François Schott,



Agefi-Dow Jones





Paris (Agefi-Dow Jones)--En proposant de racheter le fournisseur alternatif d'électricité Direct Energie (DIREN.FR) pour 1,4 milliard d'euros, Total (FP.FR) paie le prix fort pour assouvir ses ambitions sur le marché français de la distribution de gaz et d'électricité et diversifier son modèle économique.



Le prix de 42 euros par action offert par le géant pétrolier fait ressortir une prime de 30% par rapport au dernier cours coté de Direct Energie, et de 13% sur la moyenne des six derniers mois pondérée par les volumes. Le fournisseur alternatif se retrouve valorisé à environ 12,5 fois son résultat brut d'exploitation (Ebitda) prévisionnel 2018. "C'est un peu cher si l'on considère que les valorisations dans le secteur européen des utilities se situent entre 5 et 10 fois", souligne Biraj Borkhataria, analyste de RBC Capital Markets. "L'intérêt du deal réside dans la base de clientèle de Direct Energie et dans sa forte croissance", ajoute-t-il.



Avec une base de clientèle de 2,6 millions de foyers, en croissance de 24% en 2017, Direct Energie est le seul acteur indépendant à avoir la taille critique sur un marché encore largement dominé par les opérateurs historiques EDF et Engie. Le groupe a bénéficié du cadre réglementaire mis en place en 2011 et du rachat de son principal concurrent Poweo l'année suivante pour accélérer sa croissance et devenir enfin rentable. Mais l'arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché depuis un an - et pas des moindres, à l'exemple d'ENI, Total, ou encore C-discount, filiale de Casino - a suscité quelques interrogations de la part des investisseurs, et poussé Direct Energie à faire évoluer son modèle. De simple fournisseur d'électricité, le groupe est également devenu producteur, en rachetant deux centrales à gaz ainsi que le producteur d'énergies renouvelables Quadran.



En s'alliant à Total, le groupe se donne les moyens de poursuivre cette stratégie et de mener à bien ses nombreux projets dans les énergies renouvelables. Par ailleurs l'offre apparaît comme une très bonne opportunité pour les actionnaires de Direct Energie, après un très beau parcours boursier au cours des dernières années. Les principaux actionnaires de la société - Jacques Veyrat, Stéphane Courbit, Jean-Paul Bize, ainsi que son fondateur Xavier Caïtucoli - ont d'ores et déjà conclu un accord avec Total afin de céder leurs parts, représentant 74% du capital. Le pétrolier lancera ensuite une offre publique obligatoire sur les titres restant en circulation. L'opération ne devrait pas rencontrer d'obstacle du côté des autorités de la concurrence, étant donné la faible part de marché du futur ensemble autour de 12%, et devrait être bouclée comme prévu au troisième trimestre 2018.



Même s'il paie un peu cher sa cible, Total ne réalise pas un achat inconsidéré. Après s'être renforcé dans les activités pétrolières avec le rachat de Maersk Oil pour 7,5 milliards de dollars, le pétrolier entend se diversifier "sur l'ensemble de la chaîne de valeur du gaz - électricité", et développer les énergies renouvelables. L'acquisition de Direct Energie répond à ces deux objectifs. "Ce rapprochement permettra à Total d'accélérer sa pénétration du marché de l'électricité et du gaz en acquérant un parc clients déjà établi et en bénéficiant directement du savoir-faire historique de Direct Energie en matière de gestion de la clientèle", souligne Pierre Vaurice, chez Midcap Partners. Les objectifs commerciaux fixés par le groupe, à savoir atteindre 6 millions de clients en gaz/électricité en France d'ici 2022, contre 4 millions aujourd'hui (avec Direct Energie) semblent réalisables, sur un marché certes plus concurrentiel, mais où il dispose d'une force de frappe commerciale et d'une marque reconnue.



"Le groupe se met également au diapason de la société et de la pression croissante des investisseurs en faveur de la transition énergétique", souligne Biraj Bokhataria.



Alors qu'il a réduit ses coûts de production dans son coeur de métier grâce à un programme d'économies de 5 milliards de dollars sur la période 2014-2020, Total doit réinvestir une partie de ces ressources dans de nouvelles activités. Ce rachat lui en donne l'opportunité, sans dégrader sa rentabilité.



-François Schott, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 92; fschott@agefi.fr ed: ECH



Agefi-Dow Jones The financial newswire



(END) Dow Jones Newswires



April 18, 2018 12:22 ET (16:22 GMT)




Copyright (c) 2018 L'AGEFI SA