Entre pandémie et régulation, ADP peinera à quitter sa zone de turbulences -- DJ Plus
22 Novembre 2021 - 01:06PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le vent d'optimisme qui a récemment
soufflé sur le secteur aérien n'a pas duré. L'espoir provoqué par
la réouverture des frontières a laissé place aux inquiétudes
causées par la cinquième vague de la crise sanitaire en Europe.
Comme l'ensemble des exploitants aéroportuaires européens,
Aéroports de Paris (ADP) subit de plein fouet les craintes liées
aux nouvelles restrictions mises en place dans plusieurs pays
européens, notamment l'Autriche, qui a confiné lundi l'ensemble de
sa population. Vendredi, la valeur a perdu 6% à la suite de
l'annonce de ces mesures, accusant le plus fort repli du SBF 120.
L'action regagnait un peu d'altitude lundi, s'adjugeant 2,5% en
milieu de journée. Sur 12 mois, la valeur a abandonné près de 2%
alors que l'indice SBF 120 a gagné 27,5%.
La recrudescence de la pandémie menace un peu plus la reprise qui,
dans le cas d'ADP, risque "d'être plus lente que celle de ses
concurrents, en raison du statut de 'hub' des aéroports parisiens
avec un important trafic international", souligne JPMorgan
Cazenove.
L'exploitant aéroportuaire est notamment pénalisé par son
exposition aux voyageurs à fortes dépenses, comme les touristes
chinois, dont le retour dans les aéroports parisiens s'avère
extrêmement incertain, en raison de la politique "zéro Covid" du
pays. Selon UBS, la dépense moyenne des passagers chinois dans les
boutiques détaxées ("duty free") représente six fois celle de
l'ensemble des voyageurs. Si bien qu'en 2019, les passagers chinois
comptaient pour 15% du chiffre d'affaires des activités
commerciales des aéroports parisiens alors qu'ils ne représentaient
que 2% du trafic total. ADP subira également la baisse structurelle
des voyages d'affaires due au Covid-19, évaluée entre 17% et 35%
par Oddo BHF.
Les risques réglementaires pointent à l'horizon
L'horizon boursier d'ADP est aussi obstrué par les risques
réglementaires entourant son périmètre régulé, c'est-à-dire les
activités des aéroports parisiens hors boutiques, services et
immobilier. Le groupe doit faire homologuer chaque année
l'évolution des tarifs de ses redevances dans les aéroports
franciliens auprès de l'Autorité de régulation des transports
(ART). ADP lui a soumis la semaine dernière sa proposition pour la
période allant du 1er avril 2022 au 31 mars 2023, l'Autorité
disposant d'un mois pour se prononcer. L'ART doit veiller à ce que
le projet de l'entreprise respecte un "juste" niveau de rentabilité
au regard de ses dépenses et investissements, mesurée par le coût
moyen pondéré du capital (CMPC).
"Le véritable risque est que l'ART pousse pour un CMPC,
c'est-à-dire un taux de rentabilité, plus modéré que le marché ne
l'anticipe, ce qui aboutirait à une hausse des tarifs modestes pour
les années qui viennent au niveau d'ADP", prévient Charles
Maynadier, analyste au sein de Kempen & Co. "Les investisseurs
ont eu tendance à penser que les autorités de régulation vont
permettre aux aéroports de dégager des rentabilités plus fortes
qu'avant la crise, en raison notamment de l'augmentation des
risques", développe l'analyste.
Une valeur jugée onéreuse
Au-delà des tarifs, l'ART doit également se prononcer d'ici à la
fin de l'année sur une question complexe: l'allocations des actifs,
des produits et des charges du périmètre régulé. Philippe Pascal,
le directeur financier d'ADP, a indiqué le mois dernier que le
groupe s'attendait à ce que l'Autorité tranche sur ce sujet vers la
mi-décembre.
La menace pour la société serait que l'ART transfert des coûts
actuellement inclus dans le périmètre régulé vers les activités non
régulées. Il en résulterait un double effet négatif, explique UBS.
D'une part, la rentabilité du périmètre régulé, qui est plafonnée,
remonterait mécaniquement. ADP pourrait alors être contraint de
diminuer ses tarifs pour respecter ce plafond. D'autre part, "une
telle décision pourrait faire baisser les bénéfices et les flux de
trésorerie des activités non régulées - et implicitement leur
valorisation", souligne la banque suisse.
"Il semble très probable que l'ART décide de transférer des coûts
du périmètre régulé vers les activités non régulées", juge Charles
Maynadier. "La question est plutôt de savoir quelle serait
l'ampleur de ce transfert et dans quelle mesure il affecterait la
rentabilité du groupe", remarque l'analyste.
Face à ces nombreuses incertitudes, la valorisation d'ADP apparaît
élevée aux yeux des bureaux d'études. JPMorgan Cazenove observe que
l'action s'échange toujours avec une prime injustifiée par rapport
à ses comparables, alors qu'une privatisation de l'Etat, le
principal catalyseur du titre, possède une chance "faible voire
nulle" de survenir dans les deux prochaines années. Plus de la
moitié des analystes sondés par FactSet, recommandent de vendre la
valeur. L'action ADP a de bonnes chances de rester clouée sur le
tarmac.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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