Le potentiel de Rémy Cointreau devient moins grisant pour le marché - DJ Plus
28 Novembre 2019 - 04:59PM
Dow Jones News
François Schott,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les années se suivent et ne se ressemblent
pas pour Rémy Cointreau. Après un cru "record" en 2018-2019,
l'exercice 2019-2020 s'annonce beaucoup moins festif.
Au cours du premier semestre, clos fin septembre, les ventes se
sont repliées de 3,6% à taux de change et périmètre constants,
alors qu'elles avaient progressé de 7,8% sur l'ensemble de
l'exercice écoulé. Le résultat opérationnel s'est quant à lui
contracté de 4,7% contre une croissance organique de 14,2% au cours
des douze mois précédents.
Plusieurs facteurs expliquent ce coup de frein. L'arrêt par le
groupe des contrats de distribution de marques partenaires pèsera à
hauteur de 56 millions d'euros sur le chiffre d'affaires
annuel.
Rémy Cointreau a surtout souffert au premier semestre de la
prudence des distributeurs américains face aux tensions
commerciales et de la crise politique à Hong Kong, qui ont pesé sur
ses ventes de cognac.
La situation à Hong Kong reste "très mauvaise", même si l'activité
de l'aéroport - liée aux passagers en transit - compense en partie
la chute du tourisme dans le territoire semi-autonome chinois, a
indiqué Valérie Chapoulaud-Floquet, la directrice générale de Rémy
Cointreau, jeudi lors d'une conférence téléphonique avec des
analystes.
Rémy Cointreau peut aussi compter sur une forte demande en Chine
continentale où il anticipe une croissance à deux chiffres de ses
ventes en 2019-2020. La directrice générale s'est également dite
"très confiante" quant à une accélération de l'activité au second
semestre aux Etats-Unis.
Ces commentaires n'ont pas suffi à rassurer les investisseurs, et
le titre perdait 2,8% jeudi après-midi.
Les analystes affichent leur scepticisme
Les résultats du premier semestre sont inférieurs aux attentes, qui
avaient pourtant été abaissées, et les perspectives pour l'ensemble
de l'exercice sont faibles, tranchent les analystes de Citi.
Rémy Cointreau table sur un résultat opérationnel courant stable en
2019-2020, alors que d'autres groupes de spiritueux plus
diversifiés affichent des perspectives plus flatteuses à court
terme. Pernod Ricard, propriétaire du whisky Jameson, de la vodka
Absolut et du cognac Martell vise une croissance interne de son
résultat opérationnel courant comprise entre 5% et 7% pour
l'exercice en cours, tout comme le britannique Diageo, numéro un
mondial du secteur.
Pour les analystes d'Oddo BHF, la mauvaise surprise provient
essentiellement des frais de holding bien supérieurs aux attentes
au premier semestre, à 9 millions d'euros contre 5 millions
attendus par le consensus. Rémy Cointreau doit en outre consentir
d'importants investissements en marketing afin de soutenir sa
stratégie de montée en gamme. Ces frais ont absorbé l'essentiel de
la progression de la marge brute au premier semestre (+4%), note
pour sa part Invest Securities.
La déception doit être relativisée. Au cours des dernières années,
Rémy Cointreau a parfaitement su capter l'engouement des
consommateurs chinois et américains pour les eaux-de-vie haut de
gamme, grâce à ses marques Rémi Martin et Louis XIII, aujourd'hui
très appréciées parmi les clients les plus fortunés. Les
investissements qu'il réalise aujourd'hui devraient encore
renforcer ses positions sur ce segment, qui croît deux fois plus
vite que le reste du marché des spiritueux.
Un potentiel restreint malgré une récente baisse
A court terme, le potentiel boursier semble toutefois limité.
Malgré une chute d'environ 18% depuis son sommet historique atteint
au début septembre, le titre s'échange encore à 30 fois les
bénéfices attendus pour 2020, ce qui représente une prime de 36%
sur le secteur européen des biens de consommation courante, note
UBS.
Pour la banque, cette prime se justifie par les perspectives de
croissance supérieures du groupe à moyen terme et par son
positionnement "unique" sur les marchés américain et chinois.
Mais cette exposition rend également le groupe plus vulnérable au
moindre coup de frein sur ces marchés. Alors qu'il a été largement
épargné par les surtaxes douanières américaines sur les produits
européens -- seule sa marque de whisky écossais Bruichladdich est
concernée -- Rémy Cointreau n'est pas à l'abri d'un revirement sur
le front commercial. "Les Etats-Unis ont adopté un système de
'carrousel' avec une revue des taxes à l'importation tous les six
mois, nous restons donc vigilants", souligne une porte-parole du
groupe.
La hausse des positions "short" sur le titre Rémy Cointreau depuis
le début de l'année illustre ces incertitudes. Au 26 novembre,
8,17% du capital du groupe était prêté pour des ventes à découvert,
selon les données du cabinet IHS Markit, contre environ 4% le 1er
janvier.
Les résultats publiés ce jeudi risquent de renforcer les
sceptiques.
-François Schott, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 92;
fschott@agefi.fr ed: ECH
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