Le commerce international évolue sans revenir à un ordre préétabli - Plus Inter
09 Janvier 2023 - 11:52AM
Dow Jones News
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Le concept de démondialisation revient à
la mode. Le scénario le plus probable est sans doute celui d'une
réorganisation permanente des échanges commerciaux qui favorisera
l'avènement de nouveaux champions géopolitiques - s'ils mettent
toutes les chances de leur côté pour en tirer parti.
Le commerce mondial a subi des chocs majeurs en 2022. Les échanges
de matières premières entre la Russie et l'Europe se sont réduits
comme peau de chagrin. Les confinements en Chine ont continué de
perturber les chaînes d'approvisionnement. L'administration Biden a
déboursé des montants colossaux pour rapatrier aux Etats-Unis la
production de semi-conducteurs et de batteries de véhicules
électriques, actuellement concentrée en Asie. S'agissant des
entreprises, Apple a entrepris, après les manifestations qui ont
secoué la ville chinoise de Zhengzhou, d'accélérer la
diversification géographique de la production de l'iPhone.
Les dirigeants politiques adorent mettre en avant la sécurité
nationale et le retour des emplois sur leur marché national, mais
la mise en oeuvre est loin d'être simple. La décision en 2018 de
l'ancien président américain Donald Trump d'imposer des droits de
douane aux produits importés de Chine avait remis la
démondialisation au coeur du débat. Jusqu'à présent, cette décision
a plutôt eu pour effet de favoriser l'importation aux Etats-Unis de
produits en provenance de pays d'Asie du Sud-Est, comme le Vietnam,
l'Indonésie et la Thaïlande, au détriment de la Chine, plutôt que
de réduire les importations de manière générale.
Le guerre en Ukraine a changé la donne énergétique
De même, la guerre en Ukraine a redessiné la carte mondiale de
l'énergie, en réorientant les exportations russes d'énergie vers la
Chine et l'Inde, et les importations européennes depuis les
Etats-Unis et le Moyen-Orient - sans améliorer pour autant
l'indépendance énergétique de l'Europe. Bruxelles compte y remédier
en misant sur les énergies renouvelables, mais il s'agit d'un
projet de long terme qui, paradoxalement, devrait renforcer les
importations de matières premières hors énergie, comme le cuivre.
De manière révélatrice, les projets d'énergie éolienne sont
actuellement retardés par des chaînes d'approvisionnement engorgées
au niveau mondial et des goulets d'étranglement au niveau
local.
Il est logique que la mondialisation ne puisse pas être facilement
détricotée. Le retour de l'inflation depuis la pandémie de Covid-19
est venu rappeler que le coût induit par des frictions commerciales
accrues est difficilement supportable pour les consommateurs. Les
aides gouvernementales peuvent faire une différence dans quelques
secteurs politiquement sensibles, comme les micropuces et les
batteries, mais même là, de nouvelles routes commerciales vont
s'ouvrir ou des routes existantes vont se développer jusqu'à
remplacer celles qui sont menacées. Les nouvelles usines de
batteries aux Etats-Unis auront ainsi besoin de vastes quantités
d'intrants en provenance de carrefours miniers tels que
l'Australie, la Chine et le Canada.
Le Mexique pourrait profiter des tensions sino-américaines
Le Mexique pourrait également être l'un des grands bénéficiaires de
la guerre commerciale sino-américaine. Le pays verse des salaires
plus bas qu'en Chine, possède un secteur manufacturier bien établi
qui s'appuie sur l'industrie automobile et dispose d'une position
géographique idéale pour desservir le marché américain - surtout
depuis la généralisation des vidéoconférences, qui accentuent
l'intérêt de partager le même fuseau horaire.
Les analystes de Bank of America en voient déjà des preuves : les
importations aux Etats-Unis de produits manufacturés mexicains
étaient en octobre globalement supérieures de 60% à leur niveau
prépandémique. Il est intéressant de noter que le Mexique a vu ses
exportations vers les Etats-Unis augmenter dans certains secteurs
industriels à faible technologie comme le plastique et les
textiles, alors que celles de la Chine ont diminué.
Des besoins d'investissements massifs
Le hic, c'est que les pays qui cherchent à remplacer la Chine en
tant que sources d'approvisionnement pour les Etats-Unis vont sans
doute devoir investir massivement. La montée en puissance de la
Chine n'est pas uniquement due à une main d'oeuvre bon marché. Bob
Koopman, maître de conférence à l'American University et ancien
chef économiste de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC),
souligne que si les entreprises internationales ont choisi
d'utiliser le pays comme centre de production, c'est en grande
partie en raison de la modernité de ses infrastructures.
La situation politique locale jouera également un rôle. Le nouveau
gouvernement chilien a proposé l'été dernier une hausse
spectaculaire des redevances minières avant d'opter en octobre pour
un plan plus favorable aux investissements. Le différend qui oppose
le Mexique aux Etats-Unis et au Canada en raison de sa politique
énergétique qui, selon les entreprises nord-américaines, joue en
leur défaveur, met en évidence le risque pour le pays de passer à
côté des opportunités actuelles de relocalisation.
Même les pays les mieux positionnés pour tirer parti des
bouleversements majeurs dans les échanges internationaux n'y
parviendront qu'au prix de gros efforts.
-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed: VLV
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