Guillaume Bayre,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les actionnaires des entreprises françaises de biotechnologie ont souvent été mal récompensés. Une série de déceptions des représentants les plus en vue a plombé la performance globale du secteur, au grand dam d'investisseurs parfois mal avertis des risques. Les résultats spectaculaires publiés jeudi soir par Nanobiotix, qui développe un traitement de rupture contre le cancer, pourraient ouvrir une période plus propice. Sans dispenser pour autant les investisseurs de faire preuve de discernement.



Si l'indice Next Biotech gagne 37% sur un an, cette performance est d'abord due aux valeurs néerlandaises et belges. Cet indice réunissant 50 biotechs cotées sur les marchés paneuropéen d'Euronext a bénéficié de l'OPA de Sanofi sur Ablynx et de celle de Takeda sur TiGenix, ainsi que de la bonne performance d'entreprises déjà au stade commercial comme Pharming et Mithra, remarque Christophe Dombu, analyste en charge de la biotech chez Portzamparc (BNP Paribas). La variation moyenne des biotechs françaises reste quant à elle sensiblement négative à ce jour. "Les accidents de parcours ont été nombreux au cours des derniers trimestres : déceptions sur DBV Technologies et Innate, ainsi chez Adocia, AB Sciences, GeNeuro, Onxeo... ce qui a installé un sentiment de méfiance", ajoute le spécialiste.



"L'an dernier, notre positionnement européen nous a été propice puisque c'est principalement grâce à nos investissements sur les néerlandais Argen-X et Pharming et sur l'allemand Evotec, que la performance de notre fonds a été positive", remarque pour sa part Marc Le Bozec, gérant de Pluvalca Biotech à la Financière Arbevel. "Nous avions aussi misé sur AAA, une entreprise française cotée au Nasdaq, rachetée par Novartis", précise-t-il.



Malgré les déceptions sur le SBF 120, Paris brille



La sanction a été d'autant plus cuisante pour des biotechs française dont la capitalisation leur avait ouvert le SBF 120. Le spécialiste du traitement des allergies alimentaires DBV a chuté de 57% depuis l'annonce en octobre d'une phase 3 positive mais insuffisamment concluante sur Viaskin Peanut. Pour Innate Pharma, l'échec en novembre de son traitement lirilumab combiné à l'Opdivo de Bristol-Myers Squibb pour traiter le cancer de la tête et du cou a sonné le glas du partenariat avec le laboratoire américain. En baisse de plus de 40%, l'entreprise marseillaise a été exclue de l'indice large. Quant à Genfit, sa capitalisation a fondu de moitié depuis les résultats de la phase 2b de son composé phare élafibranor, où le critère principal d'efficacité n'avait pas été atteint à un niveau jugé statistiquement significatif.



En dépit des accidents survenus ces dernières années, le secteur de la biotech tricolore connaît toutefois sur la durée une progression considérable du nombre et de la capitalisation des entreprises cotées, nuance Alexandre Regniault, avocat associé en charge du secteur santé et sciences de la vie au cabinet Simmons & Simmons. "Avec plus de 60 biotechs cotées, Paris reste la première place européenne pour le secteur et la deuxième dans le monde, même s'il reste des freins à lever", indique-t-il. Par rapport à New York, la place parisienne ne bénéficie pas de la même disponibilité de capitaux. "Il existe aussi un enjeu culturel d'appétence pour le risque et ce sur des montants importants, compte tenu de la durée et des coûts incompressibles de développement de thérapies nouvelles, avec un taux d'échec important", note Alexandre Regniault. "Il existe une imprévisibilité inhérente au secteur, liée au fait qu'il faut des centaines de molécules candidates au départ pour aboutir à un seul médicament sur le marché. Dès lors, l'échec est consubstantiel au fait de développer un médicament. Les investisseurs doivent s'y préparer et être capables d'adopter une vision de très long terme."



Pour Marc Le Bozec, le marasme du segment français l'an dernier apparaît avant tout conjoncturel. "L'alignement des astres a été tout simplement exécrable. Pour prendre l'exemple emblématique de DBV, il n'y a pas de doute que le produit fonctionne et présente un profil de sécurité avantageux sur son concurrent. Le marché a très fortement réagi - on observe d'ailleurs une asymétrie des réactions entre mauvaises et bonnes nouvelles - mais il serait surprenant que Viaskin ne soit pas homologué". "C'est une industrie qu'il ne faut pas regarder sur une seule valeur et sur quelques mois : l'horizon c'est cinq ans au moins, et à cette échelle la France a beaucoup d'atouts pour confirmer sa position forte en Europe", souligne le responsable.



Nanobiotix a évité de "survendre" son projet



L'annonce de Nanobiotix, qui a enregistré un taux de réponses complètes - correspondant à une quasi-disparition des cellules cancéreuses dans la tumeur - deux fois plus important chez les patients traités avec NBTXR3 que chez ceux traités par radiothérapie seule (16,1% à comparer à 7,9%), apparaît plus qu'encourageante après la série noire de l'an dernier. Le titre gagnait plus de 50% vendredi matin. "C'est une excellente nouvelle, l'essai ayant également montré que la technologie de Nanobiotix peut rendre opérables certaines tumeurs inopérables avec les technologies actuelles en raison de leur taille. C'est la première fois qu'une technologie de ce type, fondée sur des nanoparticules capables d'améliorer localement l'action des rayons X, démontre son efficacité clinique", salue Christophe Dombu. Cette nouvelle est à la fois "très positive, compte tenu de l'efficacité spectaculaire du traitement, et plutôt inattendue car la société s'était montrée assez prudente en matière de communication. En évitant de survendre son projet, cette jeune société a fait preuve d'une belle maturité", ajoute Marc Le Bozec.



Nanobiotix apporte ainsi un succès le succès en phase finale d'essais qui a tant manqué au secteur ces derniers temps. L'entreprise pourrait continuer à alimenter l'intérêt avec de résultats dans d'autres indications comme le cancer de la tête et du cou, un marché plus important encore que le sarcome des tissus mous. "Il y aura encore beaucoup de belles histoires dans la biotech française, l'exemple de Nanobiotix arrive à temps pour le démontrer", assure le gérant.



Le décollage boursier de la société dirigée par Laurent Levy constitue un signal fort pour le secteur. Les investisseurs peuvent tirer une autre leçon de cette envolée : de solides résultats cliniques ne sont pas forcément l'apanage des biotechs les plus connues.



-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones; 01 41 27 47 93; gbayre@agefi.fr ed: ECH



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June 22, 2018 08:09 ET (12:09 GMT)




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