PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le rachat de Bombardier Transport par Alstom arrivera bientôt en gare. Le groupe français a franchi une nouvelle étape cette semaine avec le lancement d'une augmentation de capital d'environ 2 milliards d'euros. Cet appel au marché contribuera à financer l'acquisition de la branche ferroviaire de Bombardier qui permettra à Alstom de doubler sa taille.



Dans un entretien accordé à l'agence Agefi-Dow Jones, Laurent Martinez, le directeur financier d'Alstom, explique pourquoi l'entreprise a choisi de procéder à cette augmentation de capital dès ce mois de novembre. Le groupe s'était donné jusqu'à la fin du premier semestre 2021 pour mener cette opération. Le dirigeant indique aussi comment l'industriel compte redresser la marge d'exploitation de Bombardier Transport et décline les tendances qui porteront le secteur ferroviaire dans les prochaines années.



Agefi-Dow Jones: Avez-vous subi des annulations de commandes de la part de vos clients en raison de la crise ?



Laurent Martinez: "Nous n'avons constaté aucune annulation de contrats mais nous avons en revanche observé des retards de décision sur des appels d'offres allant, dans certains cas, de deux à trois mois. Certaines de ces décisions ont ainsi été décalées au deuxième semestre de notre exercice 2020-2021, soit de septembre à mars prochain. Cette période sera très positive pour nous en termes de prises de commandes. Depuis la fin septembre, nous avons déjà gagné pour environ 1 milliard d'euros de contrats, notamment la ligne 3 du métro de Toulouse, le métro d'Athènes ou encore celui de Bucarest. Nous voyons par ailleurs des opportunités, au deuxième semestre, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, ou Royaume-Uni et aux Etats-Unis".



Agefi-Dow Jones: Les mesures de reconfinement en vigueur en France affectent-elles vos opérations ?



Laurent Martinez: "Contrairement au premier confinement, qui avait conduit à la fermeture de nos usines au printemps pendant quelques semaines, ces nouvelles mesures n'ont pas d'impact sur notre production ni sur nos fournisseurs. L'ensemble de nos sites restent ouverts et les procédures sanitaires pour préserver la santé de nos collaborateurs sont bien en place".



Agefi-Dow Jones: Alstom s'était donné jusqu'à la fin du premier semestre 2021 pour lancer l'augmentation de capital associée au rachat de Bombardier Transport. Pourquoi l'avez-vous lancée cette semaine ?



Laurent Martinez: "Nous avons considéré que tous les paramètres étaient au vert pour cette augmentation de capital, qui est la plus importante en France dans le cadre d'une acquisition depuis 2016. En octobre, l'assemblée générale des actionnaires a plébiscité cette opération avec un soutien de plus de 99%. De plus, nous sommes désormais quasi certains de pouvoir finaliser l'acquisition de Bombardier Transport d'ici à la fin du premier trimestre 2021, ayant obtenu presque toutes les autorisations 'antitrust'. Par ailleurs, les conditions sur les marchés boursiers sont désormais excellentes, grâce à la fin de l'incertitude sur l'élection américaine et les progrès réalisés sur un potentiel vaccin contre le Covid-19. Le marché s'avère porteur avec un véritable appétit pour les projets de qualité, ce qui est le cas du rachat de Bombardier Transport".



Agefi-Dow Jones: Quelles étapes vous reste-t-il à franchir pour finaliser cette opération ?



Laurent Martinez: "Nous devons encore obtenir des autorisations réglementaires en Chine, où Bombardier Transport est très présent, avec environ 8.000 employés via des coentreprises avec des sociétés chinoises, ainsi qu'en Afrique du Sud. Nous attendons la délivrance de ces autorisations dans les prochaines semaines".



Agefi-Dow Jones: L'un des défis d'Alstom consistera à redresser les marges de Bombardier Transport. Comment comptez-vous y procéder ?



Laurent Martinez: "Bombardier Transport a connu des difficultés d'exécution sur certaines projets complexes, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Mais les résultats du troisième trimestre de Bombardier Transport se sont avérés en ligne avec nos attentes, ce qui se traduit par une stabilisation de leur portefeuille de projets. Des jalons importants ont été passés en termes de production et de développement et aucune dégradation sur la marge de ce portefeuille n'est à signaler. Ces éléments sont très positifs.



Sur cette base, nous allons travailler avec l'ensemble du nouveau groupe sur l'augmentation de la rentabilité de Bombardier Transport, qui sera portée par l'amélioration naturelle des marges, une fois les projets difficiles livrés. Il restera alors des activités très rentables comme des services ou de la signalisation. Au-delà de ces éléments, notre programme de synergies permettra des améliorations de marges supplémentaires. A titre d'exemple, les projets de Bombardier Transport bénéficieront de la garantie bancaire d'Alstom, qui s'avère moins onéreuse car nous possédons un meilleur bilan".



Agefi-Dow Jones: Comment le marché du rail évoluera-t-il selon vous dans les prochaines années ?



Laurent Martinez: "Le secteur ferroviaire est porté par des tendances de fond. Le développement de l'urbanisation consacre le métro comme le meilleur moyen de lutter contre la pollution et de remplacer la voiture, que de nombreuses métropoles projettent d'interdire dans leur centre-ville. Les responsables politiques décident également de favoriser le développement du train au détriment de l'avion, qui consomme dix fois plus de Co2. A ces tendances de fonds s'ajoutent des plans de relance. En Europe, l'Allemagne a annoncé un plan ambitieux de 62 milliards d'euros, la France a pour sa part communiqué une somme de 4,7 milliards d'euros. Aux Etats-Unis, l'élection de Joe Biden sera également bénéfique, alors que nous allons devenir un acteur très important en Amérique du Nord, grâce à l'acquisition de Bombardier Transport. Le futur président américain est surnommé 'Amtrak Joe' du nom du réseau ferroviaire américain qu'il a beaucoup utilisé et qu'il affectionne. Il souhaite une révolution sur le rail et pourrait décider d'augmenter le programme américain d'investissements dans le secteur ferroviaire pour atteindre 60 milliards de dollars, triplant le budget d'Amtrak".



Agefi-Dow Jones: Le chinois CRRC représente-t-il toujours une importante menace pour Alstom ?



Laurent Martinez: "Cette menace a baissé de façon importante au cours des dernières années, notamment en raison du positionnement politique des grands états vis-à-vis de la Chine. Les Etats-Unis ont décidé que CRRC ne pourrait plus participer à des appels d'offres sur du matériel roulant. En Europe, je ne vois pas CRRC se positionner sur les grands appels d'offres. Dans le cas de HS2, un énorme contrat au Royaume-Uni pour une ligne à grande vitesse entre Londres et le nord de l'Angleterre, CRRC n'a pas été pré-qualifié. Cet aspect politique soutient les acteurs avec des racines locales, comme Alstom. CRRC reste un compétiteur dans certaines géographies spécifiques, avec parfois des accords de soutien de gouvernement à gouvernement, comme le Nigéria ou la Colombie".



-Propos recueillis par Julien Marion, Agefi-Dow Jones. 01 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH



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(END) Dow Jones Newswires



November 18, 2020 10:11 ET (15:11 GMT)




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