Guillaume Bayre,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--La perspective de consolider intégralement TiZir, aujourd'hui co-détenu à parité avec Mineral Deposits Limited (MDL), ne manque pas d'intérêt stratégique pour Eramet. TiZir réunit en amont une source de minerais titanifères très recherchés et en aval un outil pyrométallurgique de premier plan mondial, ce qui en fait un ensemble hautement désirable. Pour ce faire, Eramet a tout simplement lancé une OPA sur son partenaire australien - dont le seul actif est sa participation de 50% dans TiZir.



L'offre du groupe français sur MDL, et à travers elle sa convoitise pour TiZir, n'était peut-être pas attendue, mais elle n'est pas non plus étonnante, relève David Butler, analyste chez Tamesis Parners. TiZir est né en 2011 de l'idée de rapprocher TTI (TiZir Titanium and Iron, une usine norvégienne issue du groupe Tinfos, acquis en 2008 par Eramet) et un projet minier sénégalais, sur le site de Grande Côte, développé jusqu'alors par MDL. Non seulement Grande Côte fait partie des rares gisements de sables minéralisés exploités dans le monde, mais il est constitué d'un bassin de conformé de façon avantageuse pour l'extraction, car il permet l'utilisation d'une drague flottante qui aspire les sables, retient par gravimétrie les minerais lourds recherchés et rejette les sables non minéralisés.



Ce procédé est sensiblement plus économique qu'une extraction minière classique. De son côté TTI, situé à Tyssedal, est l'un des trois sites au monde capables de transformer un minerai titanifère en un produit enrichi en dioxyde de titane appelé laitier, utilisé comme pigment ou opacifiant dans une multitude de substances de la vie courante, de la céramique au papier en passant par la peinture, le plastique ou le dentifrice. Leur rapprochement garantit la principale source d'approvisionnement de TTI et assure à Grande Côte une visibilité à long terme sur la vente de sa production.



En 2017, TiZir a dégagé un chiffre d'affaires de 199 millions d'euros (ce qui équivaut à 5% du chiffre d'affaires d'Eramet pro forma) et un résultat opérationnel courant de 27 millions d'euros, en forte amélioration de 40 millions d'euros par rapport à 2016. Cela ne semble être qu'un début. D'abord, l'essor des cours des minerais - du dioxyde de titane mais également du zircon, davantage destiné à des applications industrielles - offre à l'entreprise de belles perspectives de croissance. Ensuite, la production de Tyssedal, plus compétitive que le procédé traditionnel (au sulfate) pour la fabrication de pigments en raison de contraintes environnementales croissantes, entame seulement sa montée en puissance, tandis que les réserves de Grande Côte sont estimées à environ 33 ans par Morgan Stanley.



Le temps presse pour l'offre d'Eramet



Contraint par les clauses du pacte d'actionnaires conclu en 2011, Eramet veut tourner la difficulté en s'emparant directement de MDL. Mais malgré les perspectives porteuses de TiZir, le cours de Bourse de l'acquéreur putatif a perdu 35% en un mois et demi face aux réticences de l'australien. Ce dernier a rejeté une première offre à 1,46 dollar australien, relevée en juin à 1,75 dollar australien, prix "finale et définitif" - sauf s'il se présentait une offre concurrente pour MDL ou pour TiZir - ce qui valorise Mineral Deposits environ 343 millions de dollars australiens (217 millions d'euros), dette de 300 millions de dollars australiens non comprise.



Eramet, qui a conditionné son offre à l'atteinte d'au moins 50,01% du capital, a précisé jeudi détenir 14,23% des actions et avoir reçu des instructions d'apport à hauteur de 24,49%, ce qui représente un total de 38,72% des parts, alors que l'offre court en principe jusqu'au 13 juillet. Le cours de Bourse de MDL suggère que le marché pourrait se contenter de la dernière offre du groupe, puisqu'après avoir touché un plus haut à 1,83 dollar en mai, le titre MDL s'est installé légèrement en-dessous du prix offert, à 1,74 dollar en dernière clôture.



Cette marge est cependant plutôt mince si l'on considère qu'Eramet n'a pas droit à l'erreur : en passant en mode hostile, le groupe doit absolument réussir sa prise de contrôle de MDL. Faute de quoi en effet, la gouvernance de TiZir, détenu à parité par deux actionnaires en bisbille, deviendrait rapidement ingérable. Alors qu'un boulevard s'ouvre en termes de débouchés commerciaux des sables minéralisés, Eramet doit éviter de s'engager dans une impasse faute d'avoir bien calculé le montant de son offensive.



-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 43 93 ; gbayre@agefi.fr ed: ECH



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July 05, 2018 09:15 ET (13:15 GMT)




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