Carol Ryan,



The Wall Street Journal





LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Et si les Chinois perdaient leur intérêt pour la haute couture française ? Cette idée semble inconcevable à l'heure actuelle, mais la dépendance du secteur du luxe à une seule nationalité accroît les risques attachés à des valeurs telles que Hermès et Kering, la maison mère de Gucci.



La pandémie de Covid-19 aggrave des distorsions préexistantes pour de nombreuses marques de mode. Les dépenses en vêtements et sacs à main coûteux se redressent rapidement en Chine, mais restent faibles partout ailleurs. D'ici au milieu des années 2020, près de la moitié des dépenses mondiales de luxe proviendront de ressortissants chinois, à comparer à 35% en 2019, estime le cabinet de conseil Bain.



A l'heure actuelle, les investisseurs considèrent cette exposition comme un élément favorable. Les ventes en Chine de Louis Vuitton et Christian Dior, les principales marques du géant français du luxe LVMH, ont bondi de 65% au deuxième trimestre par rapport à la période correspondante de 2019. Depuis le début de l'année, l'action LVMH accuse un repli limité de 1,7% tandis que son rival Hermès affiche une hausse de 12%.



La situation n'est pas inédite pour les marques. En 1985, 55% des ventes mondiales de produits de luxe étaient destinées aux Japonais, selon le courtier Bernstein. Cette époque présente de nombreux points communs avec l'essor actuel des ventes en Chine : à la faveur d'une croissance économique élevée, une nouvelle classe moyenne aisée s'est ruée sur les produits de luxe européens pour prouver sa richesse et n'a pas lésiné sur les achats lors de voyages à l'étranger consacrés au shopping.



Aujourd'hui, les jeunes consommateurs chinois dont les revenus sont soutenus par l'épargne de leurs parents représentent une source majeure de croissance pour les marques de luxe. Ils ne sont pas sans rappeler les "célibataires parasites" du Japon qui, dans les années 1990, vivaient dans la maison familiale sans payer de loyer et consacraient une grande partie de leur salaire à l'achat d'objets de marque.



Obstacles démographiques



Le boom du luxe au Japon ne s'est pas achevé parce que la croissance a ralenti - les fashionistas ont continué de dépenser pendant la "décennie perdue" des années 1990 - mais pour des raisons démographiques. Avec le vieillissement de la population, les jeunes consommateurs dépensiers n'ont pas été remplacés en nombre suffisant pour maintenir la demande à un niveau élevé. Aujourd'hui, les Japonais ne représentent plus que 10% des ventes mondiales de produits de luxe.



La Chine se situe à un stade de développement économique plus précoce que le Japon des années 1980. Les investisseurs les plus optimistes sur le secteur du luxe estiment donc que l'émergence d'une classe moyenne toujours plus importante en Chine permettra à la demande de continuer à augmenter. Mais le pays le plus peuplé du monde pourrait se heurter à des obstacles démographiques plus tôt que le Japon.



Le taux de fécondité en Chine est depuis longtemps inférieur au seuil de renouvellement de la population et n'a augmenté que marginalement - à 1,7 enfant par femme selon les dernières données de la Banque mondiale - depuis que Pékin a mis fin à sa politique de l'enfant unique en 2015. Les coûts liés au vieillissement de la population pourraient peser sur le revenu disponible des Chinois à l'avenir.



Le défi le plus immédiat pour les marques de luxe consiste à protéger leur image d'exclusivité. Avec les stocks d'invendus qui se trouvent dans les boutiques américaines et européennes, la tentation est grande d'inonder le marché chinois de produits. Des signes suggèrent que certaines marques ne résistent d'ailleurs pas à l'appel : selon le cabinet de conseil Gartner, un indicateur des dépenses des groupes de luxe dans les médias sociaux en Chine a augmenté de 230% sur un an au deuxième trimestre. La bulle du luxe au Japon a notamment éclaté parce que les marques étaient devenues trop populaires, perdant ainsi de leur attrait.



Les créateurs n'ont guère d'autre choix que de courtiser les Chinois. Les autres nationalités ne répondent pas aux appels à la consommation, notamment en Europe. Selon le cabinet de courtage Jefferies, les ventes de produits de luxe aux consommateurs européens sont restées stables au cours des dix dernières années. Mais le secteur est désormais trop dépendant d'un seul pays. Les cours de Bourse des groupes de luxe devraient intégrer les risques que cette situation engendre plutôt que la récompenser.





-Carol Ryan, The Wall Street Journal



(Version française Valérie Venck) ed: ECH



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October 01, 2020 03:46 ET (07:46 GMT)




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