Le prometteur patron d'Air France-KLM devra s'attaquer au plus dur en 2019 - DJ Plus
15 Janvier 2019 - 4:30PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Joon aura à peine eu le temps de souffler
sa première et dernière bougie. Air France-KLM a annoncé jeudi
dernier son projet d'arrêt de cette compagnie, lancée en décembre
2017. Par cette nouvelle décision forte, le nouveau directeur
général, Ben Smith, marque un peu plus son empreinte. Mais les
travaux les plus difficiles restent à accomplir pour le dirigeant,
qui sera attendu au tournant sur ses grandes orientations
stratégiques cette année.
Les quatre premiers mois du nouveau pilote d'Air France-KLM
s'avèrent encourageants. L'accord intercatégoriel sur les hausses
de salaires noué chez Air France en octobre a constitué une
première étape franchie rapidement et "avec brio" par Ben Smith,
juge Oddo BHF. La mort annoncée de Joon, qui sera absorbée par Air
France d'ici à juin ou juillet après consultation des représentants
des salariés, lui permet de cocher une autre bonne case. "La marque
a dès le début été difficilement comprise par les clients, par les
salariés, par les marchés, par les investisseurs", a reconnu Air
France en annonçant la fin de Joon. "Le transfert des activités de
Joon vers les activités d'Air France me paraît, au premier abord,
une bonne chose", juge Laura Parisot, analyste du bureau d'études
indépendant AlphaValue, mettant en avant la "cohérence de
marque".
Cap vers le premium
Ben Smith n'en est toutefois qu'aux prémices. "C'est une
transformation de fond et tous les dossiers sont imbriqués. Tout
est encore à faire et le chemin va être très long", souligne
Grégoire Laverne, directeur général adjoint de Roche Brune Asset
Management, qui ne détient pas d'actions du groupe aérien.
Pour l'heure "Ti Ben" - le surnom du dirigeant canadien - n'a pas
donné d'indications sur une quelconque date pour présenter sa
stratégie. HSBC table sur l'été prochain, mais Ben Smith semble
plutôt procéder par petites touches.
Le dirigeant a évoqué la semaine dernière ses projets pour Air
France, dans un courriel envoyé aux employés de la compagnie et que
l'Agefi-Dow Jones a pu consulter. Le directeur général a expliqué
vouloir dès l'été 2019 mieux positionner l'offre sur le voyage
"haute contribution". "Les clients 'Premium' sont les plus
convoités par l'ensemble des compagnies (...) nous choisissons de
nous recentrer sur ce segment de clientèle", développait-il.
Des annonces sont aussi attendues sur Transavia. Les analystes de
Bernstein soulignent que la compagnie low cost d'Air France-KLM
jouit d'une compétitivité enviable en matière de coûts unitaires
mais souhaiteraient que "l'articulation entre Transavia France,
Transavia Pays-Bas et le groupe" soit clarifiée. Laura Parisot,
d'AlphaValue, anticipe un renforcement des activités de la
compagnie à bas coûts via une augmentation de ses capacités, alors
que Transavia doit déjà porter sa flotte à 40 avions d'ici à 2020
contre 34 à l'heure actuelle. Sollicité pour savoir si de telles
mesures étaient à l'ordre du jour, Air France-KLM n'a pas fait de
commentaire.
L'ambiance se détend au SNPL
La question de la base de coûts d'Air France-KLM reviendra
probablement aussi sur la table. Selon Mainfirst, les coûts
unitaires hors carburants sont environ 10% à 20% plus élevés chez
Air France-KLM que chez Lufthansa et environ 30% plus élevé que
chez IAG en base comparable. En prenant à bras le corps ce sujet
épineux, Ben Smith risque de buter sur la même impasse sociale que
ses prédécesseurs. Mais le directeur général a pour atout d'avoir
su relancer le dialogue social. Après l'accord intercatégoriel
d'octobre, le directeur général en a paraphé deux autres avec les
Personnels navigants commerciaux (PNC) et le personnel au sol d'Air
France. Le prochain, avec les pilotes, est en cours de négociation
et avance bien, selon nos informations.
Par ailleurs, les interlocuteurs de Ben Smith ont changé au sein du
SNPL, le puissant syndicat de pilotes, depuis début décembre.
Philippe Evain, réputé défendre une ligne dure, a été désavoué lors
d'élection internes, remplacé par Guillaume Gestas. Or, le nouveau
président du SNPL a battu campagne sur "une autre manière de faire
du syndicalisme" que son prédécesseur, rappelle Guillaume Pollard,
président du syndicat Alter. De bon augure, alors que Bernstein
juge que donner au marché "l'assurance qu'Air France-KLM est
capable de réduire ses coûts sur une période prolongée
contribuerait à améliorer le sentiment des investisseurs de long
terme sur l'action".
Des liens à renforcer avec KLM
Un autre défi majeur pour Ben Smith sera de resserrer les liens et
l'organisation entre Air France et KLM où des progrès peuvent
encore être accomplis. "Les résultats sont encore aujourd'hui très
largement poussés par KLM, qui a contribué à hauteur de 74% au
résultat opérationnel du groupe sur les 9 premiers mois de 2018. Le
fossé s'est évidemment creusé durant l'année 2018, où Air France a
connu de nombreuses perturbations, mais celui-ci est bien réel",
explique Laura Parisot d'AlphaValue. "Il serait donc important
d'aborder le problème de synergies entre les deux compagnies",
poursuit l'analyste.
Dans les prochains mois, le cours de Bourse d'Air France-KLM
devrait évoluer au gré des annonces et de "Ti Ben". Comme souvent
avec le groupe aérien, le pari reste risqué pour les investisseurs.
Mais en envoyant de bon signaux, Ben Smith pourrait bien faire
décoller une valeur qui a perdu 30% en un an. "Il y a une reprise à
jouer", considère Grégoire Laverne de Roche Brune Asset Management.
Les premiers pas de "Ti Ben" plaident en tout cas pour que les
investisseurs lui accordent leur confiance.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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