Le marché sous-estime le "pricing power" des groupes brassicoles - Plus Inter
06 Mai 2022 - 12:35PM
Dow Jones News
Carol Ryan,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--En matière de prix, la puissance de
frappe des groupes brassicoles est peut-être moins imposante que
celle des groupes de spiritueux, mais elle est bien plus
souple.
Anheuser-Busch InBev, propriétaire de Budweiser, est le dernier
brasseur en date à avoir publié des résultats meilleurs que prévu
au titre du premier trimestre 2022, après Heineken et
Carlsberg.
Le pouvoir de fixation des prix des groupes de bières se révèle
tout à fait honorable compte tenu du fait que les consommateurs
sont pris en étau par l'inflation. AB InBev, numéro un mondial du
secteur, a relevé ses prix de près de 8% au cours du trimestre clos
fin mars par rapport à la période correspondante de l'an dernier,
ce qui ne l'a pas empêché d'augmenter ses ventes de bières de 2,8%,
selon le rapport publié jeudi par le groupe. Chez Heineken, numéro
deux mondial, chaque litre de bière vendu au cours de la même
période a permis de dégager 18% de chiffre d'affaires
supplémentaire, grâce à des hausses de prix et à la mise en avant
des marques premium.
Avantage au secteur des spiritueux
Les investisseurs affichent depuis le début de la pandémie une
nette préférence pour les valeurs du secteur des spiritueux. En
multiple des résultats attendus, les titres des grands groupes
mondiaux de boissons alcoolisées Diageo, Campari, Pernod Ricard et
Rémy Cointreau s'échangent actuellement avec une prime de 60% en
moyenne par rapport aux grands groupes brassicoles, contre 30%
juste avant le début de la crise sanitaire.
Le véritable engouement pour les cocktails maison observé aux
Etats-Unis pendant les confinements ont influé sur les préférences
des actionnaires en début de crise, mais la capacité de fixation
des prix est un facteur qui prend maintenant une importance
croissante dans un contexte de tensions inflationnistes
persistantes. En théorie, les coûteuses marques de liqueurs
qu'affectionnent les consommateurs aisés devraient être capables
d'augmenter leurs prix sans pénaliser la demande.
Or les brasseurs pourraient faire montre d'une meilleure capacité à
relever leurs prix modérément mais fréquemment. Les volumes de
bières étant faibles depuis des années sur les marchés matures, le
pouvoir de fixation des prix constitue un important moteur de
croissance pour les marques de bières. Les données de Bernstein
montrent qu'entre 2010 et 2019, les brasseurs ont relevé leurs prix
de 1,7% par an aux Etats-Unis, un rythme près de deux fois
supérieur à celui des groupes de spiritueux. Les groupes
brassicoles ont également un peu mieux réussi à renforcer la
composante "mix" de leur croissance, en s'attachant en priorité à
améliorer les ventes de leurs marques premium.
Cela fait des années qu'aux Etats-Unis, les groupes de spiritueux
prennent des parts de marché à la bière et au vin. Ils s'en sortent
en conséquence relativement bien en se contentant d'augmenter leurs
volumes de vente. Il en résulte que même si les groupes de
spiritueux disposent d'une importante marge encore inexploitée en
matière de fixation des prix, grossistes et distributeurs sont
moins habitués à subir de leur part des hausses de prix régulières,
surtout pour les spiritueux plus standards et non vieillis comme le
gin ou la vodka.
Un secteur plus concentré
Le secteur brassicole est plus concentré à l'échelle mondiale - un
potentiel avantage dans les négociations avec les distributeurs.
Les cinq premiers groupes contrôlent 54% du marché mondial, contre
25% pour les cinq premiers groupes mondiaux de spiritueux, selon
les données d'Euromonitor. Outre-Atlantique, le secteur brassicole
est si consolidé que le Trésor a recommandé en février au
département américain de la Justice d'examiner l'impact des
acquisitions de brasseurs artisanaux par les grands groupes sur les
prix et l'innovation dans le secteur de la bière aux
Etats-Unis.
Les brasseurs ne sont certes pas toujours dans une position aussi
favorable que celle observée au premier trimestre. En Europe, les
ventes 'on-trade', liées à la consommation dans les bars, hôtels ou
restaurants, ont repris en force avec le reflux de la pandémie et
la réouverture des lieux de sortie. La disposition des
consommateurs à payer davantage pour les boissons consommées à
l'extérieur profite à toutes les entreprises de boissons
alcoolisées, notamment celles qui, comme Heineken, sont fortement
exposées aux lieux de vie nocturne de la région.
Les brasseurs supportent des coûts fixes élevés, et doivent donc
accélérer leurs prix pour préserver leurs marges bénéficiaires de
l'inflation du coût des intrants. Jusqu'à présent, les feux sont au
vert. Les cocktails sont peut-être plus tendance auprès des
investisseurs, mais les buveurs de bière acceptent bien mieux les
hausses de prix.
-Carol Ryan, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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May 06, 2022 06:15 ET (10:15 GMT)
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