Résilients au Covid, Carrefour et Casino ont peu de marge face à l'inflation -DJ Plus
06 Juillet 2022 - 11:59AM
Dow Jones News
François Schott,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'inflation désemplit les caddies et met
sous pression les marges des distributeurs. Début juin, l'américain
Target a lancé un avertissement sur ses résultats du deuxième
trimestre en pointant le niveau trop important de ses stocks. Son
concurrent Walmart avait reconnu deux semaines plus tôt avoir subi
une "une pression plus forte que prévu sur les marges et les
charges d'exploitation" au premier trimestre et s'attendre à une
baisse de son bénéfice cette année.
Les mêmes déboires guettent les chaînes européennes de supermarchés
qui, outre une baisse de la consommation, sont confrontées à une
explosion de leur facture énergétique et des frais logistiques dans
le contexte de la guerre en Ukraine.
"Oubliés les beaux raisonnements que l'on avait pu faire sur les
vertus d'un secteur promu comme susceptible de bénéficier de
l'inflation en Europe par une masse de marge améliorée", indique
Invest Securities. L'inflation alimentaire, qui a frôlé les 9% en
juin dans la zone euro, est "trop importante pour avoir un effet
créateur de valeur sur les marges", ajoute l'intermédiaire
financier.
Les différents "panélistes" qui suivent le secteur le confirment :
face au renchérissement des produits de base, les ménages européens
adaptent leurs comportements dans les rayons. Si les ventes de bio
avaient déjà commencé à décliner l'année dernière, "aujourd'hui les
clients coupent également dans les marques nationales et les
produits frais au profit d'articles plus industriels, qui sont
moins chers et moins bien margés pour les distributeurs", note
Clément Genelot, analyste chez Bryan, Garnier & Co.
A cette descente en gamme s'ajoutent les nombreuses offres
promotionnelles mises en place par les enseignes afin de maintenir
la fréquentation de leurs magasins. "Prix serrés", "défi
anti-inflation", remises diverses en bons d'achats : tous les
leviers sont aujourd'hui activés. Même s'ils finissent par
répercuter l'essentiel de la hausse des prix en rayon, "les
distributeurs seront obligés d'absorber une petite partie de
l'inflation alimentaire", estime Clément Genelot.
Pour l'analyste, tous les acteurs cotés du secteur en Europe
devraient voir leur marge opérationnelle baisser cette année, à
l'exception de Carrefour dont le plan d'économies de 900 millions
d'euros devrait permettre de compenser le choc inflationniste.
Hausse des salaires
En 2023, l'inflation alimentaire pourrait commencer à baisser,
permettant aux distributeurs de retrouver des marges de manœuvre
sur leurs prix de vente. Mais ils devront également faire face à
une hausse de leurs coûts salariaux, conséquence des
revalorisations déjà consenties en début d'année et de celles qui
pourraient encore intervenir d'ici à la fin 2022. Carrefour a par
exemple promis de nouvelles discussions sur les salaires à la
rentrée.
"Les distributeurs alimentaires sont confrontés à une inflation de
leurs coûts et à une baisse de leurs revenus, les consommateurs
revenant à leurs habitudes d'achat prépandémiques. Cependant ils
doivent continuer à investir dans leurs capacités 'online' et de
livraison", souligne Moody's qui a récemment abaissé sa perspective
sur le secteur. L'agence de notation prévoit "une croissance
limitée, voire nulle" des résultats d'exploitation (Ebitda) de la
plupart des enseignes européennes au cours des 12 à 18 prochains
mois.
Les investisseurs ont jusqu'ici opéré d'importantes distinctions
entre les différents acteurs cotés du secteur. Casino a abandonné
45% de sa valeur boursière depuis le 1er janvier, le groupe ne
parvenant toujours pas à rassurer sur son désendettement. A
l'opposé, Carrefour a beaucoup mieux résisté, s'adjugeant une
petite hausse de 5% depuis le 1er janvier alors que le CAC 40 a
cédé dans le même temps 17,5%. Le groupe dirigé par Alexandre
Bompard a bénéficié d'une dynamique plus favorable dans ses
hypermarchés en France et du renforcement de son plan d'économies.
Depuis début juin et les avertissements des distributeurs
américains, le titre a toutefois perdu 11%, en ligne avec la
correction subie par l'ensemble du secteur en Europe. Le passage en
caisse des distributeurs européens, à l'occasion de la publication
de leurs résultats semestriels à la fin du mois, pourrait réserver
d'autres mauvaises surprises.
-François Schott, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 92;
fschott@agefi.fr ed: VLV
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