le secteur des semi-conducteurs a besoin d'une immense palette de compétences : il nous faut des gens capables de bâtir des usines tout autant que des chercheurs en mesure d'exceller dans leurs travaux", déclarait récemment Ann Kelleher, vice-présidente exécutive d'Intel et ancienne directrice des opérations, lors d'une audition devant le Congrès.



Intel investira plus de 100 milliards de dollars aux USA et en Europe



Intel s'est engagé à investir plus de 100 milliards de dollars dans la fabrication de puces aux Etats-Unis et en Europe dans les prochaines années. Taiwan Semiconductor Manufacturing (TSMC), Samsung Electronics et les autres ont aussi de grandes ambitions en la matière. Selon un rapport d'Eightfold.ai, un cabinet de gestion des talents, il faudra recruter, sur le seul sol américain, entre 70.000 et 90.000 salariés supplémentaires entre 2020 et 2025 pour suivre le rythme d'ouverture des usines. Et si les Etats-Unis ne veulent plus dépendre des fabricants étrangers, un objectif porté par certains parlementaires, ce chiffre pourrait atteindre les 300.000 salariés, selon l'étude.



A Taïwan, géant s'il en est de la fabrication des puces, le déficit de main-d'œuvre est au plus haut depuis six ans, selon 104 Job Bank. Dans un rapport publié en août, la plateforme de recrutement estimait qu'il manquait, tous les mois, environ 27.700 salariés dans le secteur des semi-conducteurs, soit 44% de plus que l'année dernière. Les salaires, eux, sont au plus haut depuis plus d'une décennie, précisait le document.



"La pénurie de collaborateurs s'est encore aggravée, notamment en raison de l'explosion de la demande", déplore Yao-Wen Chang, doyen du College of Electrical Engineering and Computer Science de l'université de Taïwan, l'une des écoles d'ingénieurs les plus cotées de l'île. "Je ne suis pas certain que l'on puisse totalement résoudre ce problème."



Chez ASML, selon Jim Koonmen, le besoin de main-d'œuvre va augmenter d'au moins 10% par an dans les prochaines années si le groupe néerlandais veut suivre l'envolée de la demande mondiale.



Pour attirer les talents, poursuit-il, "on adopte plusieurs stratégies", notamment en matière de recrutement. Le groupe affine sa démarche de recherche, explique-t-il, et renforce ses liens avec les universités pour être au plus près des jeunes diplômés. Optique, informatique, ingénierie électrique : la palette des compétences dont le groupe a besoin est plutôt large.



De son côté, David Reeder, directeur financier de GlobalFoundaries, estime que "le marché du travail américain est celui sur lequel la concurrence est la plus forte". Selon lui, la situation devrait rester tendue pendant plusieurs années.



Les puces ne font plus recette auprès des étudiants



Ces difficultés sont exacerbées par le fait que les puces ne font plus recette auprès des étudiants, qui préfèrent opter pour des cursus dans les logiciels ou les services Internet, racontent des enseignants, et n'ont pas franchement envie de faire un doctorat qui ne leur assurera pas forcément un salaire important.



Santosh Kurinec, enseignante au Rochester Institute of Technology, explique que le nombre d'étudiants qui choisissent d'étudier la conception et la fabrication de semi-conducteurs n'a cessé de reculer, passant d'une cinquantaine au milieu des années 1980 à une dizaine à l'heure actuelle. "Certains préfèrent imaginer des applications pour Google, Facebook et les autres", ajoute-t-elle.



A Taïwan, le manque d'ingénieurs qualifiés risque de miner les efforts de l'île, qui veut rester aux avant-postes d'une technologie de plus en plus complexe. "Il nous faut plus de doctorants, et plus de doctorants qui participent à l'avenir du secteur des semi-conducteurs", affirme Terry Tsao, directeur marketing de la SEMI, l'organisation des professionnels du secteur, et président de l'antenne de Taïwan.



Dans la guerre des talents, les pouvoirs publics jouent parfois un rôle déterminant. Aux Etats-Unis, les fabricants de semi-conducteurs ont supplié les parlementaires de les autoriser à recruter à l'étranger parce que les diplômés américains sont de moins en moins nombreux.



A Taïwan, une loi a été adoptée en mai pour promouvoir l'innovation et la formation dans le secteur des technologies de pointe (semi-conducteurs inclus), une initiative qui a incité plusieurs universités à ouvrir des diplômes en partenariat avec des entreprises, dont TSMC.



"Je suis convaincu que la collaboration entre le monde universitaire et le monde de l'entreprise sera la base du secteur taïwanais des semi-conducteurs dans la prochaine décennie, et j'espère pouvoir attirer des experts étrangers et favoriser la diffusion des talents", a déclaré Mark Liu, le président de TSMC, lors d'un forum organisé en décembre dernier.



Désireuse d'atteindre l'autosuffisance technologique, la Chine continentale a ouvert des écoles et des centres de formation dédiés aux semi-conducteurs. En décembre, douze universités chinoises, dont l'université de Pékin et l'université Tsinghua, les deux établissements les plus prestigieux du pays, proposaient des cursus axés sur les puces.



Ivan Platonov, responsable de la recherche d'EqualOcean, un cabinet de recherche technologique installé à Pékin, estime que, porté par les investissements dans les semi-conducteurs, le nombre de salariés du secteur a doublé en cinq ans. Pourtant, en 2020, il manquait encore quelque 250.000 ingénieurs, précise-t-il.





-Stephanie Yang, The Wall Street Journal



(Version française Marion Issard) ed: ECH



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January 13, 2022 04:33 ET (09:33 GMT)




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