La fin de la guerre Boeing-Airbus marque le début de celle avec la Chine - Plus Inter
16 Juin 2021 - 9:20AM
Dow Jones News
Jon Sindreu,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Rien de tel qu'un ennemi commun pour
rapprocher d'anciens adversaires.
Mardi, les Etats-Unis et l'Union européenne ont convenu de mettre
temporairement fin à une querelle vieille de 17 ans concernant les
subventions gouvernementales accordées aux constructeurs
aéronautiques Boeing et Airbus. Des deux côtés de l'Atlantique, les
deux parties ont reçu l'autorisation de l'Organisation mondiale du
commerce (OMC) de s'imposer mutuellement des droits de douane de 12
milliards de dollars en guise de représailles, mais une suspension
de quatre mois a été décidée en mars. Elle va maintenant être
prolongée de cinq ans.
Cette guerre n'a jamais eu de vainqueur. En cimentant la domination
de Boeing, puis en permettant la montée en puissance d'Airbus, les
aides gouvernementales ont contribué à rendre le secteur de
l'aviation commerciale plus concurrentiel, et non moins.
L'industrie aéronautique étant en lambeaux du fait de la pandémie,
de nombreux transporteurs ont été renfloués à l'aide d'argent
public. Le maintien de cette querelle juridique était donc
dangereux pour toutes les parties concernées.
Les négociations ont notamment été favorisées par la position plus
conciliante de l'administration Biden en matière de commerce par
rapport à l'ancien président des Etats-Unis, Donald Trump.
Cependant, avant même les élections américaines de novembre
dernier, des signes indiquaient que les responsables étaient sur le
point de conclure un accord. Un facteur crucial en était le moteur
: la Chine.
Comac occupe une place centrale dans la stratégie chinoise
Le géant asiatique est déterminé à suivre les traces d'Airbus, le
constructeur aérospatial d'Etat Comac occupant une place centrale
dans la stratégie "Made in China 2025" de Pékin. Comac a développé
un monocouloir, le C919, dont l'entrée en service est prévue plus
tard dans l'année. Il s'agit d'un concurrent direct des puissants
Boeing 737 et Airbus A320. La Chine s'est également associée à la
Russie pour construire un gros porteur, le C929, qui pourrait
assurer des liaisons long-courriers. Une alliance aérospatiale
entre ces deux pays pourrait constituer une véritable menace à long
terme.
Pour l'heure, la Chine a encore besoin de temps. Le C919 est
inférieur à l'A320neo et au 737 MAX à tous les égards : son rayon
d'action est moindre, il consomme davantage de carburant et,
surtout, il ne dispose pas d'un réseau international qui le
rendrait commercialisable à l'étranger. En outre, la Chine n'est
pas encore autosuffisante dans les parties les plus complexes de la
chaîne d'approvisionnement aérospatiale : le C919 commencera par
utiliser des moteurs fabriqués par General Electric et Safran.
L'Occident dispose ainsi d'un point de pression géopolitique.
La stratégie des commandes
Pour les investisseurs, cependant, la perspective de voir Boeing et
Airbus perdre des parts de l'énorme marché intérieur chinois, qui
connaît une croissance plus rapide que la moyenne, est une raison
suffisante de s'inquiéter. Comme le souligne une analyse récente de
Barclays, les commandes d'avions de la Chine sont très faibles par
rapport à ses besoins. Cela s'apparente à une façon d'exercer une
pression sur les Etats-Unis. Pékin n'a toujours pas renouvelé la
certification du MAX. Mais les commandes d'A320 sont également
anormalement basses, ce qui peut refléter l'espoir que le C919
puisse combler une partie du déficit.
Il est donc dans l'intérêt des Etats-Unis et de l'Europe de cesser
les hostilités mutuelles et de présenter un front juridiquement
unifié. Le développement du C919, tout en profitant à certains
fournisseurs occidentaux, a presque certainement aussi enfreint les
règles de l'OMC. Dans la mesure où la Chine peut demander à ses
compagnies aériennes publiques d'acheter autant d'avions de
fabrication nationale que nécessaire aux prix souhaités,
l'évolution des marchés publics devrait constituer une source de
préoccupation majeure.
Si la fin d'une bataille juridique inutile et coûteuse est un
développement bienvenu pour les investisseurs, elle souligne
également la gravité de la menace à long terme à laquelle Boeing et
Airbus sont confrontés.
-Jon Sindreu, The Wall Street Journal
(Version française Eric Chalmet) ed: VLV
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June 16, 2021 03:09 ET (07:09 GMT)
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