Les banques payent le risque de fragmentation européenne - Plus Europe
14 Juin 2022 - 10:16AM
Dow Jones News
Franck Joselin,
L'Agefi
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Il y a eu la guerre en Ukraine, il y a eu
l'inflation, et maintenant, les incertitudes sur la fragmentation
de la zone euro. Si la plupart des secteurs se replient en Bourse
depuis le début de l'année, sur une semaine les banques européennes
affichent une baisse bien plus marquée que les marchés dans leur
ensemble. L'indice Euro Stoxx des banques européennes chute ainsi
de plus de 12% en cinq jours de Bourse, contre une baisse d'un peu
plus de 8% pour l'Euro Stoxx 50. En France, BNP Paribas, Crédit
Agricole SA et Société Générale ont perdu environ 12%, pour un
indice CAC 40 en repli d'environ 7,5% au cours de la même
période.
Certains professionnels des marchés attribuent cette baisse plus
marquée du secteur par une prime de risque sur la fragmentation de
la zone euro. "Le discours de la Banque centrale européenne jeudi
dernier a déçu les actionnaires des banques qui attendaient une
présentation formelle d'un outil pour éviter la fragmentation de la
zone euro", explique Antonio Roma, gérant spécialiste des valeurs
bancaires chez Axiom AI.
Cette fragmentation se constate de différentes manières, par
exemple par les écarts de taux des pays périphériques de la zone
euro avec le taux allemand, ou le coût de financement des
entreprises dans ces mêmes pays. Mais l'indicateur clé pour mesurer
ce risque reste avant tout l'écart (spread) entre le taux à 10 ans
italien et allemand. Ce spread mesure les risques d'implosion de la
zone euro. Or, à un niveau tel que ceux observés actuellement,
proches de 250 points de base, il se rapproche du niveau de 300
observé en 2018. Le taux à 10 ans italien a dépassé lundi la barre
des 4%. Cette implosion de la zone euro, serait évidemment très
problématique pour les banques européennes, puisqu'elles présentent
de nombreuses expositions croisées aux différents pays de la
zone.
Même si ce n'est pas le scénario central envisagé par les marchés,
les actionnaires des banques craignent que la dégradation des
spreads entre les pays cœur de l'Europe et les pays périphériques
transparaisse dans les ratios prudentiels des banques ou se
répercutent sur leurs résultats. Pour les banques françaises,
Autonomous Research souligne qu'au premier trimestre 2022, Crédit
Agricole est exposé à l'Italie à hauteur de 335% de son ratio de
fonds propres durs CET1, BNP Paribas à 192% et Société Générale à
56%.
Ces positions apparaissent cependant peu risquées, même en cas de
dégradation des spreads. "La hausse des spreads n'aura que très peu
d'impact sur les ratios prudentiels des banques françaises. D'un
point de vue comptable, l'immense majorité de la dette périphérique
est enregistrée à son coût historique et leur variation n'ont donc
pas de conséquence sur les bilans", explique Antonio Roman.
Du côté des profits, toujours selon Autonomous Research, pour
Crédit Agricole et BNP Paribas, l'Italie pèse pour respectivement
13% et 11,7% de leurs bénéfices avant impôts et seulement 5,2% pour
Société Générale. Comme sur les bilans, le niveau du risque italien
sur les résultats n'explique pas l'ampleur de la baisse des cours
des banques.
Gestion du risque macro
Les banques européennes payent la gestion de la sensibilité des
investisseurs aux anticipations macroéconomiques.
Traditionnellement, l'exposition aux valeurs bancaires est un moyen
de jouer la croissance. Une dégradation de l'économie de la zone
euro, plus forte que ce que n'anticipent les économistes, pourrait
ainsi présenter des conséquences sur les résultats des banques. Si
la situation se dégrade, les défauts des entreprises augmenteront
et, avec, le coût du risque pour les organismes bancaires.
"Certains peuvent estimer que les banques centrales vont entraîner
les économies en récession. Nous pourrions connaître une crise
déflationniste après une période d'inflation, accompagnée d'une
réduction du levier pour les banques. C'est la conjonction de
facteurs la pire pour elles", note Antonio Roman.
Ces inquiétudes, à la fois sur la fragmentation de la zone euro, et
sur la croissance dans son ensemble, l'emportent donc sur la bonne
santé actuelle des prêteurs. "Les banques souffrent davantage de
facteurs exogènes et de l'environnement général que de facteurs
liés à leurs fondamentaux", note Samy Lakhdari, analyste du secteur
des institutions financières chez Natixis.
La baisse des cours est en effet déconnectée des anticipations de
résultats. En 2022, les analystes attendent des bénéfices des
banques européennes au même niveau qu'en 2021, mais pour les années
suivantes, ils anticipent toujours des résultats en forte hausse
grâce à l'augmentation des marges d'intérêts - la différence entre
les coûts auxquels les banques se financent et celui auquel elles
prêtent - provoquée par la hausse des taux. "Sur les années 2022 et
2023, les banques de la zone euro devraient toucher 85 milliards
d'euros de revenus d'intérêts supplémentaires", a calculé Samy
Lakhdari. "Leurs marges d'intérêts devraient passer de 1,68% en
2021 à 1,95% en 2022 et 2,16% en 2023".
Même l'arrêt des opérations de refinancement à long terme (TLTRO)
de la banque centrale européenne ne devrait pas poser de grandes
difficultés au système bancaire de la zone euro dans son ensemble
car, "à court terme, les banques n'ont pas foncièrement besoin de
se refinancer", insiste Antonio Roman.
Ainsi, les bénéfices des banques sont en moyenne attendus en hausse
de 15% en 2022 et de 15% supplémentaires en 2023. Dans d'autres
circonstances, elles pourraient être achetées pour leur croissance,
ou pour leur rendement, qui atteint aujourd'hui 7,2% pour les
institutions de la zone euro. Pour l'heure, elles sont vendues pour
leur caractère cyclique.
-Franck Joselin, L'Agefi. ed: ECH
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June 14, 2022 03:56 ET (07:56 GMT)
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