Trefor Moss,



The Wall Street Journal





LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Suivre le mouvement ou se pincer le nez : pour les fabricants de sacs à main, vêtements et autres bijoux de luxe, l'essor du seconde main est un casse-tête.



S'il ne date pas d'hier, le marché de l'occasion haut de gamme est aujourd'hui en plein essor. Pour certains, les très fortes hausses de prix annoncées par les grandes marques comme Chanel sont une bonne raison de s'intéresser aux produits déjà portés. Pour d'autres, il y a aussi des vertus écologiques : acheter un jean griffé d'occasion, c'est s'offrir du luxe sans puiser dans les ressources de la planète.



L'an passé, les ventes d'articles de luxe d'occasion ont bondi de 65% par rapport à 2017, contre une progression de 12% pour les articles neufs, selon Bain & Co., qui prévoit que, dans les cinq prochaines années, le chiffre d'affaires du luxe de seconde main progressera d'environ 15% par an, soit deux fois plus que celui du neuf.



La tendance menace de plomber les ventes de produits neufs ou de peser sur la capacité de fixation des prix, s'inquiètent des dirigeants des grandes maisons. D'Hermès à LVMH en passant par Chanel, plusieurs éminents spécialistes du luxe ont affirmé qu'ils ne souhaitaient pas se tourner vers le seconde main.



Mais ce n'est pas le cas de tout le monde : Kering, Burberry et Stella McCartney se sont lancés sur le marché de l'occasion, parfois en rachetant des produits auprès de leurs clients, soit pour les revendre par eux-mêmes soit pour les envoyer à des sites spécialisés qui leur reversent une partie du produit de la vente.



Rachelle Kebaili, 48 ans, vit à Port Tobacco, dans le Maryland, et gère un site de vente de livres. Elle raconte qu'il y a peu, elle a trouvé un sac Gucci vintage à 250 dollars sur Vestiaire Collective, un site de dépôt-vente en ligne consacré au luxe, alors qu'un sac neuf vaut généralement autour de 2.000 dollars.



"J'aime avoir des choses que les autres n'ont pas, des choses un peu uniques", explique-t-elle. "Et tout le monde aime les bonnes affaires, non ?"



Ces dernières années, les plateformes comme The RealReal ou Vestiaire Collective sont devenues des incontournables des produits de luxe de seconde main. Kering a rejoint The RealReal en 2020 et y propose des articles Gucci d'occasion ; l'an passé, le groupe a également pris 5% du capital de Vestiaire Collective.



Des géants font de la résistance



Mais d'autres géants font de la résistance. Mettre l'occasion en avant, c'est menacer les très lucratives ventes de produits neufs, affirment certains dirigeants, qui expliquent que ce sont d'elles que dépend une grande partie du secteur.



"Ce n'est pas quelque chose qu'Hermès encourage", a déclaré Axel Dumas, gérant de la marque qui fabrique le légendaire sac Birkin, lors de la conférence de présentation des résultats en juillet dernier. Proposer des articles d'occasion serait "préjudiciable aux clients qui viennent en magasin", avait-il ajouté.



De son côté, Chanel a indiqué en début d'année envisager de limiter le nombre de produits que les clients peuvent acheter sur certains marchés, évoquant des cas de plus en plus fréquents d'achats en grande quantité à des fins de revente. Pour certains articles Chanel ou Hermès, extrêmement convoités mais très difficiles à trouver en boutique, l'occasion est parfois plus chère que le neuf.



Mais, en règle générale, s'ils sont relativement récents et en excellent état, les biens de luxe se revendent environ 75% du prix initial, indiquent des responsables du secteur. Les tarifs des pièces plus abîmées sont beaucoup plus variables. La catégorie "vintage", elle, concerne plutôt les articles plus anciens et plus rares.



La plupart du temps, les articles d'occasion sont vendus par des particuliers qui utilisent les plateformes comme intermédiaires, sans que les marques n'interviennent. Elles essaient cependant d'obtenir leur part du gâteau.



Alexander McQueen, qui appartient à Kering, propose par exemple de racheter des articles directement à ses clients ; ces pièces sont ensuite proposées sur Vestiaire Collective avec la mention "Brand Approved", qui indique que la marque participe à un programme d'authentification des produits.



Burberry et Stella McCartney ont conclu des accords similaires avec The RealReal.



D'autres maisons sont plus réticentes à travailler avec les plateformes, qui prennent une commission sur les transactions, parce qu'elles veulent garder la maîtrise de leurs produits et ne veulent pas partager les ventes, souligne Max Bittner, le PDG de Vestiaire Collective.



"Elles voudraient le faire par elles-mêmes, mais ça nous semble difficile", estime-t-il.



Selon lui, si les produits de luxe d'occasion sont de plus en plus populaires, notamment auprès des jeunes, c'est parce qu'ils permettent aux clients de moins dépenser et d'avoir un impact moins important sur l'environnement, contrairement à beaucoup d'autres catégories de produits pour lesquels les consommateurs doivent payer plus cher pour être écolos.



Envolée des prix des produits neufs



Autre élément favorable au seconde main : l'envolée des prix des produits neufs. Pour Rati Sahi Levesque, co-directrice générale de The RealReal, certains clients achètent des articles de luxe avec l'intention de s'en servir pendant un temps puis de les revendre pour couvrir une partie de leur coût.



"Les gens se disent qu'ils vont acheter tel article puis récupérer 70% à 80% de son prix quand ils n'en veulent plus", explique-t-elle.



L'occasion séduit aussi désormais les clientes européennes fortunées qui ne s'étaient jusque-là jamais offert que du neuf, affirme Cecilia De Fano, consultante italienne en mode.



"Les prix en boutique sont devenus indécents", soupire-t-elle.



En échange d'une commission de 10%, elle aide ses clients à acheter et vendre des pièces vintage grâce à son réseau ou sur des sites web, en général Vestiaire Collective, explique-t-elle. Farfetch, une place de marché en ligne surtout connue pour les produits de luxe neufs, peut aussi s'avérer utile, ajoute-t-elle.



Selon elle, il est plus facile de trouver des articles d'occasion de bonne qualité parce que le marché s'est beaucoup développé, même si les très bonnes affaires restent rares car vendeurs et acheteurs sont de plus en plus connaisseurs.





-Trefor Moss, The Wall Street Journal



(Version française Marion Issard) ed: ECH



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October 04, 2022 04:54 ET (08:54 GMT)




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