PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le fonds d'investissement Amber Capital a
demandé jeudi au groupe Lagardère la convocation d'une assemblée
générale (AG) en vue d'obtenir trois sièges au conseil de
surveillance du groupe de distribution et de médias.
La lettre adressée par Amber à Lagardère, que l'agence Agefi-Dow
Jones a pu consulter, comprend six projets de résolutions en vue de
révoquer trois membres du conseil de surveillance du conglomérat:
l'ancien président du directoire de la SNCF, Guillaume Pepy,
l'actuel président du conseil, Patrick Valroff, ainsi que le
cofondateur d'Ubisoft, Yves Guillemot. Pour les remplacer, Amber
Capital entend proposer la nomination de son fondateur, Joseph
Oughourlian, d'Olivier Fortesa, "managing partner" d'Amber Capital,
et de Valérie Ohannessian, présidente de la société Phémia
Conseil.
L'envoi de cette lettre intervient après la décision du conseil de
surveillance de Lagardère, lundi, de prolonger de manière anticipée
le mandat de gérant commandité d'Arnaud Lagardère. La gestion du
dirigeant est contestée par Amber Capital, mais aussi par le groupe
de médias et de divertissement Vivendi, avec lequel le fonds
d'investissement a conclu un pacte d'actionnaires la semaine
dernière.
"Vivendi doit envoyer à Lagardère vendredi une lettre similaire à
celle envoyée par Amber Capital, afin de réclamer un siège au
conseil de surveillance du propriétaire d'Europe 1", a confié une
source proche du dossier à Agefi-Dow Jones.
Dans un entretien accordé à Agefi-Dow Jones, Olivier Fortesa,
"managing partner" d'Amber Capital, présente la stratégie du fonds
d'investissement pour accéder au conseil de surveillance de
Lagardère ainsi que ses projets pour améliorer la gouvernance de la
société. Olivier Fortesa explique également pourquoi le conseil de
surveillance de Lagardère a selon lui échoué dans sa mission, en
plus de relever que la situation financière personnelle d'Arnaud
Lagardère est "extrêmement préoccupante".
Agefi-Dow Jones: Avez-vous reçu une réponse de Lagardère à votre
lettre envoyée jeudi ?
Olivier Fortesa: Non. La lettre d'Amber Capital à Lagardère est
restée sans réponse et nous n'avons pas eu non plus de réaction de
la part du groupe à la signature de notre pacte d'actionnaires
conclu avec Vivendi.
Que vous inspire le renouvellement anticipé du mandat de gérant
commandité d'Arnaud Lagardère ?
O.F.: C'est scandaleux et c'est un déni de démocratie
actionnariale. Quel conseil peut renouveler le mandat d'un gérant
avec sept mois d'avance, sans réaliser le bilan de la gestion
passée, sans évaluer les compétences des dirigeants, ni même
consulter les actionnaires qu'il est supposé représenter ? Ces
agissements sont d'autant plus choquants lorsqu'ils sont confrontés
aux résultats publiés par Lagardère au titre du premier semestre.
Lors des six premiers mois de cette année, le groupe a perdu en
génération de cash l'équivalent de 30% de sa capitalisation
boursière. Selon nous, le conseil de surveillance a agi dans la
précipitation et failli dans sa mission de contrôle. Il apparaît
évident que son unique motivation est la protection d'un seul
homme.
Si une nouvelle AG devait être organisée par Lagardère au cours des
prochaines semaines, estimez-vous que vos résolutions auraient plus
de chances d'être approuvées ?
O.F.: Depuis la dernière assemblée générale du mois de mai, la
société a publié des résultats catastrophiques et a de nouveau
démontré que sa gouvernance ne fonctionnait pas et qu'il n'y avait
aucun contre-pouvoir au gérant commandité. De plus, Amber Capital a
augmenté sa participation dans Lagardère, pour la porter à environ
20% du capital, tandis que celle de Vivendi, avec qui nous avons
conclu un pacte d'actionnaires, a plus que doublé, à 23,5%. Cela
change la donne.
Pourquoi demandez-vous la révocation de Guillaume Pepy, en plus de
celle de Patrick Valroff et d'Yves Guillemot, alors que vous avez
soutenu sa nomination lors de l'AG du mois de mai ?
O.F.: Lors des rencontres organisées avec les actionnaires au
moment de l'AG, Guillaume Pepy se présentait comme un
administrateur non responsable des décisions passées, ce qui était
le cas, et affichait sa volonté de transformer la gouvernance du
groupe. Or, quelques semaines plus tard, il vote en faveur du
renouvellement anticipé du gérant. Quant à Yves Guillemot et à
Patrick Valroff, nous demandions déjà leur départ lors de l'AG de
mai et nous considérons que Patrick Valroff a failli dans sa
mission de président du conseil.
Supposons que vos trois représentants et celui de Vivendi accèdent
au conseil de surveillance. Demanderez-vous la révocation du gérant
Arnaud Lagardère ?
O.F.: Sur ce point, nous verrons le moment venu. Le conseil devra
d'abord nous éclairer sur les raisons qui l'ont poussé à renouveler
par anticipation le mandat du gérant. Nous demanderons un audit
objectif, ce qui n'a jamais été fait, sur le travail du gérant. En
entrant au conseil, notre mission sera de faire primer les intérêts
du groupe, des collaborateurs et de ses actionnaires, une mission
prévue explicitement par les statuts du groupe Lagardère mais qui,
manifestement, n'a jamais été respectée.
Vous prévoyez de saisir le tribunal de commerce si jamais Lagardère
refuse de convoquer une AG. Quels seront vos arguments devant les
juges ?
O.F.: Deux actionnaires représentant à eux deux 44% du capital
d'une entreprise ne sont-ils pas légitimes à demander la tenue
d'une AG, qui plus est après les récents événements ? Vingt jours
seulement après l'AG de mai, Lagardère a annoncé l'entrée de Groupe
Arnault au capital de Lagardère Capital & Management [la
holding d'Arnaud Lagardère, ndlr]. Ce changement, pourtant majeur
pour la gouvernance du groupe, n'a pas été présenté aux
actionnaires de Lagardère. Nous estimons qu'il y a urgence à ce que
nous soyons représentés au conseil afin de défendre nos intérêts et
ceux des autres actionnaires.
Lagardère Capital & Management a récemment publié ses comptes
2019, à la suite de votre intervention auprès du tribunal de
commerce. Quelle est votre analyse ?
O.F.: Ces comptes révèlent publiquement le niveau d'endettement de
la société, bien supérieur à ce qui avait été annoncé auparavant,
avec des créances intragroupe. Ces comptes confirment que la
situation financière personnelle de l'associé commandité est
extrêmement préoccupante.
-Propos recueillis par Olivier Pinaud, L'Agefi, et Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed:
LBO
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August 21, 2020 09:11 ET (13:11 GMT)
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