La consolidation des télécoms en France paraît inéluctable mais prématurée - DJ Plus
21 Juin 2018 - 11:52AM
Dow Jones News
Thomas Varela,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--La recomposition de l'industrie télécom
américaine - du rapprochement T-Mobile-Sprint à la tentative de
Comcast de mettre la main sur des actifs de 21st Century Fox -
tarde à trouver un écho en France, où toutes les récentes
tentatives de consolidation ont échoué. Les lourds investissements
à réaliser dans un environnement concurrentiel qui pèse sur la
rentabilité pourraient toutefois relancer l'idée d'une réduction de
quatre à trois du nombre d'opérateurs, mais pas avant la fin de
l'année.
Aucun groupe ne se trouve aujourd'hui dans l'obligation de vendre,
après un premier trimestre relativement bon malgré les difficultés
d'Iliad dans le fixe et des prix sous pression. Seuls les résultats
des prochains trimestres permettront de savoir si les opérateurs
parviennent à redresser leur revenu par abonné et à dégager les
marges de manœuvre nécessaires pour financer le passage aux réseaux
mobiles de 5(e) génération (5G).
La persistance de la guerre des prix pourrait en revanche jouer un
rôle déclencheur: "La consolidation semble inéluctable car les
promotions font mal à tous les acteurs et nuisent aux
investissements dans les infrastructures", juge Alexandre Iatrides,
analyste chez Oddo BHF. Malgré une stabilisation de son Ebitda au
premier trimestre, SFR fait aujourd'hui figure de cible idéale. Les
gains de clients réalisées ont nécessité des promotions coûteuses.
Et après avoir parié sans succès sur le câble, la filiale d'Altice
doit accélérer dans la fibre mais se trouve freinée par une dette
de plus de 15 milliards d'euros, poursuit l'analyste d'Oddo.
Bouygues, qui gagnerait à élargir sa présence dans le fixe, a
d'ailleurs reconnu avoir approché Altice - sans succès - au sujet
d'un rapprochement avec sa filiale française, laissant supposer un
désaccord sur le prix de l'opération entre Martin Bouygues et
Patrick Drahi. Ce dernier souhaiterait valoriser SFR à 24 milliards
d'euros dette comprise, selon les informations non confirmées
avancées par le Canard enchaîné. Mais Bouygues ne peut pas aller
au-delà de 22,5 milliards d'euros s'il veut éviter que l'opération
soit dilutive en termes de bénéfices, estime Jean-Baptiste
Sergeant, analyste chez Mainfirst. Un porte-parole de SFR n'a pas
souhaité commenter ces informations.
Plusieurs combinaisons possibles
Pour le moment, les opérateurs peuvent encore temporiser. "Personne
n'est dans une situation désespérée, il n'y a pas de pression pour
que la consolidation se fasse tout de suite, même si le jeu à
quatre est difficile", indique un analyste parisien qui ne mise pas
sur de grandes manœuvres dans l'immédiat. Mais l'intérêt pour
Altice de se refinancer avant ses échéances de 2022 et la nécessité
d'investir dans le très haut débit pourraient accentuer la
nécessité de parvenir à un accord.
Un rapprochement Bouygues-SFR n'est d'ailleurs pas la seule option
envisageable, bien qu'elle soit la plus facile à faire accepter par
les autorités de la concurrence. Avec une part de marché combinée
de 33% dans le fixe, les deux opérateurs resteraient derrière
Orange, mais le dépasseraient dans le mobile, où ils pourraient se
voir imposer des cessions d'actifs.
Le scénario Bouygues-Orange n'avait rien donné en 2016 et exigerait
davantage de mesures correctives en termes de concurrence. Mais il
pourrait être relancé maintenant que le gouvernement ne considère
plus sa participation de 23% dans l'opérateur historique comme
stratégique. Une possible reprise de cette participation par Iliad,
évoquée par la Lettre de l'Expansion ce week end, semble en
revanche plus difficile à réaliser, compte tenu des positions de
leaders des deux groupes dans l'Internet fixe. Un tel rachat en
numéraire, susceptible d'atteindre 9 milliards d'euros, semble par
ailleurs hors de portée pour Xavier Niel et une opération en titres
le contraindrait à renoncer au contrôle d'Iliad, dont il détient
52%, pointe Jean-Baptiste Sergeant.
Une porte-parole d'Iliad n'a pas souhaité commenter ce
scénario.
L'Arcep entrouvre la porte et impose son calendrier
Du côté des autorités, le discours des opérateurs sur la nécessité
de sécuriser les investissements plutôt que de maintenir les prix
au plus bas semble avoir porté. Le président de l'Autorité de
régulation des télécoms (Arcep), Sébastien Soriano, s'est dit
ouvert le mois dernier à un retour de la consolidation "en cas de
projet créateur de valeur pour le pays, et pas simplement pour les
actionnaires". Dans un entretien au Monde, le responsable a
notamment cité le cas des américains Sprint et T-Mobile, dont le
projet de rapprochement doit leur permettre de développer la 5G
afin de contrer AT&T et Verizon.
Le calendrier réglementaire dictera le rythme des grandes manœuvres
à venir dans le secteur. Les enchères organisées par l'Arcep pour
la réattribution de certaines fréquences 2G et 3G interdiront aux
opérateurs tout contact entre juillet et novembre. Après la
réémergence des rumeurs de consolidation ces derniers mois, les
investisseurs risquent une nouvelle fois de devoir patienter pour
que se présente la prochaine fenêtre de tir.
- Thomas Varela, Agefi-Dow Jones; +331 41 27 47 99; tvarela@gefi.fr
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