David Benoit,



The Wall Street Journal





NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Les banques de Wall Street manquent de marge de manœuvre pour faire tourner les marchés financiers ? L'économie du partage a peut-être la solution.



C'est en tout cas l'idée de Capitolis, une start-up soutenue par des grands noms de Wall Street et de la Silicon Valley. Comme Airbnb avait, avant elle, transformé les logements vides en locations saisonnières, Capitolis transforme l'argent dormant des géants de l'investissement comme BlackRock en actifs que les banques peuvent utiliser pour toute une palette de transactions.



Intermédiaires entre vendeurs et acheteurs de titres et fournisseuse de prêts aux entreprises, les banques sont indispensables au bon fonctionnement des marchés, mais les régulateurs les obligent à mettre des capitaux de côté à chaque transaction, de façon à protéger les épargnants d'éventuelles pertes.



Depuis la crise financière de 2008, de nouvelles règles ont renforcé ces exigences de fonds propres et les banques ont fait du zèle, bloquant des milliers de milliards de dollars qui circulaient jusque-là dans le système financier : elles sont donc plus sûres, mais plus limitées dans leur capacité d'action, surtout en période de turbulences financières.



C'est là qu'intervient Capitolis : elle rapproche les investissements des gérants d'actifs, des fonds de pension et des fonds monétaires, d'une part, des transactions que les banques gèrent et souscrivent, d'autre part. Ces deux dernières années, elle a levé quelque 60 milliards de dollars que les banques ont pu utiliser et réduit plusieurs milliers de milliards de dollars de positions de trading, explique Gil Mandelzis, son fondateur et directeur général.



JPMorgan et Citigroup, clients et actionnaires



JPMorgan Chase et Citigroup, deux des plus grands acteurs des marchés mondiaux, font appel à Capitolis pour travailler avec davantage de clients ; ils sont également actionnaires de la start-up, aux côtés des fonds de venture capital Sequoia Capital et Andreessen Horowitz. Le tour de table réalisé en mars a valorisé la jeune pousse à 1,6 milliard de dollars.



L'idée de Gil Mandelzis n'est pas sans rappeler des choses qui se sont faites par le passé : les banques regroupent et revendent depuis longtemps leurs emprunts à d'autres banques ou à des investisseurs. Capitolis s'est inspirée de ce principe de syndication pour transformer tous les produits bancaires (des swaps de devises aux lignes de crédit) en titres de créance pouvant être vendue à des investisseurs.



Citigroup détient, par exemple, un portefeuille d'actions lié aux positions prises par ses clients. Avec l'argent des investisseurs, Capitolis conclut des contrats dérivés qui permettent de sortir le risque du bilan de Citigroup, qui peut faire davantage de trading. Les investisseurs, eux, touchent une rémunération fixe.



S'il est encore balbutiant, cet objectif d'externalisation des besoins en fonds propres des banques pourrait bien refondre le rôle de ces institutions sur le marché et dans l'économie. Séparer les capitaux nécessaires pour réaliser une transaction du processus d'exécution de ladite transaction pourrait aider les banques à travailler avec plus de clients (particuliers ou professionnels) sans prendre de risques susceptibles de miner le système financier. Selon les fondateurs de l'entreprise, l'idée est de parvenir à un marché plus à même d'absorber les pics d'échanges et la demande de prêts.



"A terme, les capitaux seront découplés de la question de la souscription", explique Gil Mandelzis. "Et on se demandera comment on avait fait jusqu'à présent."



Saisir les occasions dont les banques ne veulent plus



Le fait que les banques aient réduit la voilure ne fait pas consensus et certains pensent que ce ne serait, le cas échéant, pas une mauvaise chose. Des traders à haute fréquence aux acteurs du prêt non bancaire, ils sont quelques-uns à avoir saisi les occasions dont les banques ne veulent plus.



Une chose est sûre : le fait que les banques accumulent les capitaux exacerbe les perturbations sur les marchés. C'est ce qui s'est produit en septembre 2019 : une pénurie de cash a fait exploser les coûts d'emprunt sur le marché à court terme. Ou en mars 2020, quand les banques n'ont pas réussi à apaiser la tempête sur le marché des bons du Trésor américain, pourtant extrêmement sûr. A chaque fois, la Fed a dû intervenir.



"Avant 2008, personne ne s'intéressait aux bilans", souligne Tom Glocer, cofondateur et président de Capitolis. "Aujourd'hui, c'est la base de toutes les décisions."



Capitolis est née sur un court de tennis, où Gil Mandelzis (qui avait été gérant d'un bar en Israël avant de devenir banquier et entrepreneur) jouait régulièrement avec Tom Glocer, administrateur de Morgan Stanley et ancien patron de Thomson Reuters.



Entre deux coups de raquette, les deux hommes ont discuté du paradoxe croissant de la finance : les investisseurs et les gérants d'actifs croulaient sous l'argent et cherchaient de nouvelles façons de le placer, quand les banques refusaient des clients par manque de capitaux.



Gil Mandelzis faisait partie de ces clients éconduits. A l'époque, il était directeur d'EBS BrokerTec, une plateforme de trading obligataire dont la maison-mère avait racheté sa première start-up. BrokerTec avait besoin d'une ligne de crédit pour couvrir les appels de marge provoqués par des turbulences sur le marché.



Avant la crise financière, les banques accordaient ces lignes de crédit comme elles offraient des stylos publicitaires à leurs clients particuliers. Mais après 2008, la réglementation les a forcées à constituer des réserves de fonds propres même pour les lignes de crédit inutilisées. Les banques ont donc réservé ces précieux dispositifs aux gros clients ; les autres devaient payer très cher ou se débrouiller sans.



Gil Mandelzis raconte qu'il a expliqué au conseil d'administration qu'une ligne de crédit coûtait cher, mais en valait la chandelle : en cas de crise, elle pouvait tout changer. Il s'est rendu dans 15 banques, aucune n'a accepté de lui faire ne serait-ce qu'un devis.



C'est un livre audio sur l'économie de plateforme qui lui a donné l'inspiration : et si l'on pouvait s'inspirer d'Uber et Airbnb, mais au sujet des marchés financiers ? Avec un troisième larron, Igor Teleshevsky, ils ont lancé Capitolis en 2017.



State Street a fait partie de leurs premiers clients, contactant Capitolis en 2018 parce qu'il avait peur que les tests de résistance de la Fed ne l'obligent à augmenter encore ses fonds propres pour les opérations sur devises, explique Tobias Krause, responsable des risques et des ressources financières de la division marchés de State Street. Capitolis a trouvé des investisseurs capables d'assumer les risques et aidé la banque à doubler ses volumes d'échanges en cinq ans.



State Street a investi dans Capitolis et Tobias Krause a rejoint le conseil d'administration.



"Cela nous permet de libérer des capitaux que l'on peut redéployer ailleurs", résume-t-il.





-David Benoit, The Wall Street Journal



(Version française Marion Issard) ed: ECH



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May 25, 2022 08:18 ET (12:18 GMT)




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