Andrew Bary,



Barron's





NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Le Canadien Greg Abel, qui est appelé à succéder au milliardaire américain Warren Buffett au poste de directeur général de Berkshire Hathaway, est un dirigeant discret, à l'origine du grand virage du conglomérat vers les énergies renouvelables.



Greg Abel, 58 ans, a été directeur général de Berkshire Hathaway Energy, une entreprise diversifiée de services aux collectivités, de 2008 à 2018, date à laquelle il est devenu vice-président de Berkshire Hathaway en charge des activités hors assurances. Il est toujours président de la branche de services aux collectivités.



Warren Buffett a fait l'éloge de Greg Abel lors de l'assemblée générale (AG) de Berkshire samedi, déclarant qu'il "accomplit un bien meilleur travail que je ne faisais auparavant".



A l'occasion d'une discussion sur la culture d'entreprise pendant l'AG, Charlie Munger, vice-président de Berkshire et associé de longue date de Warren Buffett, a déclaré que "Greg conservera[it] la culture de l'entreprise". Warren Buffett a ensuite indiqué à la chaîne d'informations financières CNBC que les administrateurs de Berkshire avaient convenu "que si quelque chose devait m'arriver ce soir, ce serait Greg qui prendrait la relève demain matin".



Greg Abel était depuis longtemps considéré comme un successeur potentiel de Warren Buffett, mais le groupe n'avait jamais confirmé cette information. Il ne l'aurait peut-être toujours pas fait sans la remarque de Charlie Munger.



Faible participation au capital de Berkshire



Greg Abel possède une participation d'environ 1% dans Berkshire Hathaway Energy qui vaut probablement plus de 500 millions de dollars, compte tenu de la taille et de la rentabilité de l'entreprise. En tant que vice-président de Berkshire Hathaway, il a également touché 19 millions de dollars en 2019 et 2020 et 18 millions de dollars en 2018, selon des documents publiés par Berkshire.



Néanmoins, sa participation au capital du conglomérat est relativement modeste, puisqu'elle vaut moins de 3 millions de dollars. Les dirigeants de Berkshire ne perçoivent pas de rémunération en actions. Compte tenu de la culture de Berkshire en matière d'actionnariat des dirigeants, Greg Abel pourrait subir des pressions pour augmenter sa participation s'il devient directeur général.



Warren Buffett détient une participation de 16% dans Berkshire, d'une valeur d'environ 100 milliards de dollars, et dit régulièrement aux actionnaires que s'il commet des erreurs, il en ressent le poids financier, tout comme eux.



Berkshire Hathaway Energy possède un ensemble de services aux collectivités aux Etats-Unis, notamment dans l'Iowa et sur la côte ouest. L'entreprise contrôle également des activités au Royaume-Uni et plusieurs gazoducs aux Etats-Unis. Si elle était une société cotée indépendante, elle vaudrait probablement nettement plus de 50 milliards de dollars, si l'on se base sur son bénéfice net de 3,4 milliards de dollars l'année dernière.



Berkshire Hathaway Energy, un "joyau" pour Warren Buffett



Warren Buffett a qualifié Berkshire Hathaway Energy de "joyau" du conglomérat. Le bénéfice annuel de la société s'établissait à 122 millions de dollars seulement voilà 21 ans, lorsque Berkshire en est devenu propriétaire. Berkshire Hathaway Energy dispose d'importants moyens pour réaliser des investissements car, contrairement aux sociétés cotées de son secteur qui distribuent souvent la moitié de leurs bénéfices à leurs actionnaires, elle ne verse aucun dividende à Berkshire Hathaway.



Berkshire Hathaway Energy est ainsi devenue l'un des plus importants propriétaires d'énergies renbouvelables, avec un portefeuille de capacités de production d'électricité éolienne et solaire de près de 12.000 mégawatts à la fin 2020. L'entreprise se classe au cinquième rang mondial pour les énergies renouvelables et au deuxième rang aux Etats-Unis, derrière NextEra Energy (NEE), selon Bloomberg New Energy Finance. Elle est essentiellement active dans l'éolien, avec des capacités de plus de 10.000 mégawatts.



"Nous sommes tout à fait confiants dans la future direction de l'entreprise. [Greg] Abel a prouvé qu'il était un dirigeant efficace", commente James Shanahan, analyste chez Edward Jones. "La force d'Abel est celle d'un directeur général au sens traditionnel du terme et il pourrait être en mesure de fixer des objectifs aux activités opérationnelles de Berkshire et de les responsabiliser", ajoute-t-il.



