La transition énergétique du Royaume-Uni est menacée par sa nouvelle taxe -Plus Europe
30 Mai 2022 - 11:30AM
Dow Jones News
Stephen Wilmot et Rochelle Toplensky,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les responsables politiques britanniques
souhaitent accroître l'indépendance énergétique de leur pays. Ils
comptent aussi réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2).
Mais plus que tout, ils veulent être élus.
Ces priorités contradictoires ont tracé un chemin tortueux vers un
nouvel impôt sur les bénéfices pétroliers et gaziers au
Royaume-Uni, finalement annoncé jeudi dernier après moults débats
et fuites dans la presse. La "taxe sur les bénéfices énergétiques"
ajoute 25% supplémentaires au taux d'imposition global de 40% sur
les revenus locaux de l'industrie. Le gouvernement du Premier
ministre, Boris Johnson, s'attend à ce que cette taxe rapporte
environ 5 milliards de livres sterling (5,9 milliards d'euros) au
cours de ses 12 premiers mois d'existence.
Les compagnies pétrolières et gazières Shell et BP, dont le siège
social se situe au Royaume-Uni et qui possèdent des activités dans
les eaux écossaises, se trouvent au coeur de ce débat sur la
fiscalité. Ces dernières semaines, les deux entreprises ont
présenté des plans d'investissement au Royaume-Uni afin d'apaiser
le débat public né après la publication de robustes résultats
financiers.
TotalEnergies plus touché que BP et Shell
Shell et BP possèdent toutefois des activités dans le monde entier,
ce qui dilue l'effet de la taxe pour les investisseurs. Shell a
généré seulement 8,4% de ses revenus au Royaume-Uni l'année
dernière et BP 7,1%, selon FactSet. Le groupe américain Exxon Mobil
a réalisé 5,3% de son chiffre d'affaires dans ce pays, mais a cédé
une grande partie de ses actifs britanniques l'année dernière. Ce
pourcentage va donc baisser. TotalEnergies sera en réalité la major
pétrolière la plus touchée par cette nouvelle taxe, selon les
estimations de Bank of America.
Cette taxe a été présentée comme un moyen de financer un ensemble
de mesures d'un coût total de 15 milliards de livres sterling
destiné à compenser la pression exercée sur les ménages par la
hausse des prix de l'énergie au Royaume-Uni. Le gouvernement
britannique a été vivement critiqué après une précédente révision
de la politique économique en mars qui n'a pas fait grand-chose
pour résoudre le problème. Le gouvernement de Boris Johnson est par
ailleurs déterminé à démontrer qu'il agit après la publication, la
semaine dernière, d'un rapport sur les infractions des services du
Premier ministre aux règles de confinement à Downing Street en
2020.
Cette mesure rappelle que la politique énergétique est facilement
usurpée par la politique tout court, entraînant des résultats
contradictoires et un environnement opérationnel désordonné pour
les entreprises. Pas plus tard que le mois dernier, le gouvernement
britannique a annoncé qu'il donnerait "un nouveau souffle aux
gisements d'énergie de mer du Nord" dans le cadre d'une nouvelle
stratégie de sécurité énergétique qui mettait également l'accent
sur les énérgies renouvelables telles que l'éolien offshore.
Le gouvernement britannique a tenté de préserver les incitations à
l'investissement accordées aux compagnies pétrolières et gazières,
notamment dans le domaine des énergies renouvelables, en intégrant
à la nouvelle taxe une "allocation d'investissement" de 80%, qui
fonctionne comme un crédit d'impôt. BP a indiqué qu'elle allait
étudier l'impact de cette taxe sur son plan d'investissement de 18
milliards de livres sterling au Royaume-Uni.
Une taxe pas vraiment exceptionnelle
Le nouvel impôt a été largement mais faussement qualifié de "taxe
exceptionnelle". Les économistes considèrent qu'une véritable taxe
exceptionnelle, soit un prélèvement unique sur les bénéfices, est
un moyen théoriquement efficace pour les gouvernements de lever des
fonds car il n'affecte pas les incitations à investir. Néanmoins,
comme BP l'a souligné, la nouvelle taxe britannique est un
programme pluriannuel. Le gouvernement a indiqué qu'il supprimerait
progressivement cet impôt "si les prix du pétrole et du gaz
reviennent à des niveaux historiquement plus normaux", tout en
prévoyant son expiration automatique à la fin de 2025.
Cette taxe risque ainsi de dissuader les entreprises d'investir,
notamment dans dans la transition énergétique. Une meilleure
approche, de long terme, des bénéfices exceptionnels, déjà utilisée
par de nombreux pays, consisterait en une hausse des taux
d'imposition qui s'appliquerait automatiquement lorsque les prix du
pétrole et du gaz augmentent.
Les majors européennes du pétrole et du gaz présentent depuis
longtemps une décote par rapport à leurs homologues américaines,
qui n'a fait que s'accentuer cette année avec la surperformance des
actions Exxon Mobil et Chevron. Il existe d'autres raisons à cette
décote, telles que des bases actionnariales et des approches de la
transition énergétique différentes, mais la politique énergétique
incohérente de Londres ne permettra certainement pas de réduire
l'écart.
-Stephen Wilmot et Rochelle Toplensky, The Wall Street Journal
(Version française Valérie Venck) ed: ECH
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May 30, 2022 05:10 ET (09:10 GMT)
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