Anna Hinterstein,



The Wall Street Journal



NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Porté par un important flux de trésorerie et encouragé par la reprise économique en cours, Carrefour a récemment entamé sa première opération de rachat d'actions de ces dix dernières années. Il n'est le seul à s'engager dans cette voie.



Toute une flopée d'entreprises européennes, parmi lesquelles LVMH, L'Oréal et Eni, ont opté cette année pour des programmes de rachats d'actions. Depuis le début 2021, près de 56 entreprises ont fait part de leur intention de racheter leurs propres actions, ce qui représente à période comparable le nombre le plus important depuis trois ans, selon une analyse de Société Générale.



Cette tendance témoigne d'une confiance accrue des chefs d'entreprises et marque un tournant stratégique dans une région qui favorise habituellement les dividendes. Elle a peut-être été accélérée, du moins temporairement, par la pandémie, estiment les analystes de Société Générale.



Confrontées à une baisse des bénéfices due aux mesures de confinement et de distanciation sociale, de nombreuses entreprises ont diminué ou suspendu leurs dividendes l'an dernier. Pour certains secteurs, comme le secteur bancaire, il s'agissait d'une exigence des régulateurs. Les entreprises européennes ont émis pour près de 1.000 milliards d'euros de dette en 2020, selon les données de Dealogic, accumulant des réserves de cash pour s'assurer de pouvoir traverser la crise. Maintenant que la reprise semble avoir pris un peu d'élan, nombreuses sont celles qui débouclent ces mesures d'urgence au profit de leurs actionnaires.



"En 2020, de nombreuses entreprises ont été contraintes de suspendre leurs dividendes, ce qui a été particulièrement pénible", souligne Roland Kaloyan, responsable de la stratégie actions européennes de Société Générale. "Les rachats d'actions constituent un bon moyen de rémunérer les actionnaires, lorsqu'on ne souhaite pas s'engager trop fermement ni trop tôt à verser des dividendes plus élevés au cours des trimestres à venir", explique-t-il.



La bonne surprise des résultats du premier trimestre



De nombreuses entreprises européennes ont fait état d'un rebond de leur croissance et leurs résultats du premier trimestre, ont réservé les meilleures surprises depuis au moins 2008, selon une analyse de Goldman Sachs. Les prévisions de bénéfice par action (BPA) pour 2021 ont été relevées de 10,6% en moyenne depuis le début de l'année, ce qui constitue la révision à la hausse la plus marquée depuis au moins 2013, précise la banque.



Certains analystes s'attendaient déjà à ce que les marchés actions en Europe dépasse ceux des Etats-Unis cette année, dans la mesure où les actions européennes se sont redressées dans de moindres proportions et partent dans l'ensemble de valorisations plus basses. Le phénomène pourrait être amplifié en cas de vague de rachats d'actions, estiment les analystes.



Pour autant, les investisseurs conseillent aux entreprises de jouer la prudence et de ne pas se précipiter pour réviser leurs politiques de dividendes, généralement considérées comme des engagements de long terme.



"Mieux vaut pour l'heure opérer des rachats d'actions plutôt que d'augmenter les dividendes en raison d'une hausse temporaire de trésorerie", note Chi Chan, gérant de portefeuilles actions européennes chez Federated Hermes. "Nous ne savons pas quelle tournure va prendre l'économie mondiale en période post-pandémie".



Un impact boursier non négligeable



Les rachats d'actions sont courants aux Etats-Unis et souvent considérés comme un moteur de la performance du marché actions, les BPA augmentant quand une entreprise réduit son nombre d'actions en circulation. L'indice S&P 500 a grimpé de 237% entre 2010 et 2020, alors que le Stoxx Europe 600 n'a progressé que de 57%.



"Ces dernières années aux Etats-Unis, l'offre d'actions a diminué. Il y a eu davantage de rachats de la part des entreprises elles-mêmes", indique Sharon Bell, gérante spécialisée en stratégie actions européennes chez Goldman Sachs. "Cela peut sans aucun doute avoir une influence très importante sur les prix du marché".



"En Europe, compte tenu de toutes ces annonces, je m'attendrais à un certain resserrement du marché actions cette année", ajoute-t-elle.



Les rachats d'actions sont également en nette hausse aux Etats-Unis, des groupes comme JPMorgan Chase, Apple, Netflix et Lockheed Martin ayant annoncé des plans de rachats dans la foulée de leurs résultats du premier trimestre. Goldman Sachs anticipe une hausse de 35% des rachats d'actions cette année par les entreprises du S&P 500, et de 5% supplémentaires en 2022.



Société Générale s'attend à ce que les entreprises européennes consacrent environ 150 milliards d'euros aux rachats d'actions en 2022, ce qui représenterait une hausse de 25% par rapport aux dépenses annuelles moyennes des cinq années ayant précédé la pandémie. Le rendement généré par le rachat d'actions ("buyback yield"), qui est une mesure de la rémunération des actionnaires, devrait atteindre son plus haut niveau en plus de dix ans. L'année suivante, la banque table sur des dépenses de 190 milliards d'euros, entraînant le taux à son plus haut niveau depuis 2008.



Attirer les investisseurs étrangers en Europe



Une hausse substantielle des rachats d'actions pourrait inciter davantage d'investisseurs étrangers à se tourner vers l'Europe, précise Roland Kaloyan de Société Générale. Les flux nets de capitaux vers les fonds qui investissent en actions européennes ont atteint 112,2 milliards de dollars en mars, constituant les premières rentrées de fonds après six mois consécutifs de retraits, selon les données de Morningstar.



Ce tournant des entreprises européennes vers les rachats d'actions pourrait néanmoins ne pas s'inscrire dans la durée en raison d'une prévalence en Europe d'investisseurs attachés en priorité aux dividendes, comme les assureurs et les fonds de pension. Et comme les rendements obligataires restent résolument bas, la demande pour des versements réguliers de dividendes demeure importante.



Les rachats d'actions vont sans doute se multiplier en Europe au cours des années qui viennent, "mais je ne pense pas que les entreprises renonceront pour autant à honorer leur politique de dividende", souligne Sharon Bell, chez Goldman Sachs. "Les premiers viendront simplement s'ajouter aux seconds", conclut-elle.



-Anna Hirtenstein, The Wall Street Journal



(Version française Emilie Palvadeau) ed: VLV



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May 21, 2021 05:21 ET (09:21 GMT)




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