Warren Buffett est connu pour son absence d'implication dans les divisions opérationnelles de Berkshire. Si cette décentralisation a été bénéfique dans certains domaines, elle a sans doute aussi nui à Berkshire dont la branche d'assurance automobile Geico a perdu du terrain face à sa rivale Progressive ces dernières années.



Ajit Jain, l'autre vice-président de Berkhire Hathaway, qui dirige les activités d'assurances, a évoqué la situation de Geico lors de l'AG samedi, en indiquant que l'assureur avait pris du retard sur Progressive en matière de télématique, soit l'utilisation d'informations en temps réel sur la conduite pour établir le prix des polices d'assurance. Cette situation a conféré un avantage à Progressive.



Warren Buffett est actuellement responsable des divisions opérationnelles de Berkshire, ainsi que de son énorme portefeuille d'investissements.



Les mains dans le cambouis, un oeil sur l'investissement



James Shanahan estime que dans l'ère post-Buffett, Greg Abel se concentrera sur les activités opérationnelles et confiera les investissements à d'autres responsables. Todd Combs et Ted Weschler, qui gèrent actuellement environ 10% du portefeuille d'actions de Berkshire, d'une valeur de 300 milliards de dollars, sont susceptibles d'occuper des postes clés dans ce domaine. Warren Buffett a écrit qu'il attendait de son successeur au poste de directeur général qu'il collabore avec le responsable des investissements dans le domaine des acquisitions. Berkshire n'a pas nommé de responsable des investissements susceptible de lui succéder.



"Au cours de l'assemblée annuelle de samedi, je pense qu'Abel était bien préparé pour aborder la proposition d'actionnaires relative au climat", estime James Shanahan.



Une proposition présentée devant l'assemblée générale demandait à Berkshire de fournir davantage d'informations sur son exposition au changement climatique. Berkshire a recommandé aux actionnaires de la rejeter, ce qu'ils ont fait, notant que Berkshire Hathaway Energy fournissait déjà de nombreuses informations sur ses initiatives en matière de climat et de carbone.



30 milliards de dollars dédiés aux énergies renouvelables



"Regardez nos investissements jusqu'à la fin de 2020, nous avons consacré 30 milliards de dollars, voire plus de 30 milliards de dollars, aux énergies renouvelables et nous avons vraiment complètement changé la façon dont nos entreprises exercent leurs activités, j'entends par là nos entreprises de services aux collectivités ("utilities")", a déclaré Greg Abel. "Elles se sont décarbonées tout en fournissant un produit de grande valeur à nos parties prenantes et à nos clients", a déclaré le responsable.



Le dirigeant a ajouté que Berkshire Hathaway Energy s'était engagé à consacrer 18 milliards de dollars à l'amélioration du réseau de transmission électrique sur la côte ouest des Etats-Unis, 5 milliards ayant déjà été dépensés. Cette initiative permettra de connecter au réseau des installations de production d'énergie renouvelable souvent très éloignées, ce qui améliorera leur fiabilité.



Berkshire Hathaway Energy dispose encore d'une importante unité de production au charbon d'environ 8.200 mégawatts, soit environ un quart de sa propre capacité électrique.



Lors de l'AG, Greg Abel a évoqué la stratégie de décarbonation de l'entreprise, soulignant que 16 centrales au charbon avaient été fermées à ce jour. "Entre 2021 et 2030, 16 unités supplémentaires seront fermées. Puis, d'ici à la fin de 2049, les 14 unités restantes le seront à leur tour. A cette échéance, toutes nos installations au charbon seront fermées", a souligné Greg Abel.



Comme d'autres dirigeants de Berkshire, Greg Abel se fait discret et accorde rarement d'entretiens aux médias.



Un actionnaire de Berkshire a confié à Barron's avoir rencontré Greg Abel lors d'une assemblée générale de Berkshire voici quelques années et avoir discuté avec lui pendant une dizaine de minutes. A l'époque, Greg Abel était pratiquement inconnu. Une situation qui devrait changer à mesure que les investisseurs accordent davantage d'attention à l'homme en passe de succéder au légendaire Warren Buffett.





-Andrew Bary, Barron's



(Version française Valérie Venck et Eric Chalmet) ed: ECH - VLV



Barron's est l'hebdomadaire de référence financier et patrimonial du groupe Dow Jones.



Agefi-Dow Jones The financial newswire



(END) Dow Jones Newswires



May 04, 2021 06:05 ET (10:05 GMT)




Copyright (c) 2021 Dow Jones & Company, Inc.