Le secteur du luxe, victime collatérale de la désertion des aéroports - DJ Plus
16 Avril 2020 - 12:36PM
Dow Jones News
Carol Ryan,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Combien de temps faudra-t-il aux
spécialistes des biens de consommation pour se remettre des
fermetures de magasins actuelles? Si la réponse n'est guère
évidente, la reprise tardera davantage pour les groupes dont les
ventes sont fortement exposées à l'activité des aéroports.
La pandémie mondiale de Covid-19 causera une chute du trafic aérien
passagers de 38% cette année, selon les prévisions du Conseil
international des aéroports. En plus de plomber les compagnies
aériennes, cet effondrement du trafic pénalise le vaste écosystème
commercial que les voyageurs rencontrent dans les aéroports.
Si de nombreuses chaînes de Duty Free comme DFS Group ou Dubai Duty
Free ne sont pas cotées, une poignée d'entreprises du secteur ont
vu leur action chuter presque autant que les titres des compagnies
aériennes. Le groupe Suisse Dufry abandonne 74% depuis le début de
l'année. Lagardère, qui tire plus de la moitié de ses revenus de sa
division Travel retail, soit le commerce dans les gares et les
aéroports, perd 21%. Le groupe britannique WH Smith, qui exploite
des centaines d'épiceries dans les aéroports du monde entier, voit
sa capitalisation boursière fondre de près de 60%.
Des perspectives de croissance jusque-là prometteuses
Mais les détaillants ne sont pas les seuls groupes affectés par
ricochet par la chute du trafic aérien. Les marques de luxe et de
spiritueux dépendent aussi des achats réalisés dans les galeries
commerciales des aéroports. Entre 2005 et 2018, ces ventes ont
augmenté en moyenne de 8%, selon l'institut de recherche suédois
Generation Research, soit plus du double de la croissance du
commerce de détail non alimentaire estimée par le cabinet
Euromonitor. Les entreprises se sont ruées dans les aéroports pour
pouvoir capter ne serait-ce qu'une infirme partie de cette
croissance.
Les boutiques dans les aéroports du britannique Watches of
Switzerland comptent pour environ 11% de son chiffre d'affaires.
L'Oréal, qui publie jeudi soir ses ventes du premier trimestre,
tire presque un dixième de ses revenus du "Travel retail". Louis
Vuitton, détenue comme DFS par LVMH, qui livre également jeudi soir
ses revenus du premier trimestre, Chanel, Hermès et Cartier,
propriété de Richemont, font partie des nombreuses marques de
créateurs qui exploitent leurs propres boutiques dans les espaces
aéroportuaires. En 2019, environ 6% des ventes mondiales dans le
secteur du luxe ont été effectuées dans les aéroports, selon le
cabinet américain Bain.
Les groupes de spiritueux comme Diageo, Rémy Cointreau et Pernord
Ricard constituent d'important fournisseurs des magasins Duty Free
et réalisent 5% à 10% de leurs ventes dans les zones de transit des
aéroports, estime la banque Citi. Le spécialiste des lunettes de
soleil EssilorLuxottica et le chocolatier de luxe Lindt &
Sprüngli ont également tiré profit de l'expansion du trafic aérien
mondial et se trouvent désormais exposés à sa chute.
Vers une lente reprise du trafic aérien
Les spécialistes du Travel Retail et leurs principaux fournisseurs
pourraient être confrontés à de faibles ventes dans les aéroports
bien après la fin des mesures de distanciation sociale et le retour
des consommateurs dans les boutiques de centre-ville. Le trafic
aérien passagers ne devrait pas revenir avant la fin de 2021 à son
niveau antérieur à la crise.
Il existe toutefois un point positif, du moins pour les
détaillants: plutôt que de payer un loyer déterminés à l'avance,
les boutiques dans les aéroports versent un pourcentage de leurs
recettes en plus d'un montant minimum fixe. Contrairement à de
nombreux propriétaires de boutiques dans les centres-villes, les
aéroports sont donc contraints de partager les coûts de la chute
des ventes avec leurs locataires. Les recettes tirées des activités
non liées à l'aéronautique, comme les concessions des boutiques,
représentent plus de la moitié des revenus de certains exploitants
aéroportuaires asiatiques, selon le Conseil international des
aéroports.
La flexibilité de ces loyers atténuera le coût de la récession pour
les chaînes de Travel Retail, mais ne permettra pas de soutenir
leur croissance. La route menant à la reprise promet d'être longue
pour les entreprises qui se sont ruées dans les aéroports, attirées
par la croissance du trafic aérien.
-Carol Ryan, The Wall Street Journal
(Version française Julien Marion) ed: ECH
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April 16, 2020 06:16 ET (10:16 GMT)
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