La diversification d'Eiffage est nécessaire mais pas dénuée de risques - DJ Plus
25 Mars 2019 - 4:24PM
Dow Jones News
Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les actionnaires d'Eiffage ne sont pas à
plaindre. En hausse de 27% sur trois ans et de 62% sur cinq ans, la
valeur affiche des gains encore plus solides sur dix ans: +147%. En
une décennie, le titre de la troisième major française du BTP aura
même permis aux actionnaires ayant réinvesti tous les dividendes
versés sur la période d'empocher une plus-value de 227%.
Ce parcours a récompensé la croissance soutenue affichée par le
groupe ces dernières années, principalement tirée par le
redressement de la construction en France et par le trafic
autoroutier. La Bourse a également salué le bon travail des
dirigeants pour relever les marges, abaisser les charges d'intérêt
et accélérer le désendettement.
Mais le groupe né en 1993 de la fusion des groupes Fougerolle et
SAE connait depuis quelques mois un inhabituel coup d'arrêt en
Bourse. Les Gilets jaunes portent une part de responsabilités. A la
fin 2018, leurs actions ont conduit au blocage et à la dégradation
de plusieurs péages autoroutiers, dont ceux du réseau Autoroutes
Paris-Rhin-Rhône (APRR), dont Eiffage est le concessionnaire.
Délaissé par les investisseurs dès les premiers frémissements du
mouvement populaire, le titre n'a toujours pas retrouvé son niveau
du 16 novembre dernier, veille des premières manifestations des
Gilets jaunes. Il perd encore 3% depuis. Vinci, premier concurrent
d'Eiffage, a pour sa part nettement rebondi puisque son cours de
Bourse est supérieur de 10% à celui du 16 novembre.
Une action décotée malgré de bons résultats
Aux cours actuels, l'action Vinci bénéficie ainsi d'une prime
comprise entre 20 et 40% sur le titre Eiffage selon trois ratios
clés calculés par les analystes recensés par Factset pour les
exercices 2019 et 2020 : valeur d'entreprise (VE) ramenée à
l'excédent brut d'exploitation (VE/Ebitda), VE/Ebit (résultat
opérationnel) et cours sur bénéfice par action (PER). La situation
laisse perplexe plus d'un analyste, alors qu'Eiffage a dévoilé des
résultats 2018 de qualité et promis une hausse de 20% du dividende
à verser cette année. Par exemple, Barclays juge la valorisation
actuelle d'Eiffage déraisonnablement basse et ses analystes voient
son cours de Bourse du moment comme un "bon point d'entrée".
Pour rattraper son retard en Bourse, Eiffage devra toutefois se
montrer capable de relancer une stratégie d'investissement
créatrice de valeur, après avoir surtout mis l'accent sur son
désendettement au cours dernières années. Dans un contexte où la
progression des futurs résultats sera essentiellement portée par la
baisse de l'impôt sur les sociétés en France et où les activités
d'APRR arrivent à maturité, le chantier ne sera pas de tout repos.
Même pour un acteur présent sur toute la chaîne de valeur du BTP
grâce à un profil opérationnel diversifié : construction,
immobilier, génie civil, énergie et concessions.
Les pistes d'investissement envisagées par les analystes pour
Eiffage mènent pour la plupart aux activités de concession. Ce
n'est pas une surprise. Si elles portent l'essentiel de son
endettement, les concessions s'avèrent bien plus rentables que les
autres métiers du groupe: l'an passé, elles ont compté pour 17,4%
du chiffre d'affaires total, mais pour 76,6% de son résultat
opérationnel courant. La signature de nouveaux contrats de
concession constituera pour Eiffage le ciment d'une meilleure
visibilité sur ses profits futurs.
Une force de frappe de 300 millions d'euros par an
Selon les calculs d'Oddo BHF, Eiffage serait en mesure d'allouer
300 millions d'euros par an à ses investissements, sans compter
qu'il pourrait être en mesure de financer d'éventuelles
acquisitions dans les concessions "avec de la dette sans recours".
Contactés par l'agence Agefi-Dow Jones, les dirigeants n'ont pas
souhaité s'exprimer.
Cette force de frappe pourrait notamment être utilisée par Eiffage
pour accroître sa participation dans APRR, en rachetant tout ou
partie des titres en possession du groupe financier australien
Macquarie. Actuellement, Eiffage possède 50% du capital plus une
action d'APRR et Macquarie regroupe le solde.
Supérieure à 15 milliards d'euros dette comprise, la valorisation
d'APRR peut paraître élevée pour des activités arrivant à maturité.
Goldman Sachs est persuadé qu'un rachat par Eiffage de la
participation dans APRR aurait un effet positif sur le bénéfice net
par action du groupe "étant donné l'important écart entre le
rendement des bénéfices et le coût de la dette de cet actif".
L'aéroportuaire en ligne de mire
Dans un autre secteur, Eiffage a acquis en décembre dernier une
participation de 5,03% au capital de Getlink. L'investissement de
307,5 millions d'euros s'avère judicieux pour UBS car "l'actif
offre une belle visibilité sur le long terme" et permet à Eiffage
d'allonger la maturité de son portefeuille de concessions. Celle
sur APRR s'éteindra en 2036 quand la concession du tunnel sous la
Manche est prévue pour durer 50 années de plus.
Eiffage a récemment indiqué son intention d'être un investisseur de
long terme de Getlink tout en se réservant la possibilité de
poursuivre ses achats "en fonction des conditions de marché". Ce
qui accrédite la thèse d'un prochain renforcement au tour de
table.
Le groupe de BTP a déjà réalisé une plus-value de 18% sur son
investissement dans Getlink, soit un gain de plus de 55 millions
d'euros au cours actuel représentant quasiment 1% du capital de
l'opérateur du tunnel sous la Manche. C'est un bon début. Selon un
analyste parisien, "Eiffage pourrait viser plus haut et se
positionner pour le rachat des parts du fonds d'investissement
activiste TCI (11,6%) ou de celles appartenant au groupe italien
Atlantia (15,5%)".
Autre développement récent, le groupe s'est porté candidat à la
reprise des aéroports de Toulouse et de Lille. Un investissement
dans cette voie ouvrirait "un champ d'incertitudes alors qu'Eiffage
ne dispose d'aucune expertise dans le secteur aéroportuaire",
prévient Goldman Sachs.
Pour ne pas décevoir le marché, Eiffage devra donc prudemment
mesurer les risques associés à son active diversification, aussi
nécessaire soit-elle.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31;
ddelmond@agefi.fr ed: ECH
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