Dimitri Delmond,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--La spéculation va bon train. Aussi insaisissable que les TGV fabriqués par Alstom, dont Bouygues vient de vendre 13% du capital, sur les 27,7% qu'il détenait, pour un montant de 1,08 milliard d'euros. Depuis le 12 septembre et l'annonce de cette transaction, les investisseurs s'interrogent sur la manière dont le conglomérat présent dans la construction, les médias et les télécoms va réutiliser le produit de cette cession de titres.



Questionnée sur le sujet, l'entreprise n'aide pas à apaiser ces spéculations, laissant de nombreuses portes ouvertes en répétant à l'envi que la somme récoltée suite à son désengagement partiel d'Alstom sera utilisée pour "développer ses cinq métiers et accélérer son désendettement".



Certes, son opérateur Bouygues Telecom devra consacrer dans les prochains mois une partie de ses ressources financières pour l'acquisition des fréquences mobile de cinquième génération (5G) en France. Mais le financement de cet investissement, estimé entre 300 et 400 millions d'euros par les analystes, semble déjà assuré. Le 17 juillet dernier, le groupe a consolidé sa trésorerie en percevant pour 341 millions d'euros de dividendes au titre de sa participation au capital d'Alstom.



"Ses autres filiales, telles Colas ou TF1, sont entrées dans une phase d'intégration des actifs acquis ces derniers mois, ce qui signale une pause dans le processus de développement", indique un analyste basé à Londres. Pour ce dernier, le rachat du spécialiste du génie électrique et mécanique Spie par Bouygues, fantasme de longue date des investisseurs, est donc "peu probable à court terme, même si le bien-fondé industriel d'une telle opération n'est plus à démontrer".



L'endettement n'est pas déraisonnable



En outre, le besoin d'abaisser la dette n'est en rien pressant pour le groupe. A la clôture de l'exercice en cours, la dette nette de Bouygues devrait s'élever à 3,55 milliards d'euros, selon les estimations des analystes. A ce niveau, elle représenterait 0,3 fois les capitaux propres et 1 fois l'excédent brut d'exploitation. Ces multiples sont loin de la surchauffe. Pour Eiffage et Vinci, les valeurs les plus comparables à Bouygues malgré leur exposition particulière aux activités de concession, la dette nette représente, en moyenne, 1,4 fois les fonds propres et 3,1 fois l'Ebitda calculés pour 2019.



Malgré ce constat, Bouygues, contacté par l'agence Agefi-Dow Jones, n'a pas souhaité précisé les intentions du groupe familial et ni commenter les divers scénarios envisagés par la communauté financière. L'hypothèse la plus épidémique est celle d'un renforcement de la politique de retour à l'actionnaire.



Le lancement d'un programme de rachat d'actions est une option crédible. Par l'intermédiaire de la société par actions simplifiée SCDM, contrôlée par Martin Bouygues et son frère Olivier, qui occupent respectivement les fonctions de PDG et de directeur général délégué de Bouygues, la famille possède 21,7% du capital du groupe. "En rachetant un certain volume de ses propres actions, le groupe pourrait permettre à la famille Bouygues de régner un peu plus sur son empire", estime un gérant parisien.



Mais la plupart des investisseurs parient plutôt sur une augmentation des prochains dividendes à verser par Bouygues. Stéphane Beyazian, analyste chez Mainfirst, pense que "le conglomérat peut se permettre d'ajouter exceptionnellement 0,30 euro supplémentaire au dividende à payer en 2020 ou bien de relever le dividende de 0,10 euro pour les années futures". Mais cet effort en lien direct avec son désengagement d'Alstom ne coûterait même pas 40 millions d'euros à Bouygues, quand il vient d'encaisser plus d'un milliard d'euros...



Un autre broker estime, pour sa part, que le groupe pourrait être bien plus généreux à l'égard de ses actionnaires en leur rendant près de la moitié du produit de la vente des actions Alstom, soit 1,30 euro à ajouter au prochain dividende ordinaire, qui est attendu stable selon le consensus réalisé par Factset. Le groupe a versé cette année, au titre de l'exercice 2018, un dividende de 1,70 euro par action, déjà identique à celui payé l'an passé et en augmentation d'à peine 6,3% par rapport au coupon de 1,60 euro payé chaque année entre 2009 et 2017. Au final, il a augmenté de 0,6% par an en moyenne depuis son versement de 2009 !



Assurer la stabilité de l'édifice avant la passation de pouvoir



La perspective du paiement d'un super dividende suscite un réel espoir dans les rangs des actionnaires, qui ont pu déplorer par le passé la stagnation du coupon de Bouygues, à défaut d'être pérenne. Mais ces attentes pourraient être douchées. Pour Alexandre Iatrides, analyste chez Oddo BHF, Bouygues a probablement déjà dépensé le produit de la cession des titres Alstom, par anticipation.



"Depuis début 2018, le flux d'acquisitions a représenté pour Bouygues un investissement quasiment équivalent au montant récupéré lors de la transaction liée à Alstom", observe l'analyste. Les rachats d'Alpiq Engineering Services, Austin William Edwards, Miller McAsphalt, Nerim ou de Keyyo auraient ainsi été réalisés en toute connaissance de cause. "Les dirigeants de Bouygues savaient nécessairement depuis des mois qu'environ un milliard d'euros allait être récolté", ajoute Alexandre Iatrides.



Le produit de la vente du bloc de 13% du capital d'Alstom serait alors conservé par Bouygues sous forme de trésorerie, pour lui permettre d'affronter d'éventuels coups durs. Faire preuve de prudence en matière de rémunération des actionnaires accorderait aussi davantage de flexibilité à la direction, dans un contexte de préparation de la succession de Martin Bouygues. "Le 15 février 2019, le comité de sélection a évoqué le plan de succession du directeur général", peut-on lire dans le dernier document de référence du groupe. Martin Bouygues a fêté ses 67 ans cette année.



-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH



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(END) Dow Jones Newswires



September 30, 2019 03:39 ET (07:39 GMT)




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