L'offre hostile sur MDL, un pari à quitte ou double pour Eramet - DJ Plus
05 Juillet 2018 - 3:35PM
Dow Jones News
Guillaume Bayre,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--La perspective de consolider intégralement
TiZir, aujourd'hui co-détenu à parité avec Mineral Deposits Limited
(MDL), ne manque pas d'intérêt stratégique pour Eramet. TiZir
réunit en amont une source de minerais titanifères très recherchés
et en aval un outil pyrométallurgique de premier plan mondial, ce
qui en fait un ensemble hautement désirable. Pour ce faire, Eramet
a tout simplement lancé une OPA sur son partenaire australien -
dont le seul actif est sa participation de 50% dans TiZir.
L'offre du groupe français sur MDL, et à travers elle sa convoitise
pour TiZir, n'était peut-être pas attendue, mais elle n'est pas non
plus étonnante, relève David Butler, analyste chez Tamesis Parners.
TiZir est né en 2011 de l'idée de rapprocher TTI (TiZir Titanium
and Iron, une usine norvégienne issue du groupe Tinfos, acquis en
2008 par Eramet) et un projet minier sénégalais, sur le site de
Grande Côte, développé jusqu'alors par MDL. Non seulement Grande
Côte fait partie des rares gisements de sables minéralisés
exploités dans le monde, mais il est constitué d'un bassin de
conformé de façon avantageuse pour l'extraction, car il permet
l'utilisation d'une drague flottante qui aspire les sables, retient
par gravimétrie les minerais lourds recherchés et rejette les
sables non minéralisés.
Ce procédé est sensiblement plus économique qu'une extraction
minière classique. De son côté TTI, situé à Tyssedal, est l'un des
trois sites au monde capables de transformer un minerai titanifère
en un produit enrichi en dioxyde de titane appelé laitier, utilisé
comme pigment ou opacifiant dans une multitude de substances de la
vie courante, de la céramique au papier en passant par la peinture,
le plastique ou le dentifrice. Leur rapprochement garantit la
principale source d'approvisionnement de TTI et assure à Grande
Côte une visibilité à long terme sur la vente de sa production.
En 2017, TiZir a dégagé un chiffre d'affaires de 199 millions
d'euros (ce qui équivaut à 5% du chiffre d'affaires d'Eramet pro
forma) et un résultat opérationnel courant de 27 millions d'euros,
en forte amélioration de 40 millions d'euros par rapport à 2016.
Cela ne semble être qu'un début. D'abord, l'essor des cours des
minerais - du dioxyde de titane mais également du zircon, davantage
destiné à des applications industrielles - offre à l'entreprise de
belles perspectives de croissance. Ensuite, la production de
Tyssedal, plus compétitive que le procédé traditionnel (au sulfate)
pour la fabrication de pigments en raison de contraintes
environnementales croissantes, entame seulement sa montée en
puissance, tandis que les réserves de Grande Côte sont estimées à
environ 33 ans par Morgan Stanley.
Le temps presse pour l'offre d'Eramet
Contraint par les clauses du pacte d'actionnaires conclu en 2011,
Eramet veut tourner la difficulté en s'emparant directement de MDL.
Mais malgré les perspectives porteuses de TiZir, le cours de Bourse
de l'acquéreur putatif a perdu 35% en un mois et demi face aux
réticences de l'australien. Ce dernier a rejeté une première offre
à 1,46 dollar australien, relevée en juin à 1,75 dollar australien,
prix "finale et définitif" - sauf s'il se présentait une offre
concurrente pour MDL ou pour TiZir - ce qui valorise Mineral
Deposits environ 343 millions de dollars australiens (217 millions
d'euros), dette de 300 millions de dollars australiens non
comprise.
Eramet, qui a conditionné son offre à l'atteinte d'au moins 50,01%
du capital, a précisé jeudi détenir 14,23% des actions et avoir
reçu des instructions d'apport à hauteur de 24,49%, ce qui
représente un total de 38,72% des parts, alors que l'offre court en
principe jusqu'au 13 juillet. Le cours de Bourse de MDL suggère que
le marché pourrait se contenter de la dernière offre du groupe,
puisqu'après avoir touché un plus haut à 1,83 dollar en mai, le
titre MDL s'est installé légèrement en-dessous du prix offert, à
1,74 dollar en dernière clôture.
Cette marge est cependant plutôt mince si l'on considère qu'Eramet
n'a pas droit à l'erreur : en passant en mode hostile, le groupe
doit absolument réussir sa prise de contrôle de MDL. Faute de quoi
en effet, la gouvernance de TiZir, détenu à parité par deux
actionnaires en bisbille, deviendrait rapidement ingérable. Alors
qu'un boulevard s'ouvre en termes de débouchés commerciaux des
sables minéralisés, Eramet doit éviter de s'engager dans une
impasse faute d'avoir bien calculé le montant de son offensive.
-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 43 93 ;
gbayre@agefi.fr ed: ECH
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