Orange veut créer de la valeur en érigeant Totem mais risque la désillusion - DJ Plus
10 Mai 2021 - 9:35AM
Dow Jones News
Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'ensemble vaut moins que la somme des
parties. C'est la conviction des opérateurs de télécommunications
européens ayant séparé leurs principales activités en deux
entreprises distinctes: la première exploite les réseaux et les
infrastructures, il s'agit d'une NetCo, tandis que la seconde, la
ServCo, reste en contact avec la clientèle.
Imitant la plupart de ses concurrents, Orange a annoncé en début
d'année la création de sa NetCo, "destinée à devenir une entité
créatrice de valeur". Baptisée Totem, la NetCo de l'ex-France
Télécom est plus précisément une TowerCo puisqu'elle ne possède que
des tours et des toits-terrasses accueillant des antennes mobiles.
La structure regroupe pour l'instant 25.500 sites en France et en
Espagne.
Totem a réalisé l'an passé un chiffre d'affaires de 500 millions
d'euros et dégagé un excédent brut d'exploitation ajusté retraité
de 300 millions d'euros. Cette nouvelle entité d'Orange doit être
opérationnelle d'ici à la fin de l'année. Elle sera dirigée par
Nicolas Roy, l'ancien directeur technique des réseaux de
l'opérateur en France.
De la théorie à la pratique
La création de Totem par Orange relève du bon sens stratégique. Sur
le papier, en clarifiant l'orientation de leur gestion et en
améliorant leur allocation du capital, "les structures qui
résulteront de cette séparation seront plus performantes",
remarquent les experts du cabinet McKinsey & Company. Ceux-ci
soulignent la nature "fondamentalement différente" de ces deux
activités.
En théorie, la NetCo attire des investisseurs de long terme
souhaitant s'exposer à des actifs physiques, tandis que la ServCo
est prisée des intervenants qui recherchent un rendement plus
élevé. Les valorisations des deux entités indépendantes doivent
alors se recalibrer, selon un ratio valeur d'entreprise sur
excédent brut d'exploitation proche de 22 pour les NetCo et autour
de 4 pour les ServCo, de façon à augmenter leur valeur
combinée.
Mais en pratique, ce recalibrage ne s'opère pas, ou pas dans les
proportions espérées par les opérateurs télécoms. "L'efficience des
marchés financiers n'est qu'un concept, comme Vodafone, Telefonica,
Telecom Italia et Deutsche Telekom l'ont appris à leurs dépens",
explique un analyste basé à Paris. Le cours de Bourse de ces
concurrents d'Orange n'a pas bénéficié "de manière évidente" du
placement de leurs infrastructures de réseaux dans une entité
distincte, poursuit cet analyste.
Totem ne sera pas vendu
Orange n'a pas encore précisé les détails de sa stratégie pour
créer un maximum de valeur avec Totem. Seule certitude: le groupe
compte conserver le contrôle de cette structure, qui n'a pas
vocation à être cédée à des spécialistes des tours mobiles comme
Cellnex ou American Tower. La cession d'une part minoritaire du
capital de Totem à un fonds d'investissement, voire son
introduction en Bourse, sont les scénarios privilégiés par la
plupart des analystes.
L'opérateur télécoms français envisage pourtant de nouer à l'avenir
des partenariats stratégiques, voire capitalistiques, avec ses
concurrents Vodafone et Deutsche Telekom. Aucun contact n'a été
pris avec ces deux géants européens des télécoms, a prévenu
Orange.
"Rien n'indique qu'Orange saura créer de la valeur là où d'autres
ont échoué, d'autant que l'opérateur français est plus connu pour
sa capacité à réaliser des opérations industrielles plutôt que des
opérations financières", estime un analyste basé à Londres. "Orange
est en train de dénaturer son ADN pour montrer qu'il est à l'écoute
des envies des investisseurs, sous l'impulsion de son PDG, Stéphane
Richard, qui souhaite probablement réaliser une opération
structurante à moins d'un an de la fin de son mandat",
déplore-t-il.
Un bilan à sauver pour Stéphane Richard
Stéphane Richard a intérêt à saisir la moindre opportunité de
sauver son bilan à la tête d'Orange. Depuis sa nomination au poste
de directeur général du groupe en mars 2010, l'action Orange a
perdu 39,1%, quand le CAC 40 a progressé de 72,2%. La défiance du
marché à l'égard de la valeur et de ses dirigeants est élevée:
"L'engagement pris sur le dividende, le gain de 2,2 milliards
d'euros suite à la résolution d'un litige fiscal et la vente de 50%
du capital d'Orange Concessions sont autant de signaux positifs
émis ou reçus par le groupe que la Bourse n'a pas valorisés",
observe Stéphane Beyazian, analyste chez Stifel.
Les investisseurs n'achèteront pas l'action Orange, en dépit de ses
niveaux de valorisation relativement attractifs, tant que le groupe
subira d'intenses pressions commerciales et financières.
L'environnement concurrentiel dans lequel évolue Orange reste
volatil et tendu. De plus, le groupe s'évertue à trouver le bon
équilibre entre les lourds besoins d'investissements dans les
technologies et la généreuse rémunération de ses actionnaires.
Une dynamique conjuguant croissance du chiffre d'affaires et
réduction des dépenses d'investissements constituerait le seul
totem d'une renaissance boursière d'Orange.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31;
ddelmond@agefi.fr ed: ECH
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