Hausse des taux et freins politiques pénalisent l'essor de l'hydrogène -Plus Inter
27 Juin 2022 - 1:12PM
Dow Jones News
Rochelle Toplensky,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Si les décisions de Vladimir Poutine ont
eu pour effet de mettre en avant les projets d'hydrogène à faible
émission de carbone, le marché d'actions n'en laisse pour sa part
rien transparaître.
Les menaces que ne cesse de faire peser le chef du Kremlin sur
l'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel ont renforcé les
arguments, aussi bien politiques qu'économiques, en faveur du
développement d'un hydrogène propre. De nombreux gouvernements ont
en conséquence multiplié leurs engagements en faveur de l'hydrogène
dans l'optique d'augmenter la sécurité énergétique des importateurs
de combustibles fossiles, tandis que la hausse des prix du charbon,
du gaz et des crédits carbone dans l'Union européenne a renforcé la
compétitivité des coûts de l'hydrogène dit vert, obtenu
principalement par électrolyse de l'eau à partir d'électricité
renouvelable.
De nouveau projets continuent de se développer. Récemment, BP et
TotalEnergies ont dévoilé des investissements de plusieurs
milliards de dollars dans l'hydrogène. Les majors pétrolières sont
des acteurs de poids parce qu'elles disposent de la trésorerie
nécessaire, d'une expertise dans les mégaprojets, d'une influence
politique ainsi d'une expérience de taille en matière de
traitement, de transport et de vente de gaz.
Un secteur à la peine en Bourse
Or les actions des sociétés spécialisées dans l'hydrogène affichent
une performance bien inférieure à celle du marché, certains cours
de Bourse ayant fondu de près de moitié. La décision la semaine
dernière du géant industriel allemand Thyssenkrupp de renoncer pour
le moment à l'introduction en Bourse d'une participation
minoritaire de sa division hydrogène illustre bien cette tendance.
Les investisseurs sont pour l'heure découragés par la hausse des
taux d'intérêt et la lenteur des décisions politiques, ils
souffrent encore de l'envolée astronomique des valorisations en
2020.
La hausse des taux d'intérêt réduit la valeur attendue des
rendements des paris de long terme et consommateurs de trésorerie
comme l'hydrogène propre. La plupart des projets d'hydrogène ne
produiront pas les quantités prévues avant au moins 5 ans. Les
fabricants des électrolyseurs qui produisent l'hydrogène vert et
les piles à combustible qui l'utilisent pour fabriquer de
l'électricité sont en train d'accélérer les cadences de production,
ce qui est une phase relativement coûteuse. Dans bien des cas,
leurs marges bénéficiaires ont également souffert récemment dans la
mesure où leur petite capacité de production limite leur pouvoir de
négociation face à l'inflation des coûts et aux retards dans la
chaîne d'approvisionnement.
Une action gouvernementale particulièrement lente
Il existe un autre obstacle, d'ordre politique. Malgré de grandes
déclarations, l'action des gouvernements pour appuyer ces projets
est particulièrement lente. Aux Etats-Unis, l'hydrogène propre
constitue un véritable objectif pour le département de l'Energie,
mais les crédits d'impôt pour l'hydrogène initialement prévus dans
le projet de loi "Build Back Better" ont, entre autres mesures, été
écartés. L'Union européenne a de son côté doublé ses objectifs en
matière d'hydrogène à l'horizon 2030 pour contribuer à remplacer
les combustibles russes, mais les dirigeants européens continuent
pour l'heure à débattre des modalités de déploiement des
infrastructures et d'éléments qui entreront ou non dans le champ
des avantages fiscaux. Les mesures incitatives concernent
principalement l'offre, mais la demande doit elle aussi être
soutenue.
"Les mesures de soutien au déploiement en Europe sont sans cesse
retardées. Il y a je ne sais combien de centaines de mégawatts de
projets qui sont prêts mais toujours en attente", constate
Pierre-Etienne Franc chez Hy24, un fonds d'infrastructure pour
l'hydrogène débarboné qui a récemment levé plus de 1,6 milliard
d'euros.
Un fort soutien des autorités en Asie contribue a contrario au
développement du marché dans la région. Certains redoutent que la
Chine en vienne à dominer la fabrication des équipements
d'hydrogène, comme c'est déjà le cas pour les panneaux solaires. En
revanche, les exigences d'entretien des électrolyseurs pourraient
faciliter la compétitivité des acteurs locaux, comme cela s'est
passé pour les fournisseurs de turbines éoliennes.
Des titres onéreux, malgré leur recul
Même après les reculs de cette année, les valeurs du secteur de
l'hydrogène restent onéreuses, avec des multiples valeur
d'entreprise/chiffre d'affaires compris entre 3 et 26. ITM Power,
NEL et McPhy Energy fabriquent des électrolyseurs, tandis que
Ballard Power Systems, Powercell Sweden et Plug Power fabriquent
les piles à combustible. Ceres Power et Bloom Energy travaillent
sur la technologie plus expérimentale de la pile à hydrogène à
oxyde céramique.
La durée de leur déconfiture boursière dépendra en partie des
banquiers centraux, mais il faudrait sans doute aussi que les
dirigeants politiques prennent des mesures à la hauteur de leurs
engagements pour que le malaise actuel ait quelque chance de se
dissiper.
-Rochelle Toplensky, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed: ECH
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June 27, 2022 06:52 ET (10:52 GMT)
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