La route sera longue pour que Detroit rentabilise ses voitures connectées - Plus USA
30 Novembre 2020 - 11:23AM
Dow Jones News
Stephen Wilmot,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--La voiture de demain ressemblera à un
smartphone géant. Et les conducteurs pourront en tirer les
bénéfices bien avant les constructeurs.
Les véhicules dits connectés ne sont pas nouveaux: la majorité des
voitures actuellement vendues aux Etats-Unis sont déjà équipées
d'un modem pour les connecter à Internet. Mais les équipements
électroniques des automobiles commencent tout juste à être repensés
pour pouvoir tirer avantage des connexions mobiles à haut débit,
qui permettront des mises à jour en temps réel comme sur un
smartphone. Cela constituera une avancée majeure.
Le pick-up F-150 de Ford est le modèle le plus vendu aux Etats-Unis
depuis 1981. La nouvelle génération actuellement présentée dans les
salons automobiles sera équipée de logiciels qui fonctionneront
comme le "cerveau" du véhicule et installeront des mises à jour
pour ajouter des fonctionnalités ou régler certains
dysfonctionnements, indique Stuart Taylor, directeur de la
connectivité chez Ford. Ce nouveau système équipera par la suite
d'autres modèles du constructeur comme la Ford Mustang March-E et
la Ford Bronco.
Ces nouveaux modèles auront l'avantage de pouvoir continuer à
évoluer après avoir quitté le concessionnaire afin de proposer au
client les toutes dernières versions des logiciels et autres outils
numériques disponibles depuis le véhicule. Des constructeurs comme
General Motors pensent pouvoir rentabiliser cette modularité,
notamment grâce aux assurances incluses dans la gamme de services
en ligne proposés aux conducteurs. "Les véhicules électriques font
pression sur les marges, il sera donc crucial pour les marques de
mettre au point des fonctions optionnelles qui pourront être
vendues à la demande", commente Johannes Deichmann, analyste chez
McKinsey.
Les constructeurs automobiles pourront difficilement faire payer
leurs clients pour des services accessibles gratuitement à partir
d'un smartphone. Pour se concentrer sur les besoins spécifiques des
conducteurs, ils pourront proposer, en plus des assurances
automobiles, des systèmes de conduite assistée riches en contenus
propriétaires. En pointe sur ce type de services comme GM, BMW
oriente les automobilistes vers les rues où la probabilité de
trouver une place est la plus élevée. Ce service est déjà
disponible dans 45 villes américaines.
Investissements massifs
Une autre source potentielle de revenus supplémentaires réside dans
l'installation d'appareils dont l'activation sera optionnelle après
l'achat du véhicule. Toutes les Tesla proposent une fonction
"conduite entièrement automatique", mais l'utilisation du
dispositif coûte 10.000 dollars. Ce modèle permettra aux
constructeurs de ne plus avoir à fabriquer plusieurs versions du
même modèle: chaque véhicule sera équipé de toutes les options et
sera ensuite décliné en fonction de la décision du client de les
activer ou pas. Cette orientation devrait toutefois profiter
essentiellement aux marques premium, qui peuvent s'attendre à ce
qu'une proportion élevée des acheteurs acceptera de payer pour ces
options.
Les constructeurs espèrent également réduire les coûts de
maintenance et de réparation. Les outils de diagnostic et de mise à
jour à distance limiteront la nécessité de faire réviser le
véhicule par un concessionnaire. Rester en contact avec leurs
client grâce au numérique pourrait aussi constituer un nouvel outil
marketing, qui permettra aux marques de réduire leurs coûts
publicitaires.
Mais des investissements importants seront nécessaires avant de
pouvoir profiter à terme de ces réductions de coûts. Le pôle
"connectivité" de Ford emploie actuellement 4.000 programmeurs, au
lieu de 300 il y a quatre ans. Volkswagen, le premier constructeur
mondial en termes de ventes, prévoit d'investir 27 milliards
d'euros dans son plan digital d'ici à 2025, un montant multiplié
par deux par rapport aux prévisions fournies il y a un an.
Les constructeurs sont en train de revoir entièrement le câblage
des véhicules. Jusqu'à présent, la plupart des voitures étaient
équipées de plusieurs modules de commande électroniques, souvent
fabriqués par différents fournisseurs, chacun ayant une fonction
spécifique. Cette approche, qui résultait de l'expertise
traditionnelle des constructeurs automobiles en matière
d'intégration de systèmes, limitait les capacités de connexion de
la voiture à un simple système d'infodivertissement (accès à
Internet, GPS, radio).
Désormais, les fonctions de contrôle sont regroupées, souvent par
les constructeurs eux-mêmes, dans des ordinateurs plus puissants
qui peuvent être mis à jour de manière centralisée via modem. Tesla
a été un pionnier dans ce domaine dans la mesure où le groupe a eu
l'avantage de commencer à partir d'une feuille blanche pour le
développement de ses véhicules électriques.
En Bourse, l'auto n'est pas assimilable à la tech
Même si les voitures évoluent rapidement, il faudra attendre
longtemps avant que ces changements ne se généralisent. Les
consommateurs américains achètent un nouveau téléphone portable
tous les trois ans environ, ce qui permet des améliorations
régulières du matériel qui prend en charge les mises à jour de
logiciels et les services de données. A contrario, selon IHS
Markit, l'âge moyen des véhicules aux Etats-Unis est de près de 12
ans, ce qui ralentira obligatoirement le cycle des mises à jour
dans l'industrie automobile.
Près de dix années pourraient être nécessaires pour que les
nouvelles plateformes connectées disposent d'une masse critique au
sein du parc automobile. Et même dans ce cas, il est peu probable
que les services connectés représenteront une part importante du
chiffre d'affaires des constructeurs, étant donné le prix élevé du
nouveau véhicule.
En clair, la vente de voitures restera une activité cyclique, qui
justifiera une valorisation boursière plus faible. Il semble
prématuré de parler de nouveaux modèles économiques pour le
secteur. Les voitures passent au numérique mais les investisseurs
ne devraient pas se laisser éblouir par les parallèles avec des
secteurs technologiques en vogue. Detroit ne peut pas aller aussi
loin aussi vite.
-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal
(Version française Thomas Varela, Jérôme Batteau) ed: ECH
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