Carol Ryan,



The Wall Street Journal





LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les actionnaires des sociétés de livraison de repas ont la réputation de faire abstraction de leurs pertes. C'est moins le cas en Europe actuellement, où la question de savoir si les livreurs devraient bénéficier d'un statut plus généreux fait l'objet d'un nouveau débat.



Mardi, Deliveroo, qui compte Amazon parmi ses actionnaires, a fixé le prix de ses actions dans le bas de la fourchette indicative avant leur entrée mercredi à la Bourse de Londres. Une valorisation de 7,6 milliards de livres sterling, soit 8,9 milliards d'euros, est inférieure de 14% au maximum fixé dans la fourchette initiale établie au début de la semaine dernière.



La société a indiqué faire preuve de prudence en raison de la volatilité des marchés et a souligné que les deux tiers des sociétés technologiques américaines qui sont entrées en Bourse la semaine dernière se négociaient désormais en dessous de leur prix d'introduction.



Mais son modèle économique est également remis en question. D'importants investisseurs institutionnels britanniques ont publiquement annoncé qu'ils ne participeraient pas à l'introduction en Bourse. La façon dont Deliveroo rémunère ses livreurs, considérés comme des entrepreneurs indépendants, suscite des inquiétudes. Si le droit du travail venait à accorder de nouveaux avantages aux coursiers, le seuil de rentabilité serait plus difficile à atteindre pour l'entreprise. Deliveroo a perdu 224 millions de livres sterling en 2020, alors que la demande de repas à emporter n'a jamais été aussi forte que pendant la pandémie.



Le coût de la main d'oeuvre pourrait croître de 30%



Le coût d'une telle perspective est difficile à évaluer. Mais selon des spécialistes du secteur de la livraison de repas, les frais généraux de main-d'œuvre peuvent augmenter de 30% en moyenne en Europe lorsque les livreurs passent du statut d'entrepreneurs indépendants à celui de salariés. Deliveroo conteste que dans son cas, le chiffre serait aussi élevé.



La société réalise environ la moitié de son chiffre d'affaires au Royaume-Uni. Or, Uber vient de perdre son appel devant la Cour suprême britannique et doit accorder à ses chauffeurs de taxi des avantages supplémentaires tels que des congés payés, ce qui n'est pas de bon augure. Mais les spécificités juridiques sont différentes dans le cas des coursiers alimentaires.



Jusqu'à présent, l'Espagne est le seul pays à avoir proposé une nouvelle législation qui octroierait aux livreurs des plateformes internet des avantages comparables à ceux des salariés. En France, en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas, les gouvernements enquêtent sur la façon dont Deliveroo et ses concurrents embauchent leurs livreurs. Ces Etats pourraient infliger, rétrospectivement, des amendes au groupe, sans nécessairement adopter de nouvelles lois. De son côté, la Commission européenne a récemment lancé une consultation publique sur les conditions de travail des personnes recrutées par les plateformes technologiques.



Si ses coûts du travail augmentent, Deliveroo dispose de plusieurs options. La société peut demander aux restaurants de payer plus cher pour bénéficier de ses services de livraison. Les commissions des applications proposant des repas à emporter peuvent déjà représenter jusqu'à 30% de la valeur d'une commande. Des hausses de tarifs créeraient donc des tensions. Deliveroo pourrait alors choisir de répercuter le coût sur ses clients en augmentant les frais de livraison, ce qui entraînerait probablement un ralentissement de la croissance fulgurante de ses commandes.



Une exposition supérieure à celle de ses rivales



Deliveroo est davantage exposée à d'éventuelles réformes du droit du travail que ses concurrentes européennes. Ainsi, Just Eat Takeaway.com, qui est basée à Amsterdam, dispose d'une lucrative activité de place de marché - qui prend des commandes à emporter mais laisse le soin aux restaurants de les honorer - qui pourrait subventionner une hausse des salaires dans sa branche de livraison. Quant à la société berlinoise Delivery Hero, elle est essentiellement présente dans les marchés émergents.



Les raisons pour lesquelles certains investisseurs institutionnels britanniques préfèrent éviter l'introduction en Bourse de Deliveroo sont peut-être aussi culturelles. Certains aspects de l'opération, tels que la structure à double classe d'actions, sont courants aux Etats-Unis, moins au Royaume-Uni. De nombreuses sociétés technologiques européennes préfèrent par conséquent s'introduire en Bourse à New York, à l'instar du spécialiste de la vente en ligne de voitures Cazoo qui a annoncé lundi sa fusion avec le véhicule d'investissement coté (Spac) AJAX I pour une valeur d'entreprise de 7 milliards de dollars.



Eu égard au faible nombre d'investisseurs institutionnels prêts à endosser les risques liés à l'opération, on pourrait pardonner à Deliveroo de regretter d'avoir choisi de s'introduire en Bourse dans sa ville d'origine.





-Carol Ryan, The Wall Street Journal



(Version française Valérie Venck et Eric Chalmet) ed: ECH - VLV



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March 30, 2021 09:20 ET (13:20 GMT)




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