Jon Sindreu,



Agefi-Dow Jones



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Même les guerres commerciales les plus amères peuvent donner des gagnants et des perdants. Mais dans le cas de la bataille qui dure depuis 15 ans contre les aides illégales à Boeing et Airbus, personne ne sortira vainqueur.



L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a accordé mercredi aux Etats-Unis l'autorisation d'imposer des droits de douane sur 7,5 milliards de dollars de biens exportés de l'Union européenne, à la suite d'une décision antérieure selon laquelle les Etats européens avaient accordé des subventions illégales à Airbus.



Comme anticipé par les analystes, le Représentant américain au commerce (USTR) en a profité pour annoncer la plus importante mesure de rétorsion de l'histoire de l'OMC, en imposant des droits de douane sur les avions et les équipements aéronautiques provenant de l'UE, ainsi que sur d'autres produits agricoles et industriels. Un nouveau front s'est ainsi ouvert dans la bataille commerciale à multiples facettes engagée par le président des Etats-Unis, Donald Trump.



Même si les consommateurs et l'économie au sens large peuvent parfois souffrir des politiques protectionnistes, ces dernières profitent généralement aux industries qu'elles visent à protéger. Il est toutefois peu probable que ce soit le cas pour le constructeur aéronautique américain Boeing.



D'abord, il n'obtiendra probablement aucun avantage sur Airbus en matière de prix, car il est quasi certain que l'Europe ripostera. L'OMC a également déterminé que Boeing avait bénéficié d'allègements fiscaux illégaux et d'aides publiques à la recherche et elle rendra son verdict l'année prochaine sur la possibilité pour l'Union européenne d'imposer des tarifs douaniers comme mesure de rétorsion. Les responsables de l'UE ont même laissé entendre qu'ils n'attendraient peut-être pas la décision de l'OMC et pourraient tout simplement révoquer les accords commerciaux conclus avec les Etats-Unis.



Il est également peu probable que ces perturbations aident l'économie américaine, car Airbus y emploie 3.000 personnes hautement qualifiées. Le principal site du groupe européen outre-Atlantique se situe à Mobile, en Alabama, où il assemble l'A320, son modèle d'avion le plus vendu, et l'A220, un appareil à la pointe de la technologie racheté au groupe canadien Bombardier en 2017. Ces avions ont besoin de pièces importées d'Europe.



Le conflit commercial entre Washington et Bruxelles soulève toutefois un problème plus profond : celui de l'utilité des règles de l'OMC.



Le feu vert accordé aux droits de douane américains repose sur l'idée que les aides illégales ont causé aux entreprises des milliards de dollars de dommages chaque année en ventes perdues, qui auraient pu être évitées si les gouvernements n'avaient pas entravé le bon fonctionnement du marché.



Cependant, cette affirmation est fondamentalement fausse dans l'industrie aéronautique qui, en raison de son importance en temps de guerre, a toujours été liée à la recherche gouvernementale. La défense représente 23% du chiffre d'affaires de Boeing et 17% de celui d'Airbus. En outre, les immenses économies d'échelle associées à la construction d'avions empêchent la concurrence de pénétrer sur ce marché sans aide et signifient également que la productivité des entreprises augmente une fois qu'elles atteignent une envergure mondiale.



Avant le lancement de l'A320 en 1987, Airbus était peut-être un constructeur d'avions structurellement déficitaire et trop subventionné. Aujourd'hui, le principal concurrent de Boeing se débrouille très bien seul. Quant à Boeing, sa position sur le marché a elle-même été acquise grâce à des initiatives politiques, comme la visite du président Richard Nixon en Chine en 1972, qui a permis de vendre le Boeing 707 au pays asiatique. Le constructeur aéronautique chinois Comac espère maintenant atteindre une vitesse de libération similaire.



Au fil des ans, les avions commerciaux sont devenus moins chers, plus sûrs et plus économes en carburant, en partie à cause de l'intense concurrence que se livrent Airbus et Boeing, pourtant en situation de duopole.



En essayant de réparer ce qui n'est pas brisé, l'OMC risque de balkaniser le marché, en laissant Boeing vendre aux Etats-Unis et Airbus en Europe. Le carnet de commandes de chaque constructeur dispose actuellement d'environ 1.000 avions à livrer à des transporteurs aériens de l'autre région. Mercredi, les actions des compagnies aériennes ont souffert davantage que celles des constructeurs aéronautiques, qui devraient répercuter à leurs clients la plupart des hausses de coûts engendrées par les droits de douane.



Les droits de douane ne rétabliront pas l'ordre dans le secteur aéronautique, d'autant qu'il n'est pas certain qu'une des parties ait réellement été lésée dans cette affaire.



-Jon Sindreu, The Wall Street Journal



(Version française Valérie Venck) ed: ECH



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October 03, 2019 04:05 ET (08:05 GMT)




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