Yuliya Chernova,
The Wall Street Journal
NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Peu de temps après que McDonald's a
fermé ses restaurants en Russie, une chaîne de burgers locale a
lancé un nouveau menu doté des emblématiques couleurs rouge et
jaune de la marque et d'un nom commençant par "Mac" en russe.
Ioury Levitas, co-fondateur de la chaîne de burgers Black Star
Burger, affirme que la promotion, appelée "Maximum Menu" en russe,
capitalise sur l'attention dont bénéficie le départ de l'entreprise
de fast-food américaine de Russie. "On nous a remarqués, ça a
marché", explique Ioury Levitas.
Plusieurs entreprises russes sont en train d'imiter ou d'essayer de
voler les marques des sociétés occidentales qui ont quitté le pays
à la suite de l'invasion de l'Ukraine. Le gouvernement russe, qui
considère les sanctions occidentales et les départs de ces
entreprises comme une guerre économique illégitime, ne semble pas
prendre de mesures pour les sanctionner.
En mai, McDonald's a envoyé un courrier par le biais d'un cabinet
d'avocats, exigeant que Black Star Burger retire ses menus. Plus
d'un mois plus tard, Black Star affirme avoir enlevé le préfixe
"Mac", mais il a conservé les couleurs. Un représentant de
McDonald's a précisé que l'entreprise s'était totalement retirée du
marché russe et a refusé de faire des commentaires sur la question
de vol de marque.
"Nous respectons les droits et les lois de tous les pays", se
défend Iouri Levitas. Il ajoute que le menu inspiré de McDonald's a
été un succès pour Black Star. "C'est pour ça que nous continuons à
contrarier nos concurrents", ajoute-t-il.
Le soutien le plus public de ces tentatives d'appropriation des
marques étrangères vient d'une députée russe élue après avoir purgé
une peine de prison aux Etats-Unis. Maria Boutina a été expulsée en
Russie après avoir été emprisonnée plus de quinze mois pour avoir
essayé d'influencer la politique américaine en infiltrant des
groupes conservateurs, notamment la National Rifle Association, le
lobby des armes à feu, lors de l'élection présidentielle de
2016.
Aujourd'hui, elle anime sur la télévision d'Etat russe un programme
qui fait la promotion de producteurs locaux. Les entreprises
occidentales, a-t-elle dit dans une interview, se sont fait de
l'argent sur le dos des consommateurs russes puis les ont
abandonnés. "Ce à quoi les Russes sont habitués sera préservé, mais
ce sera fait avec une petite touche locale", a précisé Maria
Boutina.
La Russie a signé des accords internationaux sur la propriété
intellectuelle et possède des lois sur la protection des marques.
En avril, Rospatent, l'agence fédérale de la propriété
intellectuelle russe, a déclaré qu'elle continuerait à faire
respecter les droits des propriétaires de marques occidentales.
Mais cette situation pourrait être renversée par le président russe
Vladimir Poutine, qui a signé des décrets visant à mettre des
bâtons dans les roues des entreprises étrangères demandant que leur
propriété intellectuelle soit protégée en Russie. Dans certains
cas, des magistrats ont déjà rendu des jugements défavorables à des
propriétaires de marques occidentales légitimes en faisant
référence à ces décrets, explique Irene Calboli, professeur de
droit à la Texas A&M University School of Law.
"Il est certain que les marques occidentales doivent se préparer à
perdre devant les tribunaux, même si le droit leur donnait raison",
avertit Irene Calboli.
Des entités russes ont déposé plus de 300 demandes pour enregistrer
des marques aussi diverses que Chanel, Durex et Mercedes-Benz
auprès du bureau fédéral russe de la propriété intellectuelle
depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février dernier,
selon des recherches effectuées par Irene Calboli et Vera
Sevastianova, doctorante à la Hanken School of Economics, une
université de Finlande. Pour l'instant, dit Irene Calboli, aucune
n'a abouti.
Un genre de copie plus subtil, lancé par les équipes locales
récemment abandonnées par leurs employeurs occidentaux, est en
train d'émerger en Russie.
"Men's Health" devient "Men Today"
Lorsque Hearst a retiré la licence de diffusion de ses magazines,
notamment de "Men's Health", la rédaction a continué de publier
sous le nom de "Men Today", en gardant le même genre de police
blanche sur fond rouge. Pour l'instant le magazine n'existe qu'en
ligne, mais il envisage de sortir une édition papier en juillet
avec un tirage de 100.000 exemplaires, comparé à 130.000 sous
Hearst.
Anton Ivanov, rédacteur en chef de la publication russe, révèle que
le nouveau nom a été approuvé par Hearst après une négociation.
"C'était important pour eux que ce soit différent. Mais pour nous,
c'était important que ça ne le soit pas. Nous sommes arrivés à un
compromis", rapporte-t-il.
Une porte-parole de Hearst a déclaré que ses "marques ne sont plus
autorisées à réaliser d'activités en Russie," que "Men Today"
n'était pas affilié à Hearst, et a refusé de faire davantage de
commentaires.
Nikolaï Kazanski a racheté la franchise russe de l'entreprise
immobilière internationale Colliers International, après que
celle-ci a décidé de se retirer du marché russe. Après un sondage
auprès de ses employés, il a renommé la société "Nikoliers", qui
selon lui renvoie à la fois à la marque originale et à son prénom.
L'entreprise a également adopté un nouveau logo. Au lieu des bandes
jaune, bleue et rouge bordant le bas du logo de Colliers, celui de
Nikoliers arbore des bandes blanche, bleue et rouge, les couleurs
du drapeau russe.
"Nous voulions proposer une nouvelle marque, mais nous voulions
aussi que nos employés et nos clients sentent dans leurs cœurs le
lien avec tout le bien que nous avons fait pendant de nombreuses
années sous l'ancienne marque", détaille Nikolaï Kazanski. Colliers
n'a pas répondu à nos demandes de commentaires.
Les entreprises russes expliquent tenter de remplacer les marques
qui sont parties. Le fabricant de sodas Otchakovo propose trois
nouvelles boissons : CoolCola, un mélange de Coca-Cola et de Pepsi
; Fancy, qui ressemble à du Fanta et Street, qui imite le Sprite.
Un représentant de Coca-Cola n'a pas voulu répondre à nos
questions.
Gennadii Golovan, propriétaire de deux épiceries à Ioujno
Sakhalinsk, une ville tout à l'est de la Russie, affirme que ces
nouvelles marques n'ont pas beaucoup de succès. Les clients russes
préfèrent se reporter sur des produits traditionnels comme le
kvass, une boisson fermentée pétillante à base de céréales, et sur
des boissons estivales comme la limonade, suivies par des marques
occidentales comme Coca-Cola, que certains distributeurs ont encore
en stock.
"Pour une bouteille de CoolCola vendue, on écoule six bouteilles de
Coca-Cola et 20 bouteilles de limonade", rapporte Gennadii
Golovan.
Ioury Levitas, le fondateur de Black Star Burger, prépare sa
prochaine promotion qui imite les couleurs vert et rouge de
l'entreprise qui a repris McDonald's en Russie. Et en même temps,
il se dit extrêmement favorable à la protection des marques.
"Sinon, tout le monde volerait les marques des autres. Ce ne serait
pas juste", conclut-il.
-Yuliya Chernova, The Wall Street Journal
(Version française Marion Issard) ed: ECH
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June 29, 2022 04:10 ET (08:10 GMT)
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