Finance, l'Europe en mal de stratégie - Plus Europe
08 Juillet 2022 - 11:38AM
Dow Jones News
Alexandre Garabedian,
L'Agefi
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Six ans après le vote britannique sur le
Brexit, la place de Paris s'est indiscutablement renforcée sur
l'échiquier financier européen. Passée une période d'observation
bien compréhensible, les investisseurs étrangers ont pris acte des
efforts entrepris par la France pour restaurer son attractivité. En
témoigne l'offensive des banques américaines, dont les effectifs
auront quintuplé dans la capitale en quelques années, avec une
nette accélération depuis la sortie effective du Royaume-Uni.
Dommage que l'on ne puisse en dire autant de l'Europe. Depuis le
référendum fatidique de juin 2016, le continent n'a guère marqué de
points dans la lutte d'influence qui l'oppose aux Etats-Unis et à
l'Asie. Le Brexit, comme il était à craindre, est même synonyme
d'un affaiblissement relatif sur ce front. Et pour cause : l'Union
européenne souffre de ne pas considérer ses banques ou ses
gestionnaires d'actifs comme l'un des piliers de son "soft
power".
Fort parmi les faibles
L'industrie financière appartient pourtant aux quelques secteurs
vraiment stratégiques dont dépend la richesse d'une nation, aux
côtés de l'énergie, de la défense ou encore des technologies de
pointe. Les Etats-Unis l'assument depuis fort longtemps, avec la
logique d'un rouleau compresseur, grâce à la force du dollar et de
leurs règles extraterritoriales. Dans un autre style, sans pouvoir
compter sur des leaders mondiaux, Londres a fait de la City un
point de passage obligé pour tous les financiers du globe. Et en
Europe ? Seule la France peut revendiquer un écosystème assez
riche, avec des banques, des assureurs et des assets managers parmi
les plus puissants du continent. Pas assez cependant pour susciter
une dynamique.
Le sort du Fonds de résolution unique illustre ce splendide
isolement. La zone euro, en pleine crise, avait réussi à rétablir
la confiance des investisseurs en mettant sur pied ce pare-feu
destiné à prévenir et gérer les faillites bancaires. Aujourd'hui,
les banques françaises en abondent la plus grande part, acquittant
une facture annuelle de plusieurs milliards d'euros à cause d'une
formule de calcul basée sur leurs dépôts. Un jeu de dupes qui
arrange bien nos partenaires, par ailleurs peu sensibles à la
compétitivité du secteur financier européen. L'Allemagne privilégie
son industrie automobile, l'Italie et l'Espagne se sont concentrées
sur la restructuration de leurs marchés domestiques, et les autres
pays se désintéressent d'un sujet qui ne les concerne guère.
Résultat, les banques françaises ne veulent même plus parachever
l'union bancaire, craignant d'être les seules à en payer le prix,
tandis que l'Union des marchés de capitaux, désormais privée de
l'aiguillon britannique, reste une chimère. Etre fort parmi les
faibles, telle est aussi pour Paris la rançon du Brexit.
-Alexandre Garabedian, L'Agefi ed: VLV
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July 08, 2022 05:18 ET (09:18 GMT)
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