Alexandra Bruell et Keach Hagey,
The Wall Street Journal
NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Facebook se demande s'il est pertinent
de continuer à payer pour diffuser des articles de presse, ont
rapporté au Wall Street Journal des sources proches du dossier, une
possibilité qui, si elle devenait réalité, ferait perdre des
dizaines de millions de dollars de chiffre d'affaires par an aux
grands journaux américains.
Chaque année, la filiale de Meta Platforms verse en moyenne plus de
15 millions de dollars au Washington Post, un peu plus de 20
millions de dollars au New York Times et plus de 10 millions de
dollars au WSJ, ont précisé ces sources. La somme versée au WSJ
fait partie d'un accord plus vaste conclu avec Dow Jones & Co.,
sa maison-mère, dont le montant annuel dépasse les 20 millions de
dollars, selon des personnes au fait des termes du partenariat.
Tous ces accords sont liés à la section Actualités de Facebook :
pour pouvoir proposer gratuitement une sélection d'articles de
presse à ses abonnés, le réseau rémunère les journaux. Or les
contrats, d'une durée de trois ans, ont été conclus en 2019 : ils
expirent donc cette année.
Facebook n'a pas encore dit aux organes de presse s'il souhaitait
renouveler ces engagements sous leur forme actuelle (voire les
renouveler tout court), ont précisé les sources. Selon certaines de
ces personnes, le groupe songe à réorienter une partie de ses
investissements vers des produits qui attirent les créateurs,
notamment les producteurs de vidéos courtes qui font concurrence à
TikTok. Facebook investit également beaucoup dans le métavers -
comme en témoigne d'ailleurs le récent changement de nom du
groupe.
En outre, toujours d'après ces sources, Mark Zuckerberg n'a pas
apprécié que, partout dans le monde, les autorités cherchent à
obliger les plateformes de type Facebook ou Google à rémunérer les
organes de presse si elles diffusent leurs articles. La démarche,
expliquent-elles, a douché l'enthousiasme du patron de Meta, qui
avait un temps envisagé de faire une place plus importante à
l'actualité.
Le mois dernier, Campbell Brown, ancienne journaliste de NBC et CNN
et architecte de Facebook Actualités, a annoncé que son poste
évoluait : elle est désormais chargée des partenariats médiatiques
mondiaux, une mission qui va des ligues sportives aux studios de
cinéma.
The Information avait déjà rapporté que Facebook s'interrogeait sur
la question de la rémunération des organes de presse.
La fin d'une période d'accalmie dans une relation compliquée
L'éventuelle suspension des paiements à la presse américaine
mettrait fin à une période d'accalmie dans la relation compliquée
qu'entretiennent le géant des réseaux sociaux et les producteurs de
contenus.
Les éditeurs de presse, qui peinent à faire concurrence à Google ou
Facebook dans la publicité numérique, se plaignent régulièrement du
fait que les géants de la tech ne les rémunèrent pas pour les
articles diffusés sur leurs plateformes. News Corp., la maison-mère
de Dow Jones, fait partie des critiques les plus virulentes.
D'après les sources, c'est le WSJ qui perçoit l'essentiel des
paiements en faveur de Dow Jones ; il s'agit majoritairement de
sommes d'argent, mais aussi de crédits marketing utilisables sur
Facebook, par exemple. L'accord concerne cependant d'autres
publications de Dow Jones, ainsi que le New York Post, également
détenu par News Corp.
Un certain nombre d'autres groupes de presse américains reçoivent
de l'argent de Facebook parce que certains de leurs articles
figurent dans la section Actualités, mais les sommes en jeu sont
beaucoup moins importantes, ont précisé les sources. Facebook
rémunère davantage les journaux dont le contenu est normalement
réservé aux abonnés, et moins ceux dont le contenu est gratuit quoi
qu'il arrive. D'après les sources, les très petits contrats ne
dépassent pas les 3 millions de dollars par an.
Ni Dow Jones, ni le New York Times ni le Washington Post n'ont
souhaité commenter. L'an passé, le New York Times a affiché un
chiffre d'affaires de 2,1 milliards de dollars ; celui de Dow Jones
atteignait 1,7 milliard de dollars pour l'exercice clos au 30 juin
2021.
Facebook a annoncé le lancement d'Actualités (un onglet que les
utilisateurs peuvent trouver sur l'application mobile ou sur le
site, comme l'onglet Watch qui propose des vidéos) à l'automne
2019, au moment où les critiques fusaient de toutes parts sur le
poids croissant de Facebook et Google dans la publicité numérique
et les répercussions sur les organes de presse, nationaux
notamment. En 2018, 77% des recettes publicitaires numériques des
marchés locaux allaient à Facebook et Google ; 1.800 journaux ont
cessé de paraître aux Etats-Unis depuis 2004.
Le lancement de l'onglet Actualités a été un succès majeur pour
Campbell Brown, qui avait été recrutée pour améliorer les relations
avec les groupes de presse, ont indiqué les sources.
Facebook l'a lancé aux Etats-Unis en premier, avant de le déployer
au Royaume-Uni, en Allemagne et en Australie en 2021, puis en
France cette année, le tout sur fond de turbulences réglementaires
aux quatre coins de la planète. Dans l'Union européenne, en France,
au Royaume-Uni, en Australie et aux Etats-Unis, les régulateurs ont
pris des mesures pour obliger les plateformes comme Google ou
Facebook à rémunérer les organes de presse. En Australie, pour
marquer son opposition farouche à la loi qui venait d'être adoptée,
Facebook a décidé de bloquer la publication pure et simple
d'articles de presse sur son site. Le réseau social a aussi fermé
les pages Facebook de plusieurs services de santé et d'urgence
australiens pendant cinq jours, une décision involontaire selon
Facebook, mais tout à fait délibérée selon des lanceurs
d'alerte.
Au printemps, une nouvelle version de la législation américaine
destinée à obliger les plateformes à négocier une rémunération avec
les organes de presse a commencé de circuler parmi les
parlementaires. Elle comporte une disposition similaire à celle qui
a poussé Facebook à supprimer l'onglet Actualités de son site
australien. Le Canada a, lui, récemment dévoilé un projet de loi
inspiré du texte australien.
-Alexandra Bruell et Keach Hagey, The Wall Street Journal
(Version française Marion Issard) ed: ECH
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June 13, 2022 04:15 ET (08:15 GMT)
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