Le risque italien apparaît gérable pour les banques françaises - DJ Plus
23 Mai 2018 - 3:59PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'Italie revient hanter les investisseurs,
sous la forme d'une coalition gouvernementale anti-système et
eurosceptique qui se précise un peu plus chaque jour. Signe d'un
regain de tension, les taux de la dette italienne à 10 ans
remontent et ont désormais franchi la barre de 2%, pour atteindre
2,41% contre 1,80% voilà un mois. Pour l'heure, les craintes ne se
sont pas propagées aux banques françaises, pourtant fortement
exposées à l'Italie, les risques pour elles apparaissant limités à
court terme et moins importants que par le passé.
BNP Paribas, qui possède la sixième banque du pays en termes de
bilan, Banca Nazionale del Lavoro, Société Générale, Crédit
Agricole SA et BPCE, maison-mère de Natixis, sont exposées à
hauteur de 36,12 milliards d'euros à la dette souveraine italienne,
selon les données de l'Autorité bancaire européenne (EBA) arrêtées
en juin 2017 et compilées par Eric Dor, directeur des études
économiques de l'Iéseg.
L'exposition des banques françaises à l'ensemble de l'économie
italienne s'élevait l'an dernier à 273 milliards d'euros, là encore
d'après des statistiques de l'EBA communiquées par Axiom
Alternative Investments. "Il s'agit du troisième pays auquel le
système bancaire français est le plus exposé, après la France et
les Etats-Unis", explique Gildas Surry, analyste et gérant chez
Axiom AI.
BNP Paribas indique dans son document de référence posséder une
exposition totale à l'économie italienne de 144,6 milliards d'euros
à fin 2017, soit environ 10% de l'ensemble de ses risques. Crédit
Agricole fait état d'une exposition de 97,5 milliards d'euros,
l'économie italienne pesant pour un peu plus de 8% du total de ses
risques de crédit et de contrepartie. Les expositions de Société
Générale (19,6 milliards d'euros) et Natixis (5,25 milliards
d'euros) demeurent pour leur part plus modestes.
Des reins plus solides
Le scénario catastrophe existe. Si la coalition eurosceptique met
en oeuvre toutes les mesures de son programme, "les baisses des
recettes couplées aux hausses des dépenses représenteraient un
effort de 6% du produit intérieur brut (PIB) attendu pour 2019,
largement au-dessus des marges de manoeuvre de l'Italie", souligne
Eric Dor. S'ensuivrait le même schéma que pour la Grèce : crise de
solvabilité de l'Etat italien, détérioration par ricochet du
système bancaire italien et restructuration de la dette souveraine.
Avec à la clef de lourdes pertes pour les banques françaises sur
leurs engagements. D'autant que "le système bancaire italien est
dix fois plus systémique que celui de la Grèce", rappelle Andréa
Tuéni, analyste chez Saxo Banque.
Ce scénario demeure toutefois peu probable. "C'est un scénario
qu'il faut pondérer dans les analyses de stress mais pour le moment
cette pondération reste faible", souligne Gildas Surry. Les banques
françaises ont aussi les reins plus solides que par le passé pour
faire face à une éventuelle crise. "Les banques françaises ont
presque une fois et demi plus de capital qu'en 2011. Leur ratio de
solvabilité CET1 se situait en 2017 autour de 14%, contre à peine
10% il y a six ans. Et au-delà de la quantité, la qualité du
capital s'est améliorée et leurs modèles d'activité se sont
diversifiés. Aujourd'hui, les banques sont davantage capables
d'absorber un choc dans une région comme l'Italie qu'elles ne
l'étaient il y a cinq ou six ans", développe Gildas Surry.
La complaisance des marchés
Le système bancaire italien a par ailleurs enclenché une phase
d'assainissement qui commence à porter ses fruits. Comme le notait
une récente étude de la Banque d'Italie, d'ici à la mi-2018, le
montant net des créances douteuses en Italie devrait passer sous la
barre des 140 milliards d'euros, soit un tiers de moins que le pic
atteint en 2015. En outre, "il y a eu un allègement de la part des
banques françaises sur ces créances douteuses. Elles y sont moins
exposées qu'il y a quelques années et donc un peu plus protégées",
explique Andréa Tuéni.
Les banques françaises ont aussi limité les risques aux meilleures
signatures. BNP Paribas, par exemple, a lancé il y a trois ans un
repositionnement qui l'a amenée à se concentrer sur une clientèle
plus qualitative, se tournant davantage vers des sociétés
exportatrices et moins vers des clientèles plus locales. "Une
banque comme BNP Paribas s'est toujours concentrée sur des
emprunteurs au profil de risque faible, avec une forte sélectivité
des dossiers, privilégiant par exemple en Italie les prêts
automobiles", abonde Gildas Surry. Crédit Agricole se situe sur un
créneau similaire, avec beaucoup de grands groupes et de PME de
taille importante pour clients, et peu de petites entreprises.
Sur les marchés, les cours des banques françaises ont jusqu'à
présent fait preuve de résilience. "Le marché fait preuve d'une
certaine complaisance", relève Andréa Tuéni. Les investisseurs se
sont habitués au risque politique italien, alors que rien n'indique
pour le moment que la coalition anti-système arrivera à mettre en
œuvre son inquiétant programme. D"autant que les gouvernements en
Italie ne durent jamais bien longtemps. Les économistes de Natixis
Wealth Management relèvent ainsi que l'instabilité politique reste
"un sport national" en Italie, 37 gouvernements s'étant succédés
depuis 1972, dont six seulement ont survécu plus d'un an et
demi.
Tant mieux pour les banques françaises. Depuis le début de l'année,
Natixis mise à part, elles se trouvent toutes à la traîne du CAC
40, avec des reculs compris entre 0,5% et 5%, quand l'indice
parisien a gagné 5%. Les établissements tricolores se passeraient
donc volontiers d'un retour du risque souverain italien.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: VLV
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