ENTRETIEN: Alstom profite d'excellentes conditions de marché pour le rachat de Bombardier -CFO
18 Novembre 2020 - 4:31PM
Dow Jones News
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le rachat de Bombardier Transport par
Alstom arrivera bientôt en gare. Le groupe français a franchi une
nouvelle étape cette semaine avec le lancement d'une augmentation
de capital d'environ 2 milliards d'euros. Cet appel au marché
contribuera à financer l'acquisition de la branche ferroviaire de
Bombardier qui permettra à Alstom de doubler sa taille.
Dans un entretien accordé à l'agence Agefi-Dow Jones, Laurent
Martinez, le directeur financier d'Alstom, explique pourquoi
l'entreprise a choisi de procéder à cette augmentation de capital
dès ce mois de novembre. Le groupe s'était donné jusqu'à la fin du
premier semestre 2021 pour mener cette opération. Le dirigeant
indique aussi comment l'industriel compte redresser la marge
d'exploitation de Bombardier Transport et décline les tendances qui
porteront le secteur ferroviaire dans les prochaines années.
Agefi-Dow Jones: Avez-vous subi des annulations de commandes de la
part de vos clients en raison de la crise ?
Laurent Martinez: "Nous n'avons constaté aucune annulation de
contrats mais nous avons en revanche observé des retards de
décision sur des appels d'offres allant, dans certains cas, de deux
à trois mois. Certaines de ces décisions ont ainsi été décalées au
deuxième semestre de notre exercice 2020-2021, soit de septembre à
mars prochain. Cette période sera très positive pour nous en termes
de prises de commandes. Depuis la fin septembre, nous avons déjà
gagné pour environ 1 milliard d'euros de contrats, notamment la
ligne 3 du métro de Toulouse, le métro d'Athènes ou encore celui de
Bucarest. Nous voyons par ailleurs des opportunités, au deuxième
semestre, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, ou Royaume-Uni et
aux Etats-Unis".
Agefi-Dow Jones: Les mesures de reconfinement en vigueur en France
affectent-elles vos opérations ?
Laurent Martinez: "Contrairement au premier confinement, qui avait
conduit à la fermeture de nos usines au printemps pendant quelques
semaines, ces nouvelles mesures n'ont pas d'impact sur notre
production ni sur nos fournisseurs. L'ensemble de nos sites restent
ouverts et les procédures sanitaires pour préserver la santé de nos
collaborateurs sont bien en place".
Agefi-Dow Jones: Alstom s'était donné jusqu'à la fin du premier
semestre 2021 pour lancer l'augmentation de capital associée au
rachat de Bombardier Transport. Pourquoi l'avez-vous lancée cette
semaine ?
Laurent Martinez: "Nous avons considéré que tous les paramètres
étaient au vert pour cette augmentation de capital, qui est la plus
importante en France dans le cadre d'une acquisition depuis 2016.
En octobre, l'assemblée générale des actionnaires a plébiscité
cette opération avec un soutien de plus de 99%. De plus, nous
sommes désormais quasi certains de pouvoir finaliser l'acquisition
de Bombardier Transport d'ici à la fin du premier trimestre 2021,
ayant obtenu presque toutes les autorisations 'antitrust'. Par
ailleurs, les conditions sur les marchés boursiers sont désormais
excellentes, grâce à la fin de l'incertitude sur l'élection
américaine et les progrès réalisés sur un potentiel vaccin contre
le Covid-19. Le marché s'avère porteur avec un véritable appétit
pour les projets de qualité, ce qui est le cas du rachat de
Bombardier Transport".
Agefi-Dow Jones: Quelles étapes vous reste-t-il à franchir pour
finaliser cette opération ?
Laurent Martinez: "Nous devons encore obtenir des autorisations
réglementaires en Chine, où Bombardier Transport est très présent,
avec environ 8.000 employés via des coentreprises avec des sociétés
chinoises, ainsi qu'en Afrique du Sud. Nous attendons la délivrance
de ces autorisations dans les prochaines semaines".
Agefi-Dow Jones: L'un des défis d'Alstom consistera à redresser les
marges de Bombardier Transport. Comment comptez-vous y procéder
?
Laurent Martinez: "Bombardier Transport a connu des difficultés
d'exécution sur certaines projets complexes, au Royaume-Uni ou en
Allemagne. Mais les résultats du troisième trimestre de Bombardier
Transport se sont avérés en ligne avec nos attentes, ce qui se
traduit par une stabilisation de leur portefeuille de projets. Des
jalons importants ont été passés en termes de production et de
développement et aucune dégradation sur la marge de ce portefeuille
n'est à signaler. Ces éléments sont très positifs.
Sur cette base, nous allons travailler avec l'ensemble du nouveau
groupe sur l'augmentation de la rentabilité de Bombardier
Transport, qui sera portée par l'amélioration naturelle des marges,
une fois les projets difficiles livrés. Il restera alors des
activités très rentables comme des services ou de la signalisation.
Au-delà de ces éléments, notre programme de synergies permettra des
améliorations de marges supplémentaires. A titre d'exemple, les
projets de Bombardier Transport bénéficieront de la garantie
bancaire d'Alstom, qui s'avère moins onéreuse car nous possédons un
meilleur bilan".
Agefi-Dow Jones: Comment le marché du rail évoluera-t-il selon vous
dans les prochaines années ?
Laurent Martinez: "Le secteur ferroviaire est porté par des
tendances de fond. Le développement de l'urbanisation consacre le
métro comme le meilleur moyen de lutter contre la pollution et de
remplacer la voiture, que de nombreuses métropoles projettent
d'interdire dans leur centre-ville. Les responsables politiques
décident également de favoriser le développement du train au
détriment de l'avion, qui consomme dix fois plus de Co2. A ces
tendances de fonds s'ajoutent des plans de relance. En Europe,
l'Allemagne a annoncé un plan ambitieux de 62 milliards d'euros, la
France a pour sa part communiqué une somme de 4,7 milliards
d'euros. Aux Etats-Unis, l'élection de Joe Biden sera également
bénéfique, alors que nous allons devenir un acteur très important
en Amérique du Nord, grâce à l'acquisition de Bombardier Transport.
Le futur président américain est surnommé 'Amtrak Joe' du nom du
réseau ferroviaire américain qu'il a beaucoup utilisé et qu'il
affectionne. Il souhaite une révolution sur le rail et pourrait
décider d'augmenter le programme américain d'investissements dans
le secteur ferroviaire pour atteindre 60 milliards de dollars,
triplant le budget d'Amtrak".
Agefi-Dow Jones: Le chinois CRRC représente-t-il toujours une
importante menace pour Alstom ?
Laurent Martinez: "Cette menace a baissé de façon importante au
cours des dernières années, notamment en raison du positionnement
politique des grands états vis-à-vis de la Chine. Les Etats-Unis
ont décidé que CRRC ne pourrait plus participer à des appels
d'offres sur du matériel roulant. En Europe, je ne vois pas CRRC se
positionner sur les grands appels d'offres. Dans le cas de HS2, un
énorme contrat au Royaume-Uni pour une ligne à grande vitesse entre
Londres et le nord de l'Angleterre, CRRC n'a pas été pré-qualifié.
Cet aspect politique soutient les acteurs avec des racines locales,
comme Alstom. CRRC reste un compétiteur dans certaines géographies
spécifiques, avec parfois des accords de soutien de gouvernement à
gouvernement, comme le Nigéria ou la Colombie".
-Propos recueillis par Julien Marion, Agefi-Dow Jones. 01 41 27 47
94; jmarion@agefi.fr ed: ECH
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