François Berthon,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'immobilier coté européen est à la peine.
L'indice de référence EPRA (Eurozone de l'European Public Real
Estate Association) a chuté l'an dernier de 11,3%, enregistrant son
premier repli depuis 2011. Si un certain rattrapage a bien lieu
depuis le début janvier, les inquiétudes autour du secteur
augmentent au fur et à mesure des révisions en baisse des
valorisations des bureaux d'analystes.
Parmi eux, Goldman Sachs a récemment réduit de 9% en moyenne ses
objectifs de cours sur les 31 valeurs du secteur dont la banque
américaine assure la couverture, en relevant de 20 points de base
ses hypothèses en matière de coût du capital.
"Le principal élément qui a pesé sur le secteur en 2018 a été
l'anticipation d'une potentielle hausse des taux, et le deuxième,
l'éventuelle dégradation de la situation économique de la France et
de la zone Euro, susceptible de pénaliser l'activité des foncières
en augmentant le taux de vacances des bureaux", explique Gilles
Magnan, associé chez Mazars pour le secteur immobilier.
Mécaniquement, une hausse de taux a un double impact, d'une part
sur la valeur des immeubles, basée sur les taux d'actualisation, et
sur le coût du financement d'autre part, avec des taux d'emprunt
qui augmentent.
En ce début 2019, la menace sur les taux n'est plus si pressante :
les faibles statistiques économiques dans la zone euro ont conduit
la Banque centrale européenne à modifier son évaluation des risques
pour la croissance, renforçant la probabilité que l'institution
monétaire ne relève pas ses taux cette année.
Les foncières commerciales inquiètent davantage
La détérioration du sentiment des opérateurs n'est pas uniforme sur
tous les types de sociétés immobilières. Si Goldman Sachs a dégradé
sa recommandation sur 6 grandes foncières européennes le 24
janvier, dont les propriétaires de galeries marchandes Mercialys et
Klépierre, à l'inverse la banque a adopté une opinion positive sur
Gecina, la première foncière de bureaux en Europe.
Au passage, Goldman Sachs a souligné sa vision "de plus en plus
polarisée" entre ses douze recommandations à l'achat "largement
focalisées sur l'immobilier résidentiel et les bureaux" et ses 8
valeurs conseillées à la vente "essentiellement l'immobilier
commercial".
Les foncières commerciales font l'objet d'une plus grande défiance.
Une désaffection symbolisée par la décote que ces sociétés
affichent sur leur actif net réévalué (ANR), au lieu des primes
affichées voilà à peine plus d'un an.
Calculé par des experts indépendants en fonction des transactions
constatées sur le marché, et publié en général deux fois par an,
cet ANR permet d'estimer au plus juste la valeur réelle des actifs
détenus. Par rapport aux ANR estimés par Invest Securities à la fin
2018, la décote avoisine 25% pour Unibail et Klépierre. Elle
atteint même 35% pour Mercialys.
Par ailleurs, "les sociétés immobilières commerciales souffrent
spécifiquement des inquiétudes quant à la santé des enseignes
physiques qui sont de plus en plus concurrencées par le commerce
électronique", explique Laurent Saint Aubin, gérant actions chez
Sofidy.
En abaissant sa recommandation sur Klépierre de "neutre" à "vendre"
voilà quelques jours, Citigroup a justement évoqué des perspectives
de croissance des loyers des centres commerciaux "de plus en plus
incertaines" face à l'essor du commerce en ligne. Ces faibles
perspectives locatives font peser le risque d'une baisse
significative de la valeur des centres commerciaux, remarque la
banque.
Il est toutefois possible de miser directement sur le développement
du commerce électronique à travers l'immobilier. "Une façon de le
jouer est d'acheter des foncières d'entrepôt", note Laurent Saint
Aubin, comme les britanniques Segro et Tritax Big Box. Les géants
du commerce en ligne ont constamment besoin d'espace de stockage de
marchandises pour accompagner leur développement.
Le rendement du dividende, un soutien majeur
Tous les formats de commerce ne sont pas à mettre dans le même sac.
Le risque sur les grands centres commerciaux de type "malls" n'est
pas le même que pour des boutiques aux pieds d'immeubles dans
Paris, ou des "retails centers" situés dans des villes moyennes en
région. "A court terme, l'activité de Klépierre ou d'Unibail ne me
semble pas du tout menacée au vu d'un patrimoine essentiellement
composé de grands centres commerciaux à forte fréquentation",
estime Gilles Magnan, de Mazars.
C'est surtout le cas pour Unibail-Rodamco-Westfield, qui, depuis
l'intégration de Westfield, détient plus d'une centaine d'actifs
générant 1,2 milliard de visites par an. Le rachat de l'australien
a permis au groupe de s'implanter dans les meilleures zones de
chalandises aux Etats-Unis et de mettre la main sur une savoir
faire important en termes d'innovation via l'utilisation massive du
"Big Data" ou pour l'optimisation du type de distribution retenue
pour promouvoir un produit ou un service ("retail mix").
Autre argument qui devrait soutenir les cours, les grandes
foncières sont d'importantes pourvoyeuses de rendement, du fait de
la réglementation SIIC (société d'investissement immobilier cotée)
qui leur permet d'être exonérées d'impôts sur les sociétés à
condition qu'elles distribuent chaque année aux actionnaires 85%
des bénéfices provenant de la location des immeubles, et 50% des
plus-values réalisées à l'occasion de cessions.
Pour Klépierre et Unibail Rodamco, les publications de résultats
annuels des 6 et 13 février prochain seront l'occasion de
contredire les prévisions pessimistes. Les ANR et les dividendes
seront scrutés de près. Selon le consensus Factset, les analystes
tablent en moyenne sur des dividendes de 2,1 euros et 11,45 euros,
soit des rendements de 6,9% et 7,3% aux cours actuels.
-François Berthon, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 93;
fberthon@agefi.fr ed: ECH
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January 31, 2019 11:27 ET (16:27 GMT)
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