Le choix d'un président de 70 ans chez Orange interroge sur la gouvernance - DJ Plus
17 Mars 2022 - 10:35AM
Dow Jones News
Bruno de Roulhac,
L'Agefi
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Vent de révolte chez Orange. Les
actionnaires salariés du groupe télécoms manifestent leur
opposition à l'arrivée d'un président non exécutif qui dépasserait
les 70 ans en cours de mandat, selon un communiqué signé par la
CFE-CGC Orange, qui se déclare première organisation syndicale du
groupe Orange avec une représentativité de 27,3%, et par
l'Association pour la défense de l'épargne et de l'actionnariat des
salariés du groupe Orange (Adeas).
Avec le départ contraint du PDG Stéphane Richard, suite à sa
condamnation en appel dans l'affaire Tapie, le conseil
d'administration du groupe télécoms a décidé de dissocier les
fonctions de direction. Christel Heydemann a été nommée directrice
générale à compter du 4 avril, tandis que le nom du futur président
sera dévoilé avant l'assemblée générale (AG) du 19 mai
prochain.
Lors de cette AG, Orange propose de modifier les statuts sur l'âge
du président du conseil. Actuellement, il est démissionnaire
d'office à 70 ans. Demain, s'il atteint les 70 ans en cours de
mandat, il pourra poursuivre ses fonctions jusqu'à la fin de son
mandat, habituellement de quatre ans chez Orange.
Les salariés détiennent 10% des droits de vote
Cette résolution relève de l'assemblée générale extraordinaire et
nécessite donc les deux tiers des voix. Si l'Etat, avec Bpifrance,
est le premier actionnaire d'Orange avec 23% du capital et 29% des
droits de vote, les salariés constituent le deuxième propriétaire
du groupe avec 6% du capital et près de 10% des droits de vote,
soit près de 14% en AG, sur la base du quorum de 74% de l'an
dernier. Les trois organisations syndicales représentées au conseil
de surveillance du FCPE Orange Actions, qui regroupent la plupart
des actions du personnel, ont rejeté à l'unanimité cette
résolution, précise le communiqué.
Seront-ils suivis par les autres actionnaires ? Dans leur politique
de vote, les investisseurs institutionnels ne peuvent fixer de
limite d'âge pour un administrateur ou pour un président, car ce
serait de la discrimination. "Il ne saurait être question de voter
contre un administrateur sur la base de son âge, mais uniquement
sur la base de ses mérites et de sa contribution aux travaux du
conseil d'administration (notamment en cas de doutes sur la qualité
de son travail ou de son temps disponible) ainsi que de son
indépendance (perdue au bout de 12 années de présence au conseil,
par exemple)", précise Marie-Sybille Connan, analyste ESG chez
Allianz GI. En 2016, les actionnaires de Valeo avaient rejeté la
résolution limitant à 70 ans la nomination d'un administrateur, les
investisseurs américains ayant crié à la discrimination.
Un indicateur de processus de succession
"Si nous n'émettons pas de recommandation sur l'âge limite
statutaire d'un administrateur, l'âge constitue un indicateur dans
le cadre du processus de succession, une des principales
responsabilités du conseil", précise Loïc Dessaint, responsable de
la gouvernance chez Proxinvest. Dans sa politique de vote,
Proxinvest recommande que la limite d'âge fixée dans les statuts
n'excède pas 65 ans pour le directeur général et 75 ans pour le
président du conseil et que le processus de succession soit
présenté au marché au moins deux ans avant l'atteinte de ces
limites d'âge.
"Avant d'émettre notre recommandation de vote, nous attendrons de
connaître les motivations du conseil et l'identité de
l'administrateur pour lequel ce changement est destiné", poursuit
Loïc Dessaint. "Parfois, nous recommandons que ces exceptions
statutaires sur l'âge soient nominatives, car il est rare que les
conseils d'administration fassent machine arrière une fois la
personne partie."
Maîtrise demandée des enjeux technologiques
La dernière modification des statuts de France Télécom-Orange
"avait été réalisée pour permettre à Didier Lombard de poursuivre
son mandat en repoussant l'âge limite du président et en ramenant
la durée du mandat à quatre ans. Difficile d'affirmer que cela fut
favorable à l'entreprise", ajoute le communiqué.
"Comment un président issu de l'extérieur, ne connaissant pas
l'entreprise et ne pouvant exercer qu'un seul mandat, serait-il à
même d'animer un conseil d'administration dont la vocation est de
définir les orientations stratégiques sur le temps long dont Orange
a besoin ?", relèvent les actionnaires salariés, soulignant
qu'Orange "appartient au secteur des nouvelles technologies et
qu'il est difficile de nommer sa tête des dirigeants n'en ayant pas
une parfaite maîtrise".
Cet argument en faveur d'un président moins âgé, "donc plus au fait
des évolutions techniques et technologiques, compétent sur les
enjeux sectoriels, fait sens pour Orange", ajoute Loïc Dessaint.
Seraient en lice, Jacques Aschenbroich, actuel président de Valeo,
bientôt 68 ans et Patricia Barbizet, bientôt 67 ans, selon Le
Monde. En outre, Le personnel s'interroge sur la cohérence et
l'exemplarité, alors qu'un plan de départs volontaires pour les
plus de 57 ans vise jusqu'à 10.000 salariés.
La nomination de quelqu'un qui approche des 70 ans, donc pour un
seul mandat "présente peu d'intérêt car il faut pouvoir se projeter
dans le futur. Que nous proposerait alors le conseil à la fin du
mandat ? Changer de président, rallonger une fois encore l'âge
statutaire, regrouper les fonctions de président et de directeur
général ? Aucune de ces trois options ne semblent a priori
souhaitable pour une bonne gouvernance", conclut Proxinvest,
attendant une dissociation pérenne des fonctions.
-Bruno de Roulhac, L'Agefi ed: VLV
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