Dimitri Delmond,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les actionnaires d'Eiffage ne sont pas à plaindre. En hausse de 27% sur trois ans et de 62% sur cinq ans, la valeur affiche des gains encore plus solides sur dix ans: +147%. En une décennie, le titre de la troisième major française du BTP aura même permis aux actionnaires ayant réinvesti tous les dividendes versés sur la période d'empocher une plus-value de 227%.



Ce parcours a récompensé la croissance soutenue affichée par le groupe ces dernières années, principalement tirée par le redressement de la construction en France et par le trafic autoroutier. La Bourse a également salué le bon travail des dirigeants pour relever les marges, abaisser les charges d'intérêt et accélérer le désendettement.



Mais le groupe né en 1993 de la fusion des groupes Fougerolle et SAE connait depuis quelques mois un inhabituel coup d'arrêt en Bourse. Les Gilets jaunes portent une part de responsabilités. A la fin 2018, leurs actions ont conduit au blocage et à la dégradation de plusieurs péages autoroutiers, dont ceux du réseau Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), dont Eiffage est le concessionnaire.



Délaissé par les investisseurs dès les premiers frémissements du mouvement populaire, le titre n'a toujours pas retrouvé son niveau du 16 novembre dernier, veille des premières manifestations des Gilets jaunes. Il perd encore 3% depuis. Vinci, premier concurrent d'Eiffage, a pour sa part nettement rebondi puisque son cours de Bourse est supérieur de 10% à celui du 16 novembre.



Une action décotée malgré de bons résultats



Aux cours actuels, l'action Vinci bénéficie ainsi d'une prime comprise entre 20 et 40% sur le titre Eiffage selon trois ratios clés calculés par les analystes recensés par Factset pour les exercices 2019 et 2020 : valeur d'entreprise (VE) ramenée à l'excédent brut d'exploitation (VE/Ebitda), VE/Ebit (résultat opérationnel) et cours sur bénéfice par action (PER). La situation laisse perplexe plus d'un analyste, alors qu'Eiffage a dévoilé des résultats 2018 de qualité et promis une hausse de 20% du dividende à verser cette année. Par exemple, Barclays juge la valorisation actuelle d'Eiffage déraisonnablement basse et ses analystes voient son cours de Bourse du moment comme un "bon point d'entrée".



Pour rattraper son retard en Bourse, Eiffage devra toutefois se montrer capable de relancer une stratégie d'investissement créatrice de valeur, après avoir surtout mis l'accent sur son désendettement au cours dernières années. Dans un contexte où la progression des futurs résultats sera essentiellement portée par la baisse de l'impôt sur les sociétés en France et où les activités d'APRR arrivent à maturité, le chantier ne sera pas de tout repos. Même pour un acteur présent sur toute la chaîne de valeur du BTP grâce à un profil opérationnel diversifié : construction, immobilier, génie civil, énergie et concessions.



Les pistes d'investissement envisagées par les analystes pour Eiffage mènent pour la plupart aux activités de concession. Ce n'est pas une surprise. Si elles portent l'essentiel de son endettement, les concessions s'avèrent bien plus rentables que les autres métiers du groupe: l'an passé, elles ont compté pour 17,4% du chiffre d'affaires total, mais pour 76,6% de son résultat opérationnel courant. La signature de nouveaux contrats de concession constituera pour Eiffage le ciment d'une meilleure visibilité sur ses profits futurs.



Une force de frappe de 300 millions d'euros par an



Selon les calculs d'Oddo BHF, Eiffage serait en mesure d'allouer 300 millions d'euros par an à ses investissements, sans compter qu'il pourrait être en mesure de financer d'éventuelles acquisitions dans les concessions "avec de la dette sans recours". Contactés par l'agence Agefi-Dow Jones, les dirigeants n'ont pas souhaité s'exprimer.



Cette force de frappe pourrait notamment être utilisée par Eiffage pour accroître sa participation dans APRR, en rachetant tout ou partie des titres en possession du groupe financier australien Macquarie. Actuellement, Eiffage possède 50% du capital plus une action d'APRR et Macquarie regroupe le solde.



Supérieure à 15 milliards d'euros dette comprise, la valorisation d'APRR peut paraître élevée pour des activités arrivant à maturité. Goldman Sachs est persuadé qu'un rachat par Eiffage de la participation dans APRR aurait un effet positif sur le bénéfice net par action du groupe "étant donné l'important écart entre le rendement des bénéfices et le coût de la dette de cet actif".



L'aéroportuaire en ligne de mire



Dans un autre secteur, Eiffage a acquis en décembre dernier une participation de 5,03% au capital de Getlink. L'investissement de 307,5 millions d'euros s'avère judicieux pour UBS car "l'actif offre une belle visibilité sur le long terme" et permet à Eiffage d'allonger la maturité de son portefeuille de concessions. Celle sur APRR s'éteindra en 2036 quand la concession du tunnel sous la Manche est prévue pour durer 50 années de plus.



Eiffage a récemment indiqué son intention d'être un investisseur de long terme de Getlink tout en se réservant la possibilité de poursuivre ses achats "en fonction des conditions de marché". Ce qui accrédite la thèse d'un prochain renforcement au tour de table.



Le groupe de BTP a déjà réalisé une plus-value de 18% sur son investissement dans Getlink, soit un gain de plus de 55 millions d'euros au cours actuel représentant quasiment 1% du capital de l'opérateur du tunnel sous la Manche. C'est un bon début. Selon un analyste parisien, "Eiffage pourrait viser plus haut et se positionner pour le rachat des parts du fonds d'investissement activiste TCI (11,6%) ou de celles appartenant au groupe italien Atlantia (15,5%)".



Autre développement récent, le groupe s'est porté candidat à la reprise des aéroports de Toulouse et de Lille. Un investissement dans cette voie ouvrirait "un champ d'incertitudes alors qu'Eiffage ne dispose d'aucune expertise dans le secteur aéroportuaire", prévient Goldman Sachs.



Pour ne pas décevoir le marché, Eiffage devra donc prudemment mesurer les risques associés à son active diversification, aussi nécessaire soit-elle.



-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH



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(END) Dow Jones Newswires



March 25, 2019 11:04 ET (15:04 GMT)




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