Julien Marion,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--La privatisation de l'exploitant aéroportuaire Groupe ADP a pris un sérieux coup de plomb dans l'aile. Jeudi, le Conseil constitutionnel a donné son aval à la proposition de référendum d'initiative partagée (RIP) déposée par des parlementaires. Ce qui ouvre la voie un long processus pouvant théoriquement aboutir à la consultation des électeurs, avec en filigrane le spectre d'un rejet de cette privatisation.



La décision des Sages de la rue Montpensier a fait revenir le titre ADP à des profondeurs lointaines. En début d'après-midi, vendredi, la valeur chutait de 10% à 152,5 euros, tombant à un plus bas depuis un an et demi, après avoir déjà abandonné 5,7% jeudi. "A ce niveau, le cours de Bourse d'ADP n'intègre plus aucun caractère spéculatif et est en ligne avec sa valeur intrinsèque", remarque Charles Maynadier, analyste chez Kempen & Co.



Les actionnaires de l'exploitant aéroportuaire souffrent désormais d'une absence de visibilité regrettable, qui persistera encore pendant de long mois.



La probabilité "extraordinairement faible" d'un référendum



Certes, il serait prématuré et erroné de tirer un trait sur la privatisation de Groupe ADP. La prochaine étape impose aux dépositaires du RIP de recueillir dans un délai de neuf mois le soutien d'un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4,17 millions de Français, selon le Conseil constitutionnel. A titre de comparaison, les pétitions les plus populaires en France n'ont que rarement dépassé les 2 millions de signataires. "Il me paraît très compliqué d'obtenir ces soutiens, car, contrairement à une pétition, ils ne sont pas anonymes: les citoyens doivent donner la preuve de leur identité", explique Michel Lascombe, spécialiste du droit constitutionnel qui a enseigné à l'Institut d'études politiques de Lille.



De plus, obtenir le nombre de soutien nécessaire n'impliquerait pas la tenue automatique d'un référendum. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent ensuite examiner le texte portant le RIP dans un délai de six mois. Le cas échéant, le référendum n'aurait pas lieu. "Même si les chambres rejettent le texte, ou, que la première l'a adopté ou rejeté et que la deuxième l'a seulement inscrite à son ordre du jour sans véritablement le discuter, il n'y aura pas de référendum", explique Aurélie Monteil, doctorante en droit public à l'Université Paris I. "La probabilité d'un référendum est extraordinairement faible", conclut Michel Lascombe.



Le député LaRem Stanislas Guérini a laissé peu de place au doute: "si ce référendum d'initiative partagée suit son cours, en réalité ce ne sera pas un référendum: nous allons à nouveau étudier ce projet à l'Assemblée national", a-t-il affirmé sur France Info.



Nouvelle décision du Conseil constitutionnel



Que le RIP aboutisse ou non, le mal pour les investisseurs est déjà fait. La décision du conseil constitutionnel entraîne "une perte de valeur en terme de temps et réduit la probabilité d'une privatisation partielle ou totale", souligne Morgan Stanley dans une note adressée à ses clients.



Les actionnaires d'ADP devront prendre leur mal en patience. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué vendredi matin qu'aucune décision sur une opération de privatisation ne sera prise pendant que la procédure du RIP suivra son cours, soit au bas mot pendant neuf mois. Durant ce laps de temps, aucune indication officielle ne sera donnée sur des paramètres essentiels tels que la structure de la privatisation ou le maintien ou non de l'Etat au capital du groupe.



Ce hiatus a poussé JPMorgan à dégrader la valeur de "surpondérer" à "neutre" vendredi, la banque américaine jugeant que l'appétit d'éventuels acquéreurs pour ADP devrait être affecté par ce contexte défavorable. Goldman Sachs a abaissé son conseil de "neutre" à "vendre". "Même si la privatisation devait aller de l'avant, elle connaîtrait probablement un retard significatif, et nous pensons que l'incertitude qui règne pourrait entre-temps conduire à une dépréciation du titre vers une valorisation davantage conforme à notre objectif de cours (151 euros, NDLR)", a expliqué la banque dans une note publiée avant l'ouverture du marché, vendredi.



Les porteurs d'ADP devront, de plus, surveiller une autre décision du Conseil constitutionnel, portant cette fois sur le fond de la loi Pacte, et qui pourrait aboutir à une éventuelle censure de la privatisation. Bercy a toutefois a indiqué à l'agence Agefi-Dow Jones attendre avec "sérénité" ce verdict, prévu jeudi prochain.



Plus que jamais, le processus de privatisation d'ADP constitue une équation avec un nombre d'inconnues astronomiques. Dans ce contexte, considérer la chute boursière de l'exploitant aéroportuaire comme un bon point d'entrée apparaît inopportun. Le titre ADP a de bonnes chances de rester sur le tarmac.



-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH



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May 10, 2019 10:30 ET (14:30 GMT)




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