Le "nouveau Veolia" en promet mais l'intégration de Suez intimide le marché - DJ Plus
08 Février 2022 - 4:14PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Plus grand et davantage porté sur
l'international, Veolia a radicalement changé de dimension. Un an
et demi après s'être lancé à l'assaut de Suez, son PDG, Antoine
Frérot, a réussi son pari visant à créer un "champion mondial de la
transformation écologique".
Le groupe de services aux collectivités a finalisé la semaine
dernière la cession du "nouveau Suez" à un consortium
d'investisseurs, ce qui marque l'aboutissement du rapprochement
entre les deux sociétés.
Le chemin menant à cet épilogue a été semé d'embûches mais le
résultat "en valait l'effort", juge le bureau d'études indépendant
AlphaValue. Grâce au rachat de la grande majorité des actifs de
Suez hors de France, le "nouveau Veolia" se retrouve idéalement
armé pour accélérer son développement.
Veolia a grandi d'un coup et à moindre coût
La société "s'est fortement renforcée à l'international en une
seule opération et à un prix raisonnable, avec un multiple
d'environ 8 fois l'Ebitda [excédent brut d'exploitation, NDLR]
pré-Covid", souligne Tancrède Fulop, analyste chez Morningstar.
Sans ce rachat, "le groupe aurait dû mener plusieurs acquisitions
pour arriver au même résultat, et aurait certainement payé des
multiples d'Ebitda supérieurs à 10", poursuit-il.
Le nouveau Veolia a ainsi augmenté de près de 40% ses revenus
annuels pour les faire passer à 37 milliards d'euros. "Veolia
renforce nettement sa taille critique, ce qui constitue un avantage
dans un marché extrêmement fragmenté", estime Jan Patteyn, analyste
chez Octo Finances.
Son exposition à la France, un pays mature, se réduit à environ 16%
contre 21% en 2019. Le nouveau groupe bénéficie de "positions de
marché plus fortes et d'une diversification accrue", apprécie
S&P Global Ratings. De plus, "en acquérant de nombreux actifs
de Suez à l'international, Veolia a éliminé un important concurrent
sur plusieurs marchés, ce qui pourrait lui permettre de gagner plus
aisément des contrats", remarque Tancrède Fulop.
Les synergies pourraient réserver de bonnes surprises. Veolia a
évalué à 500 millions d'euros les gains attendus sur les achats et
sur l'optimisation opérationnelle, comme l'amélioration du
rendement des usines ou la rationalisation de la collecte des
déchets. Grâce à ces synergies, l'opération aura un impact positif
à deux chiffres sur le résultat net par action dès 2022, qui
s'élèvera ensuite à plus de 40% en 2024.
Berenberg qualifie néanmoins de "prudent" le chiffrage de Veolia et
s'attend à ce que la société extraie 300 millions d'euros
d'économies supplémentaires grâce à l'intégration de Suez sur la
période 2022-2028.
L'efficacité énergétique, un enjeu majeur
Surtout, le groupe n'a pas encore détaillé les synergies de revenus
alors que les actifs hérités de Suez lui procurent d'importantes
complémentarités commerciales et technologiques. "La présence de
Veolia sur les segments de l'efficacité énergétique, des boucles
locales d'énergie ou encore de l'énergie industrielle pourra
bénéficier aux clients actuels de Suez cherchant à réduire leur
empreinte carbone", explique Oddo BHF. "Suez apporte à Veolia des
technologies complémentaires, comme dans le recyclage de certains
types de plastiques ou dans l'assainissement et la réutilisation
des eaux usées", note Tancrède Fulop de Morningstar.
Veolia s'est également renforcé dans les déchets dangereux, "une
activité porteuse avec de fortes barrières à l'entrée", remarque
Jan Patteyn d'Octo Finances. Ce métier présente "une croissance
structurelle importante, portée par le durcissement des
réglementations environnementales", ajoute Tancrède Fulop.
Des analystes optimistes ou absents
Les qualités de ce "nouveau Veolia" ne sont pas suffisamment
appréciées par le marché. L'absence de suivi de nombreux bureaux
d'études l'explique au moins en partie. Plusieurs intermédiaires
financiers ont dû suspendre leur couverture car leur employeur
était impliqué dans le rapprochement avec Suez. FactSet recense
ainsi huit analystes suivant le titre contre 15 en juillet 2020,
juste avant le début de ce long feuilleton.
Berenberg et Barclays ont pour leur part relevé leur objectif de
cours, à respectivement 38 euros et 40 euros, soit un potentiel
d'appréciation de 17% et 23%. "Le titre n'intègre pas encore tous
les bénéfices de l'opération, les investisseurs attendent peut-être
de voir si l'intégration se passe bien", estime un analyste
parisien alors que selon FactSet, l'objectif de cours moyen des
intermédiaires se situe 36,6 euros, ce qui confère au titre un
potentiel de hausse de 13%. "Les vertus du rapprochement sont
prometteuses mais l'intégration requiert désormais un important
travail de la part de Veolia", abonde Jan Patteyn.
Le groupe aura l'occasion de communiquer sur ce point lors de la
publication de ses comptes annuels, le 17 mars. Barclays indique
que des résultats supérieurs aux attentes couplés à l'annonce de
perspectives 2022 pour le nouvel ensemble constitueraient un
catalyseur.
"Communiquer des objectifs 2022 qui tiennent compte du changement
de périmètre permettra au marché de mieux appréhender le nouveau
profil du groupe ainsi que la contribution aux bénéfices des actifs
de Suez", considère de son côté Tancrède Fulop. Le "nouveau Veolia"
a les moyens de mettre l'eau à la bouche du marché.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH - VLV
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