Julien Marion,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'Italie revient hanter les investisseurs, sous la forme d'une coalition gouvernementale anti-système et eurosceptique qui se précise un peu plus chaque jour. Signe d'un regain de tension, les taux de la dette italienne à 10 ans remontent et ont désormais franchi la barre de 2%, pour atteindre 2,41% contre 1,80% voilà un mois. Pour l'heure, les craintes ne se sont pas propagées aux banques françaises, pourtant fortement exposées à l'Italie, les risques pour elles apparaissant limités à court terme et moins importants que par le passé.



BNP Paribas, qui possède la sixième banque du pays en termes de bilan, Banca Nazionale del Lavoro, Société Générale, Crédit Agricole SA et BPCE, maison-mère de Natixis, sont exposées à hauteur de 36,12 milliards d'euros à la dette souveraine italienne, selon les données de l'Autorité bancaire européenne (EBA) arrêtées en juin 2017 et compilées par Eric Dor, directeur des études économiques de l'Iéseg.



L'exposition des banques françaises à l'ensemble de l'économie italienne s'élevait l'an dernier à 273 milliards d'euros, là encore d'après des statistiques de l'EBA communiquées par Axiom Alternative Investments. "Il s'agit du troisième pays auquel le système bancaire français est le plus exposé, après la France et les Etats-Unis", explique Gildas Surry, analyste et gérant chez Axiom AI.



BNP Paribas indique dans son document de référence posséder une exposition totale à l'économie italienne de 144,6 milliards d'euros à fin 2017, soit environ 10% de l'ensemble de ses risques. Crédit Agricole fait état d'une exposition de 97,5 milliards d'euros, l'économie italienne pesant pour un peu plus de 8% du total de ses risques de crédit et de contrepartie. Les expositions de Société Générale (19,6 milliards d'euros) et Natixis (5,25 milliards d'euros) demeurent pour leur part plus modestes.



Des reins plus solides



Le scénario catastrophe existe. Si la coalition eurosceptique met en oeuvre toutes les mesures de son programme, "les baisses des recettes couplées aux hausses des dépenses représenteraient un effort de 6% du produit intérieur brut (PIB) attendu pour 2019, largement au-dessus des marges de manoeuvre de l'Italie", souligne Eric Dor. S'ensuivrait le même schéma que pour la Grèce : crise de solvabilité de l'Etat italien, détérioration par ricochet du système bancaire italien et restructuration de la dette souveraine. Avec à la clef de lourdes pertes pour les banques françaises sur leurs engagements. D'autant que "le système bancaire italien est dix fois plus systémique que celui de la Grèce", rappelle Andréa Tuéni, analyste chez Saxo Banque.



Ce scénario demeure toutefois peu probable. "C'est un scénario qu'il faut pondérer dans les analyses de stress mais pour le moment cette pondération reste faible", souligne Gildas Surry. Les banques françaises ont aussi les reins plus solides que par le passé pour faire face à une éventuelle crise. "Les banques françaises ont presque une fois et demi plus de capital qu'en 2011. Leur ratio de solvabilité CET1 se situait en 2017 autour de 14%, contre à peine 10% il y a six ans. Et au-delà de la quantité, la qualité du capital s'est améliorée et leurs modèles d'activité se sont diversifiés. Aujourd'hui, les banques sont davantage capables d'absorber un choc dans une région comme l'Italie qu'elles ne l'étaient il y a cinq ou six ans", développe Gildas Surry.



La complaisance des marchés



Le système bancaire italien a par ailleurs enclenché une phase d'assainissement qui commence à porter ses fruits. Comme le notait une récente étude de la Banque d'Italie, d'ici à la mi-2018, le montant net des créances douteuses en Italie devrait passer sous la barre des 140 milliards d'euros, soit un tiers de moins que le pic atteint en 2015. En outre, "il y a eu un allègement de la part des banques françaises sur ces créances douteuses. Elles y sont moins exposées qu'il y a quelques années et donc un peu plus protégées", explique Andréa Tuéni.



Les banques françaises ont aussi limité les risques aux meilleures signatures. BNP Paribas, par exemple, a lancé il y a trois ans un repositionnement qui l'a amenée à se concentrer sur une clientèle plus qualitative, se tournant davantage vers des sociétés exportatrices et moins vers des clientèles plus locales. "Une banque comme BNP Paribas s'est toujours concentrée sur des emprunteurs au profil de risque faible, avec une forte sélectivité des dossiers, privilégiant par exemple en Italie les prêts automobiles", abonde Gildas Surry. Crédit Agricole se situe sur un créneau similaire, avec beaucoup de grands groupes et de PME de taille importante pour clients, et peu de petites entreprises.



Sur les marchés, les cours des banques françaises ont jusqu'à présent fait preuve de résilience. "Le marché fait preuve d'une certaine complaisance", relève Andréa Tuéni. Les investisseurs se sont habitués au risque politique italien, alors que rien n'indique pour le moment que la coalition anti-système arrivera à mettre en œuvre son inquiétant programme. D"autant que les gouvernements en Italie ne durent jamais bien longtemps. Les économistes de Natixis Wealth Management relèvent ainsi que l'instabilité politique reste "un sport national" en Italie, 37 gouvernements s'étant succédés depuis 1972, dont six seulement ont survécu plus d'un an et demi.



Tant mieux pour les banques françaises. Depuis le début de l'année, Natixis mise à part, elles se trouvent toutes à la traîne du CAC 40, avec des reculs compris entre 0,5% et 5%, quand l'indice parisien a gagné 5%. Les établissements tricolores se passeraient donc volontiers d'un retour du risque souverain italien.



-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: VLV



Agefi-Dow Jones The financial newswire



(END) Dow Jones Newswires



May 23, 2018 09:39 ET (13:39 GMT)




Copyright (c) 2018 L'AGEFI SA
Credit Agricole (EU:ACA)
Graphique Historique de l'Action
De Mar 2024 à Avr 2024 Plus de graphiques de la Bourse Credit Agricole
Credit Agricole (EU:ACA)
Graphique Historique de l'Action
De Avr 2023 à Avr 2024 Plus de graphiques de la Bourse Credit Agricole