En 48 heures, Eutelsat est devenu un ovni pour ses actionnaires minoritaires -DJ Plus
26 Juillet 2022 - 04:15PM
Dow Jones News
Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'action Eutelsat ne cesse de perdre de
l'altitude. L'action chute de 15,1% mardi, à 7,28 euros, alors que
le protocole d'accord signé par l'opérateur de satellites pour
l'acquisition de OneWeb, dont il détient déjà près de 23% du
capital, apporte chaque jour son lot de signaux alarmants à ses
actionnaires.
Eutelsat a annoncé mardi avoir signé avec les principaux
actionnaires de OneWeb un protocole d'accord en vue d'un
rapprochement entre les deux sociétés, dans le but de "créer un
acteur mondial unique et de premier plan dans le domaine de la
connectivité". Après avoir absorbé OneWeb, Eutelsat regroupera sa
flotte de 36 satellites géostationnaires (GEO) et la constellation
de 648 satellites en basse orbite (LEO) de l'entreprise
britannique, dont 428 sont actuellement opérationnels. Du fait de
la dilution qu'implique ce rapprochement, l'annonce de l'entrée en
discussions des deux parties avait déjà été fraîchement accueillie
par le marché lundi, le titre Eutelsat ayant plongé de 17,8%.
Le protocole d'accord prévoit que la transaction soit structurée
comme un apport, par les actionnaires de OneWeb, de leur
participation dans la société britannique à Eutelsat, en échange de
230 millions d'actions Eutelsat nouvellement émises. A l'issue de
l'opération, les actionnaires d'Eutelsat et de OneWeb détiendront
chacun 50% des actions de l'entité fusionnée.
Une politique de dividende nébuleuse
Dans le cadre du rapprochement envisagé, OneWeb est valorisé à 3,4
milliards de dollars, soit environ 3,3 milliards d'euros,
impliquant une valeur de 12 euros par action Eutelsat, avant
synergies et dividende inclus. Eutelsat prévoit effectivement de
verser un dividende de 0,93 euro par action au titre de son
exercice 2021-2022, achevé fin juin, avant de suspendre sa
politique de distribution pour les deux exercices suivants.
"L'absence de dividende à verser au titre des deux prochains
exercices fait l'effet d'un coup de massue", réagit un analyste
basé à Paris. Aussi, lors de la conférence organisée avec la
communauté financière, les dirigeants n'ont pas garanti une reprise
de la politique de distribution par la suite. "Cette inconnue
crispe le marché, alors que les investisseurs appréciaient le
rendement procuré par le dividende d'Eutelsat, qui servait de
coussin de sécurité lorsque le groupe décevait sur son rythme de
croissance", ajoute cet analyste.
La suspension à venir de la politique de distribution s'explique
notamment par l'épaisseur des investissements que devra consentir
l'entité fusionnée pour développer la constellation de OneWeb. Ils
sont attendus entre 725 millions et 875 millions d'euros par an sur
la période couvrant les exercices 2023-2024 à 2029-2030. "Cela
signifie que les investisseurs devront patienter jusqu'à la clôture
de l'exercice 2024-2025 ou le suivant pour espérer voir Eutelsat
dégager des flux de trésorerie convenables", déplore un gérant.
Une augmentation de capital à l'horizon ?
En attendant, l'utilisation de la robuste génération de trésorerie
d'Eutelsat pour compléter et améliorer les plans d'investissement
de OneWeb risque d'augmenter le profil de risque de la société et
de renforcer la volatilité de l'action de l'opérateur de
satellites.
Pour Société Générale, Eutelsat pourrait même devoir recourir à une
augmentation de capital ou à une émission de dette hybride d'ici à
la clôture de l'exercice 2022-2023, afin de conserver une notation
en catégorie investissement. A la fin mars, Standard & Poor's a
abaissé la perspective associée à la notation du groupe de "stable"
à "négative". Le ratio dette nette sur excédent brut d'exploitation
(Ebitda) de la future entité, qui s'élèvera à 4 après la
transaction, devrait être réduit, avec un objectif de multiple
d'endettement d'environ 3 visé à moyen terme, selon Eutelsat.
L'acquisition de OneWeb par Eutelsat anéantit également la
perspective d'une prise de contrôle de l'opérateur de satellites
par un concurrent, à laquelle se rattachaient encore quelques
investisseurs. Pour un prédateur tel que le groupe luxembourgeois
SES, l'acquisition d'un groupe qui ne génère plus de liquidités ne
représente plus grand intérêt, observe Société Générale. D'autant
que la taille de la cible en question a augmenté et que sa base
d'actionnaires est devenue plus coriace à convaincre, puisque
composée notamment des Etats français et britanniques. Les
minoritaires sont condamnés à vendre ou à s'embarquer pour une
destination inexplorée.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31;
ddelmond@agefi.fr ed: ECH
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