Stephen Wilmot,



The Wall Street Journal





LONDRES (Agefi-Dow Jones)--La voiture de demain ressemblera à un smartphone géant. Et les conducteurs pourront en tirer les bénéfices bien avant les constructeurs.



Les véhicules dits connectés ne sont pas nouveaux: la majorité des voitures actuellement vendues aux Etats-Unis sont déjà équipées d'un modem pour les connecter à Internet. Mais les équipements électroniques des automobiles commencent tout juste à être repensés pour pouvoir tirer avantage des connexions mobiles à haut débit, qui permettront des mises à jour en temps réel comme sur un smartphone. Cela constituera une avancée majeure.



Le pick-up F-150 de Ford est le modèle le plus vendu aux Etats-Unis depuis 1981. La nouvelle génération actuellement présentée dans les salons automobiles sera équipée de logiciels qui fonctionneront comme le "cerveau" du véhicule et installeront des mises à jour pour ajouter des fonctionnalités ou régler certains dysfonctionnements, indique Stuart Taylor, directeur de la connectivité chez Ford. Ce nouveau système équipera par la suite d'autres modèles du constructeur comme la Ford Mustang March-E et la Ford Bronco.



Ces nouveaux modèles auront l'avantage de pouvoir continuer à évoluer après avoir quitté le concessionnaire afin de proposer au client les toutes dernières versions des logiciels et autres outils numériques disponibles depuis le véhicule. Des constructeurs comme General Motors pensent pouvoir rentabiliser cette modularité, notamment grâce aux assurances incluses dans la gamme de services en ligne proposés aux conducteurs. "Les véhicules électriques font pression sur les marges, il sera donc crucial pour les marques de mettre au point des fonctions optionnelles qui pourront être vendues à la demande", commente Johannes Deichmann, analyste chez McKinsey.



Les constructeurs automobiles pourront difficilement faire payer leurs clients pour des services accessibles gratuitement à partir d'un smartphone. Pour se concentrer sur les besoins spécifiques des conducteurs, ils pourront proposer, en plus des assurances automobiles, des systèmes de conduite assistée riches en contenus propriétaires. En pointe sur ce type de services comme GM, BMW oriente les automobilistes vers les rues où la probabilité de trouver une place est la plus élevée. Ce service est déjà disponible dans 45 villes américaines.



Investissements massifs



Une autre source potentielle de revenus supplémentaires réside dans l'installation d'appareils dont l'activation sera optionnelle après l'achat du véhicule. Toutes les Tesla proposent une fonction "conduite entièrement automatique", mais l'utilisation du dispositif coûte 10.000 dollars. Ce modèle permettra aux constructeurs de ne plus avoir à fabriquer plusieurs versions du même modèle: chaque véhicule sera équipé de toutes les options et sera ensuite décliné en fonction de la décision du client de les activer ou pas. Cette orientation devrait toutefois profiter essentiellement aux marques premium, qui peuvent s'attendre à ce qu'une proportion élevée des acheteurs acceptera de payer pour ces options.



Les constructeurs espèrent également réduire les coûts de maintenance et de réparation. Les outils de diagnostic et de mise à jour à distance limiteront la nécessité de faire réviser le véhicule par un concessionnaire. Rester en contact avec leurs client grâce au numérique pourrait aussi constituer un nouvel outil marketing, qui permettra aux marques de réduire leurs coûts publicitaires.



Mais des investissements importants seront nécessaires avant de pouvoir profiter à terme de ces réductions de coûts. Le pôle "connectivité" de Ford emploie actuellement 4.000 programmeurs, au lieu de 300 il y a quatre ans. Volkswagen, le premier constructeur mondial en termes de ventes, prévoit d'investir 27 milliards d'euros dans son plan digital d'ici à 2025, un montant multiplié par deux par rapport aux prévisions fournies il y a un an.



Les constructeurs sont en train de revoir entièrement le câblage des véhicules. Jusqu'à présent, la plupart des voitures étaient équipées de plusieurs modules de commande électroniques, souvent fabriqués par différents fournisseurs, chacun ayant une fonction spécifique. Cette approche, qui résultait de l'expertise traditionnelle des constructeurs automobiles en matière d'intégration de systèmes, limitait les capacités de connexion de la voiture à un simple système d'infodivertissement (accès à Internet, GPS, radio).



Désormais, les fonctions de contrôle sont regroupées, souvent par les constructeurs eux-mêmes, dans des ordinateurs plus puissants qui peuvent être mis à jour de manière centralisée via modem. Tesla a été un pionnier dans ce domaine dans la mesure où le groupe a eu l'avantage de commencer à partir d'une feuille blanche pour le développement de ses véhicules électriques.



En Bourse, l'auto n'est pas assimilable à la tech



Même si les voitures évoluent rapidement, il faudra attendre longtemps avant que ces changements ne se généralisent. Les consommateurs américains achètent un nouveau téléphone portable tous les trois ans environ, ce qui permet des améliorations régulières du matériel qui prend en charge les mises à jour de logiciels et les services de données. A contrario, selon IHS Markit, l'âge moyen des véhicules aux Etats-Unis est de près de 12 ans, ce qui ralentira obligatoirement le cycle des mises à jour dans l'industrie automobile.



Près de dix années pourraient être nécessaires pour que les nouvelles plateformes connectées disposent d'une masse critique au sein du parc automobile. Et même dans ce cas, il est peu probable que les services connectés représenteront une part importante du chiffre d'affaires des constructeurs, étant donné le prix élevé du nouveau véhicule.



En clair, la vente de voitures restera une activité cyclique, qui justifiera une valorisation boursière plus faible. Il semble prématuré de parler de nouveaux modèles économiques pour le secteur. Les voitures passent au numérique mais les investisseurs ne devraient pas se laisser éblouir par les parallèles avec des secteurs technologiques en vogue. Detroit ne peut pas aller aussi loin aussi vite.



-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal



(Version française Thomas Varela, Jérôme Batteau) ed: ECH



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November 30, 2020 05:03 ET (10:03 GMT)




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