Lionel Garnier,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--La fenêtre de tir était étroite, Air
France-KLM ne l'a pas laissé passer. Le groupe franco-néerlandais
de transport aérien a profité de la détente des taux constatée la
semaine dernière et d'émissions d'obligations convertibles récentes
comme celle de l'éditeur de jeux vidéo Ubisoft, pour émettre
mercredi pour 305,3 millions d'euros d'obligations subordonnées de
dernier rang à durée indéterminée, convertibles en actions
nouvelles et/ou échangeables en actions existantes.
Les obligations, dont le règlement-livraison interviendra le 23
novembre, présentent une prime de conversion/échange de 22,5% par
rapport au cours de référence de l'action, retenu à 1,2464 euro,
soit une prime pile au milieu de la fourchette de 20% à 25%. A la
clé se trouve une dilution maximale de 7,8% du capital actuel en
cirdulation.
Jusqu'au 23 novembre 2025, les obligations porteront intérêt à un
taux nominal annuel de 6,5% payable trimestriellement dont une
première fois le 23 février 2023. Si Air France-KLM se félicite que
que le livre d'ordres ait été "plusieurs fois sursouscrit", le taux
ressort au plus haut de la fourchette proposée aux investisseurs.
Elle était comprise entre 5,75% et 6,50%.
Rareté du format de l'opération
Un tel format d'opération n'est pas fréquent. "A l'intérieur de
l'univers des convertibles, la catégorie retenue pour l'opération
constitue elle-même une classe spécifique. C'est une subordination
de dernier rang, la plus proche de l"equity'. Ce qui se traduira,
en normes comptables IFRS, par un produit considéré à 100% comme de
l'equity [fonds propres, ndlr], contrairement à une obligation
convertible senior unsecured [non sécurisée, ndlr] traditionnelle
qui serait classée à 90% en dette", illustre Xavier Hennequin,
responsable de l'origination des convertibles chez Natixis CIB. Un
autre avantage de la convertibilité par rapport à une obligation
subordonnée hybride non convertible consiste en un coupon
relativement plus faible, à court terme.
Signe de la rareté de ce type d'instrument, sur un rythme d'une
cinquantaine d'émissions de convertible par an, "on ne compte pas
plus d'une à deux hybrides convertibles par an, parfois aucune,
soit guère plus d'une dizaine en dix ans", souligne Natixis qui
agit en tant que coordinateur global, avec Deutsche Bank et HSBC -
les trois banques sont à la manœuvre depuis 2021 sur la
recapitalisation d'Air France-KLM - tandis que Cacib agissait en
tant que co-coordinateur global et Société Générale en tant que
teneur de livre associé.
En septembre 2021, Korian avait déployé un schéma identique mais, à
l'époque, les conditions de marché étaient bien différentes avec
des spreads de crédit plus serrés.
D'autres émissions hybrides à attendre en 2023
"Cette émission a rencontré un grand succès auprès des
investisseurs, notamment directionnels et va permettre à la société
de poursuivre le remboursement des titres super subordonnés
souscrits par l'Etat Français en 2021", précise Alexis Bauza,
directeur exécutif SECM Natixis CIB.
Pour le groupe dirigé par Ben Smith, cette approche permet en effet
de faire d'une pierre, deux coups. Tout d'abord, Air-France-KLM
améliore ses ratios d'endettement et respecte son plan de marche de
2021, marqué par une augmentation de capital et l'annonce d'un
recours à 1,2 milliard d'euros d'instruments hybrides - dilutifs ou
pas - afin de mettre en œuvre le remboursement du prêt garanti par
l'Etat. Celui-ci a vu son échéancier rééchelonné et un milliard
d'euros déjà remboursés. Avant cette opération, il restait par
ailleurs 858 millions d'euros de titres super subordonnés (TSS) à
rembourser à l'Etat, une enveloppe que les 305 millions levés
serviront à réduire. En 2023, au-delà de cette opération
singulière, d'autres formats d'émissions hybrides, plus classiques
sans accès au capital, sont donc à attendre de la part d'Air
France-KLM.
Ensuite, à plus court terme, le groupe se donne un peu plus de
flexibilité financière. Avec une date de "call" fixée dans trois
ans pour l'hybride convertible, Air France-KLM sort de la mécanique
habituelle binaire d'une conversion ou d'un remboursement, avec une
troisième possibilité.
"Il est possible de faire perdurer l'obligation après la date de
'hard call' moyennant une hausse significative du coupon (step-up
de coupon)", explique Loïc Chenevier responsable de l'origination
des opérations pour le département Strategic Equity Capital Markets
de Natixis CIB. Le step-up est, il est vrai, très significatif avec
1.300 points de base supplémentaires. Il est peu probable qu'Air
France-KLM ait intérêt à pousser au-delà de cette échéance
triennale mais plutôt que l'enveloppe soit réellement convertie en
actions nouvelles et donc en capital pérenne.
L'armateur CMA CGM a participé au placement au prorata de sa
participation actuelle de 9%, soit un investissement nominal de 27
millions d'euros.
En Bourse, l'action a sans surprise subi un décrochage dans la
foulée de l'annonce, plongeant de 10,5% mercredi. Elle abandonne
encore 2% jeudi matin, à 1,23 euro. Depuis quelques semaines, le
titre Air France-KLM est plutôt à la peine, ce qui porte ses pertes
à 37% depuis le début de l'année.
Une telle faiblesse n'est guère surprenante. Malgré une bonne
performance commerciale au troisième trimestre, le discours est
prudent pour la fin de l'année. Et surtout, le marché a exprimé
quelques doutes sur les manifestations d'intérêt d'Air France-KLM
pour ITA et Tap, les compagnies italienne et portugaise, estimant
que la priorité du groupe devrait rester au redressement
opérationnel avant de se projeter vers une nouvelle recomposition
sectorielle. De quoi rappeler à Ben Smith de ne pas se tromper de
cap.
-Lionel Garnier, L'Agefi ed: VLV
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November 17, 2022 04:03 ET (09:03 GMT)
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