Thomas Varela,



Agefi-Dow Jones





PARIS (Agefi-Dow Jones)--La recomposition de l'industrie télécom américaine - du rapprochement T-Mobile-Sprint à la tentative de Comcast de mettre la main sur des actifs de 21st Century Fox - tarde à trouver un écho en France, où toutes les récentes tentatives de consolidation ont échoué. Les lourds investissements à réaliser dans un environnement concurrentiel qui pèse sur la rentabilité pourraient toutefois relancer l'idée d'une réduction de quatre à trois du nombre d'opérateurs, mais pas avant la fin de l'année.



Aucun groupe ne se trouve aujourd'hui dans l'obligation de vendre, après un premier trimestre relativement bon malgré les difficultés d'Iliad dans le fixe et des prix sous pression. Seuls les résultats des prochains trimestres permettront de savoir si les opérateurs parviennent à redresser leur revenu par abonné et à dégager les marges de manœuvre nécessaires pour financer le passage aux réseaux mobiles de 5(e) génération (5G).



La persistance de la guerre des prix pourrait en revanche jouer un rôle déclencheur: "La consolidation semble inéluctable car les promotions font mal à tous les acteurs et nuisent aux investissements dans les infrastructures", juge Alexandre Iatrides, analyste chez Oddo BHF. Malgré une stabilisation de son Ebitda au premier trimestre, SFR fait aujourd'hui figure de cible idéale. Les gains de clients réalisées ont nécessité des promotions coûteuses. Et après avoir parié sans succès sur le câble, la filiale d'Altice doit accélérer dans la fibre mais se trouve freinée par une dette de plus de 15 milliards d'euros, poursuit l'analyste d'Oddo.



Bouygues, qui gagnerait à élargir sa présence dans le fixe, a d'ailleurs reconnu avoir approché Altice - sans succès - au sujet d'un rapprochement avec sa filiale française, laissant supposer un désaccord sur le prix de l'opération entre Martin Bouygues et Patrick Drahi. Ce dernier souhaiterait valoriser SFR à 24 milliards d'euros dette comprise, selon les informations non confirmées avancées par le Canard enchaîné. Mais Bouygues ne peut pas aller au-delà de 22,5 milliards d'euros s'il veut éviter que l'opération soit dilutive en termes de bénéfices, estime Jean-Baptiste Sergeant, analyste chez Mainfirst. Un porte-parole de SFR n'a pas souhaité commenter ces informations.



Plusieurs combinaisons possibles



Pour le moment, les opérateurs peuvent encore temporiser. "Personne n'est dans une situation désespérée, il n'y a pas de pression pour que la consolidation se fasse tout de suite, même si le jeu à quatre est difficile", indique un analyste parisien qui ne mise pas sur de grandes manœuvres dans l'immédiat. Mais l'intérêt pour Altice de se refinancer avant ses échéances de 2022 et la nécessité d'investir dans le très haut débit pourraient accentuer la nécessité de parvenir à un accord.



Un rapprochement Bouygues-SFR n'est d'ailleurs pas la seule option envisageable, bien qu'elle soit la plus facile à faire accepter par les autorités de la concurrence. Avec une part de marché combinée de 33% dans le fixe, les deux opérateurs resteraient derrière Orange, mais le dépasseraient dans le mobile, où ils pourraient se voir imposer des cessions d'actifs.



Le scénario Bouygues-Orange n'avait rien donné en 2016 et exigerait davantage de mesures correctives en termes de concurrence. Mais il pourrait être relancé maintenant que le gouvernement ne considère plus sa participation de 23% dans l'opérateur historique comme stratégique. Une possible reprise de cette participation par Iliad, évoquée par la Lettre de l'Expansion ce week end, semble en revanche plus difficile à réaliser, compte tenu des positions de leaders des deux groupes dans l'Internet fixe. Un tel rachat en numéraire, susceptible d'atteindre 9 milliards d'euros, semble par ailleurs hors de portée pour Xavier Niel et une opération en titres le contraindrait à renoncer au contrôle d'Iliad, dont il détient 52%, pointe Jean-Baptiste Sergeant.



Une porte-parole d'Iliad n'a pas souhaité commenter ce scénario.



L'Arcep entrouvre la porte et impose son calendrier



Du côté des autorités, le discours des opérateurs sur la nécessité de sécuriser les investissements plutôt que de maintenir les prix au plus bas semble avoir porté. Le président de l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep), Sébastien Soriano, s'est dit ouvert le mois dernier à un retour de la consolidation "en cas de projet créateur de valeur pour le pays, et pas simplement pour les actionnaires". Dans un entretien au Monde, le responsable a notamment cité le cas des américains Sprint et T-Mobile, dont le projet de rapprochement doit leur permettre de développer la 5G afin de contrer AT&T et Verizon.



Le calendrier réglementaire dictera le rythme des grandes manœuvres à venir dans le secteur. Les enchères organisées par l'Arcep pour la réattribution de certaines fréquences 2G et 3G interdiront aux opérateurs tout contact entre juillet et novembre. Après la réémergence des rumeurs de consolidation ces derniers mois, les investisseurs risquent une nouvelle fois de devoir patienter pour que se présente la prochaine fenêtre de tir.



- Thomas Varela, Agefi-Dow Jones; +331 41 27 47 99; tvarela@gefi.fr ed : ECH



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June 21, 2018 05:32 ET (09:32 GMT)




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