Rochelle Toplensky,



The Wall Street Journal



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Si les décisions de Vladimir Poutine ont eu pour effet de mettre en avant les projets d'hydrogène à faible émission de carbone, le marché d'actions n'en laisse pour sa part rien transparaître.



Les menaces que ne cesse de faire peser le chef du Kremlin sur l'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel ont renforcé les arguments, aussi bien politiques qu'économiques, en faveur du développement d'un hydrogène propre. De nombreux gouvernements ont en conséquence multiplié leurs engagements en faveur de l'hydrogène dans l'optique d'augmenter la sécurité énergétique des importateurs de combustibles fossiles, tandis que la hausse des prix du charbon, du gaz et des crédits carbone dans l'Union européenne a renforcé la compétitivité des coûts de l'hydrogène dit vert, obtenu principalement par électrolyse de l'eau à partir d'électricité renouvelable.



De nouveau projets continuent de se développer. Récemment, BP et TotalEnergies ont dévoilé des investissements de plusieurs milliards de dollars dans l'hydrogène. Les majors pétrolières sont des acteurs de poids parce qu'elles disposent de la trésorerie nécessaire, d'une expertise dans les mégaprojets, d'une influence politique ainsi d'une expérience de taille en matière de traitement, de transport et de vente de gaz.



Un secteur à la peine en Bourse



Or les actions des sociétés spécialisées dans l'hydrogène affichent une performance bien inférieure à celle du marché, certains cours de Bourse ayant fondu de près de moitié. La décision la semaine dernière du géant industriel allemand Thyssenkrupp de renoncer pour le moment à l'introduction en Bourse d'une participation minoritaire de sa division hydrogène illustre bien cette tendance. Les investisseurs sont pour l'heure découragés par la hausse des taux d'intérêt et la lenteur des décisions politiques, ils souffrent encore de l'envolée astronomique des valorisations en 2020.



La hausse des taux d'intérêt réduit la valeur attendue des rendements des paris de long terme et consommateurs de trésorerie comme l'hydrogène propre. La plupart des projets d'hydrogène ne produiront pas les quantités prévues avant au moins 5 ans. Les fabricants des électrolyseurs qui produisent l'hydrogène vert et les piles à combustible qui l'utilisent pour fabriquer de l'électricité sont en train d'accélérer les cadences de production, ce qui est une phase relativement coûteuse. Dans bien des cas, leurs marges bénéficiaires ont également souffert récemment dans la mesure où leur petite capacité de production limite leur pouvoir de négociation face à l'inflation des coûts et aux retards dans la chaîne d'approvisionnement.



Une action gouvernementale particulièrement lente



Il existe un autre obstacle, d'ordre politique. Malgré de grandes déclarations, l'action des gouvernements pour appuyer ces projets est particulièrement lente. Aux Etats-Unis, l'hydrogène propre constitue un véritable objectif pour le département de l'Energie, mais les crédits d'impôt pour l'hydrogène initialement prévus dans le projet de loi "Build Back Better" ont, entre autres mesures, été écartés. L'Union européenne a de son côté doublé ses objectifs en matière d'hydrogène à l'horizon 2030 pour contribuer à remplacer les combustibles russes, mais les dirigeants européens continuent pour l'heure à débattre des modalités de déploiement des infrastructures et d'éléments qui entreront ou non dans le champ des avantages fiscaux. Les mesures incitatives concernent principalement l'offre, mais la demande doit elle aussi être soutenue.



"Les mesures de soutien au déploiement en Europe sont sans cesse retardées. Il y a je ne sais combien de centaines de mégawatts de projets qui sont prêts mais toujours en attente", constate Pierre-Etienne Franc chez Hy24, un fonds d'infrastructure pour l'hydrogène débarboné qui a récemment levé plus de 1,6 milliard d'euros.



Un fort soutien des autorités en Asie contribue a contrario au développement du marché dans la région. Certains redoutent que la Chine en vienne à dominer la fabrication des équipements d'hydrogène, comme c'est déjà le cas pour les panneaux solaires. En revanche, les exigences d'entretien des électrolyseurs pourraient faciliter la compétitivité des acteurs locaux, comme cela s'est passé pour les fournisseurs de turbines éoliennes.



Des titres onéreux, malgré leur recul



Même après les reculs de cette année, les valeurs du secteur de l'hydrogène restent onéreuses, avec des multiples valeur d'entreprise/chiffre d'affaires compris entre 3 et 26. ITM Power, NEL et McPhy Energy fabriquent des électrolyseurs, tandis que Ballard Power Systems, Powercell Sweden et Plug Power fabriquent les piles à combustible. Ceres Power et Bloom Energy travaillent sur la technologie plus expérimentale de la pile à hydrogène à oxyde céramique.



La durée de leur déconfiture boursière dépendra en partie des banquiers centraux, mais il faudrait sans doute aussi que les dirigeants politiques prennent des mesures à la hauteur de leurs engagements pour que le malaise actuel ait quelque chance de se dissiper.





-Rochelle Toplensky, The Wall Street Journal



(Version française Emilie Palvadeau) ed: ECH



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June 27, 2022 06:52 ET (10:52 GMT)




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