CA Carrefour

Dimitri Delmond,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Carrefour lance la seconde tranche de ses grands travaux en France. Le distributeur a confié le 1er juillet la direction exécutive de sa filiale française à Rami Baitieh, non sans avoir au préalable salué la qualité du travail réalisé par son prédécesseur, Pascal Clouzard. Sous sa houlette, "les premiers objectifs fixés dans le cadre du plan stratégique Carrefour 2022 ont été atteints" en France, se réjouit Carrefour.

Cette passation de pouvoir à la tête de Carrefour France "marque l'évolution de la stratégie du distributeur dans le pays, alors que la phase de restructuration la plus lourde est désormais achevée", estime ING. Pascal Clouzard et son équipe sont parvenus depuis 2018 à développer les magasins de proximité, l'offre sur Internet, les produits bio et la marque propre, tout en nouant de nouveaux partenariats dans les achats.

Mais les performances de Carrefour en France ne sont pas encore flamboyantes, surtout dans les hypermarchés. En 2019, le chiffre d'affaires des grandes surfaces françaises du groupe a reflué de 2,1% en données comparables, à 20,02 milliards d'euros, empêchant le distributeur de renouer avec la croissance sur son marché domestique. Au total, les ventes de Carrefour ont fléchi de 0,1% l'an passé dans l'Hexagone, à 38,86 milliards d'euros.

De remarquables états de service

Le cru 2020 s'annonce tout aussi difficile pour les hypermarchés français du distributeur, alors que le nouvel environnement né de la crise sanitaire consacre le prix et la sécurité en tant que critères d'achat encore plus déterminants. Selon Oddo BHF, les ventes de produits alimentaires de Carrefour France devraient avoir progressé de 2,8% en données organiques au deuxième trimestre mais avoir chuté de 7% dans les grandes surfaces. Rien qu'au cours du mois de juin, la part de marché des hypermarchés de Carrefour a reculé de 90 points de base en dans l'Hexagone, selon les données de Kantar.

Pour Carrefour France, "il est temps de stimuler les services aux clients" afin de redresser les performances de ses grandes surfaces, recommande ING. Rami Baitieh est rompu à l'exercice. Agé de 49 ans, ce franco-libanais qui a rejoint Carrefour voilà plus de 25 ans "est précédé d'une réputation quasi messianique quant à son obsession du client", indique Olivier Dauvers, éditeur et expert reconnu du secteur de la distribution.

Cette stratégie a permis à Rami Baitieh d'obtenir des résultats époustouflants dans les pays dont il a piloté les activités. D'abord à Taiwan, devenu l'un des marchés les plus profitables pour Carrefour après son passage entre 2015 et 2018. Immédiatement après, le dirigeant a posé ses valises en Argentine, où le distributeur a atteint le seuil de rentabilité moins d'une année après son arrivée. A compter d'avril 2019, il a ensuite pris les commandes de Carrefour Espagne, "où les résultats sont revenus en territoire positif au bout de trois mois", constate ING.

Un marché français spécifiquement complexe

La nomination de Rami Baitieh à la tête de Carrefour France constitue "un signal positif", estime UBS, un avis partagé par la plupart des analystes qui suivent la valeur. Mais redresser les performances commerciales et opérationnelles en France représente un défi colossal. Compte tenu de la croissance limitée de la consommation et de la forte concurrence exercée par les indépendants, le marché français se montre plus complexe que celui de l'Espagne ou de l'Argentine. Autre mission : Rami Baitieh devra renforcer le programme de gestion des baux commerciaux du distributeur sur son marché domestique.

Mais dans un tel contexte, l'exécution sans faille d'une stratégie basée sur une forte orientation vers les services aux consommateurs et une gestion décentralisée s'annonce délicate. "Nous sommes sceptiques quant à la facilité de la mise en œuvre du changement en France, compte tenu de la taille et de la complexité de l'organisation de Carrefour et de la force des syndicats dans le pays", prévient Barclays. D'autant que "l'amélioration de la perception du positionnement tarifaire nécessitera un investissement dans les prix, qui pourrait peser sur la rentabilité à court terme", souligne la banque britannique.

La deuxième et dernière phase de la transformation de Carrefour en France risque donc de lui coûter quelques points de marge et du temps. Même si le distributeur a soigné son casting, les investisseurs pourraient perdre définitivement patience en cas d'anicroche et vendre un titre déjà sous pression, ayant perdu 22% en un an. L'an passé, les activités françaises comptaient pour 48,1% du chiffre d'affaires total du Carrefour, mais pour à peine 25,9% de son résultat opérationnel courant.

-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH

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July 15, 2020 03:10 ET (07:10 GMT)

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