La prime d'ADP repose sur une privatisation toujours plus hypothétique - DJ Plus
17 Juin 2022 - 9:23AM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--ADP survole la concurrence. L'exploitant
des aéroports parisiens s'adjuge 10,6% depuis le début de l'année,
distançant - et de loin - ses comparables boursiers: l'espagnol
Aena perd 3,5% quand l'allemand Fraport abandonne 18%.
La surperformance d'ADP par rapport à ses comparables tient pour
l'essentiel aux spéculations sur une privatisation du groupe par
l'Etat. Dans l'esprit de certains investisseurs, cette hypothèse a
regagné en crédibilité depuis la réélection d'Emmanuel Macron à la
fin avril. "Au regard de la décorrélation entre l'action et la
valeur intrinsèque de la société, il est difficile de l'expliquer
autrement", juge un analyste parisien.
La probabilité que l'exécutif relance un si lourd chantier paraît
toutefois mince dans le contexte politique actuel. Un revers de la
majorité aux élections législatives, dont le deuxième tour se tient
dimanche, compromettrait une telle opération. La loi PACTE ayant
été adoptée, l'aval des parlementaires n'est certes plus requis
mais le dossier deviendrait politiquement trop sensible. Les
projections des différents instituts de sondage créditent la
majorité présidentielle de 250 à 295 députés à l'Assemblée
nationale. La banque Barclays juge que l'absence de majorité
absolue -- soit 289 députés -- au sein de la chambre basse du
Parlement constitue le scénario le plus probable.
Crispation de l'opinion publique
La crise sanitaire avait contraint l'exécutif à reporter sine die
la cession de tout ou partie des 50,6% du capital d'ADP détenus par
l'Etat. Si le projet n'a pas été officiellement enterré, il n'est
pour autant jamais revenu à la surface.
Le sujet était déjà fortement contesté lors du précédent mandat
d'Emmanuel Macron. Or "le climat politique actuel est moins propice
[à cette privatisation, NDLR], avec un raidissement de l'opinion
sur ces sujets, notamment autour de La France insoumise", observe
Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au CERSA (Centre
d'Etudes et Recherches de Sciences Administratives et Politiques).
L'universitaire souligne également que l'agenda politique est à
présent dominé par d'autres thématiques telles que "le pouvoir
d'achat, les incertitudes sur le climat et la politique de
santé".
"A priori une majorité plus faible devrait pousser l'exécutif à
mieux prendre en compte la crispation de l'opinion publique" sur
les thématiques de privatisation, juge Olivier Rouquan.
"L'Assemblée nationale reste le reflet de la population française
et, avec l'absence de majorité absolue, Emmanuel Macron aurait du
mal à faire passer cette mesure", estime pour sa part l'analyste
financier parisien.
Absence de visibilité sur la régulation
Le fait de procéder à la privatisation "dépenserait un capital
politique important pour le gouvernement, qui pourrait être déployé
plus efficacement ailleurs", estime de son côté HSBC. Le directeur
financier d'ADP, Philippe Pascal, avait déclaré fin avril aux
analystes, que la direction du groupe ne s'attendait pas à ce
qu'une privatisation constitue une priorité clef du gouvernement.
Il relevait également que cette mesure ne figurait pas au programme
d'Emmanuel Macron. Contactés, ADP a renvoyé aux propos de la
direction du groupe tandis qu'un porte-parole du ministère de
l'Economie et des Finances n'a pas souhaité apporter de
commentaire.
Une potentielle privatisation d'ADP bute sur un autre écueil:
l'absence de contrat de régulation économique (CRE). Ce contrat
définit les investissements et les conditions d'évolution des
tarifs sur le périmètre régulé du groupe, c'est-à-dire les
activités des aéroports parisiens hors boutiques, services et
immobilier, pour une période de cinq années. Le manque de
visibilité sur l'évolution du trafic rend pour l'heure impossible
la procédure d'élaboration de ce précieux document qui nécessite au
bas mot un an et demi de préparation. La direction de la société ne
s'attend pas à ce qu'un nouveau contrat soit possible avant, au
mieux, 2025.
"L'absence de contrat de régulation prive les investisseurs
potentiels dans ADP d'une importante visibilité. Cela complique
grandement une potentielle privatisation et justifierait un prix de
vente moins élevé", juge Charles Maynadier, analyste au sein de
Kempen & Co. La privatisation tant espérée par le marché paraît
ainsi hypothétique dans le meilleur des cas.
Pénurie de main-d'oeuvre
En parallèle, les incertitudes sur l'activité restent nombreuses.
Le retour des voyageurs chinois à court et moyen terme est
compromis par la politique "zéro Covid" du pays. Or en 2019, ces
passagers représentaient environ 15% des revenus des activités
commerciales des aéroports parisiens pour 2% du trafic total.
ADP doit également gérer les difficultés logistiques auxquelles
l'ensemble des aéroports sont confrontés. Le manque de
main-d'oeuvre sur certains postes clefs, notamment les agents
d'inspection et de filtrage, qui sont employés par des groupes
privés de sécurité, occasionne des perturbations dans la gestion
des flux de passagers et risque de se traduire par des annulations
de vols. "La demande de voyages pour cet été en Europe est très
forte, sûrement plus que le marché pouvait l'anticiper au début de
l'année. Mais les perturbations et les pénuries de main-d'oeuvre
dans certains aéroports et chez les compagnies aériennes pourraient
empêcher les exploitants de capter pleinement cette demande",
explique Charles Maynadier, de Kempen & Co.
Si ADP n'est pas dénué de qualités, sa valorisation actuelle paraît
élevée au regard de l'absence d'intentions manifestes de
privatisation par l'exécutif et des incertitudes qui entourent le
titre. JPMorgan considère que l'action s'échange avec une prime
injustifiée par rapport à ses comparables. "Avec les résultats des
élections législatives, cette prime pourrait être mise à mal
lundi", prévient de son côté l'analyste parisien. Dans ce contexte,
ADP semble condamné à perdre de l'altitude.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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